La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert, Pierre Villepreux, revient sur le manque de jeu pendant la Coupe du monde. Il attend autre chose du rugby à l'avenir.

Je suis un peu surpris que la prestation sud-africaine en finale n'ait pas suscité des commentaires plus critiques. Le match n'a pas été de bonne qualité et je dirais que les Anglais ont produit plus de jeu que leurs adversaires champions. J'attends personnellement plus d'une finale de Coupe du monde. Peut-être que si l'essai anglais avait été accordé le match aurait pris une autre ampleur. On peut certes se satisfaire de l'engagement physique et de la "robustesse" des plaquages qui ont a permis d'entretenir un regain intérêt. On peut aussi se satisfaire des chandelles offensives allégrement bottées par les uns et les autres. La haute technicité exprimée dans la lutte aérienne entre le récupérateur et son adversaire a agrémenté le spectacle, mais n'a pas entraîné de mouvement offensif significatif en termes de récupération-continuité pour les uns ou de contre attaque pour les autres.

A part deux percées, une pour chaque équipe, le jeu en attaque n'a jamais pris l'ampleur collective qui nous aurait permis de ne plus avoir froid dans les tribunes.

Si d'ailleurs on y regarde d'un peu plus près on s'aperçoit que les Springboks sont restés dans cette Coupe du monde et dans tous leurs matchs sur ce schéma de jeu préférentiel: Jeu au pied - défense- récupération - utilisation, quelquefois il faut le dire avec brio, comme contre l'Angleterre lors du premier match.

Lors des phases finales ce schéma stratégique a été utilisé par toutes les équipes sauf les Fidji et les Néo-Zélandais, ce qui semblerait prouver que le rugby qui gagne n'est pas un jeu total puisque le jeu d'attaque, voir de contre-attaque, sur balle bottée loin (occupation du terrain) est largement occulté.

Il est plutôt navrant de constater que ce jeu sans prise de risque qui vise, sans chercher d'autres options, à rendre par le jeu au pied la balle à l'adversaire semble faire recette. Il n'est pas dans mon esprit question de tout jouer à la main. L'alternance main-pied est, en sport collectif, spécifique du rugby, mais quand le pourcentage de ballons botté prend comme c'est le cas durant la finale une part excessive, on occulte forcément toute une dimension offensive qui n'est pas, comme je l'ai précisé, la seule à assurer le spectacle et la promotion du jeu, mais qui y contribue grandement.

Il me paraît incohérent d'accepter, aujourd'hui que la popularité du rugby est grande, un jeu réducteur qui demain peut ne plus intéresser le plus grand nombre. Il faut revenir et le plus vite possible à un jeu total qui doit générer enthousiasme et conviction pour tirer le rugby vers le haut. On ne peut se satisfaire de quelques attaques en fin de match quand le score est défavorable.

L'élimination prématurée des All Blacks ne leur a pas permis de démontrer le contraire. Tant mieux pour la France mais c'est un peu dommage pour le rugby. Il faut toujours chercher à maîtriser le risque posé par un jeu trop restrictif et peser les conséquences de sa réussite dans la plus haute compétition sur la formation.

Les règles sont-elles si mauvaises pour justifier ce refus du jeu dès que le rapport de force s'équilibre ? Je ne le pense pas. Les nouvelles en voie d'élaboration permettront d'avoir encore plus d'options tactiques sans que le jeu soit dénaturé. Chacun pourra les utiliser en choisissant son style. Il s'agira alors de ne pas se tromper.

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