Baky écrit - Cédric et ses Bleus : le triomphe du rugby fauteuil

Par Rugbyrama
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BAKY ÉCRIT - Retiré des terrains depuis l'été 2021, Bakary Meité profite de sa liberté retrouvée pour poser un regard libre, décalé et forcément engagé sur l’actualité du rugby, des belles histoires du monde amateur aux exigences du secteur professionnel. Aujourd'hui, il nous amène à la rencontre des joueurs de rugby fauteuil, qui viennent d'être sacrés champions d'Europe.

Le tutoiement est de mise. La voix est neutre en termes de tonalité. Ni trop aigu ni trop grave. Mais elle est sublimée par la joie. Et ça se ressent même à travers un téléphone portable.

Et il y a de quoi ?! Ce n’est pas tous les jours qu’on est Champion d’Europe de rugby fauteuil. L’allégresse qui survient n’a d’égale que la déception provoquée par une sixième place aux Jeux Olympique de Tokyo quelques mois plus tôt.

Cédric Nankin et ses coéquipiers ont mené leur barque de la meilleure des manières pour hisser leurs roues sur la plus haute marche du podium.

Pendant que je goûtais à mes premiers jours d’ancien joueur, je regardais l’équipe de France composée de tétraplégiques pratiquer mon sport à Tokyo. Un sport qu’ils se sont approprié. Car le rugby fauteuil est un sport créé par des tétraplégiques pour les tétraplégiques. D’anciens joueurs de foot US et de hockey frappés par des accidents de la vie, venus circonscrire leur autonomie, mais refusant l’abandon de la pratique sportive créent le murderball. Abandonnons cette appellation aux nord-américains pour faire plaisir aux Immortels : en France, on s’adonne au rugby fauteuil.

Quand on parle d’handisport, Ryadh Sallem n’est jamais très loin. Ce champion de natation, de basket et de rugby fauteuil fut à l’origine de l’arrivée de Cédric Nankin dans la discipline. En lui prophétisant qu’il en deviendrait un champion, un médaillé et l’un des meilleurs joueurs du monde en quelques années et beaucoup de travail. Il n’en fallait pas plus pour convaincre Cédric, qui, de son propre aveu, n’était clairement pas un féru de sport.

Depuis, Cédric est devenu une machine à s’entraîner. Cet adjoint "méthode" à la SNCF a rejoint le programme mis en place pour les athlètes de la société ferroviaire. Ce qui lui permet de dégager du temps pour se préparer comme il se doit. Il ne s’en prive pas. Pour le plus grand bonheur de son club le CAPSAAA (cap sport art aventure amitié) et de son président-prophète Ryadh Sallem. Cédric Nankin ne sait que trop bien l’importance de communiquer sur les réseaux sociaux sur ses entraînements et la compétition, notamment pour attirer les partenaires en quête de virginité (selon les enquêtes d’opinions les entreprises qui sponsorisent le handisport jouissent d’une belle cote de popularité) mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg "travail".

Revenons à notre titre de champions d’Europe. Les Français, dans le sillage de leur capitaine Jonathan Hivernat, sont venus à bout des Britanniques sur le score de 44-43 en finale. Dans une halle Georges Carpentier incandescente. Plus au fait de alley-oop et de tirs à 3 points des joueurs du Paris Basketball. La salle du sud de Paris et son public chauvin ont poussé Cédric et sa bande à se surpasser. Eux, ces sportifs frappés du double joug de l’anonymat et du handicap ont pu compter sur les encouragements de l’audience qui a parfaitement rempli son rôle de cinquième homme à roulette. Cédric Nankin le reconnaît sans ambages. Ce soutien les a transportés. Ajoutez à cela la frustration de Tokyo 2020 et vous obtenez une équipe de France qui renverse tout sur son passage. Enfin surtout les fauteuils des adversaires.

La couverture médiatique aussi était d’un tout autre acabit. Là encore, Cédric ne larmoie pas sa satisfaction. Il sent que la mayonnaise prend autour de sa discipline. Rien de tel qu’un titre pour booster la popularité de sa discipline. Le Français aime les gagneurs, bien plus que les gagnants. Entendez ceux qui vont chercher un truc que les bookmakers les plus avisés leur interdisent. Il n’y avait qu’à voir mes sauts de cabri devant la médaille d’or de Justine Braisaz-Bouchet, dont je ne connaissais même pas l’existence avant sa course victorieuse de biathlon aux JO de Pékin 2022.

Aux dernières nouvelles, Cédric Nankin et ses acolytes n’avaient pas reçu de félicitations officielles du président Laporte. Des pourparlers avaient eu lieu il y a quelques temps pour que le rugby fauteuil entre dans le giron de la FFR. Avant d’être biffé.

Gageons sur ce résultat pour infléchir les positions actuelles. Car Cédric a encore des choses à accomplir. Et si à 37 ans il avait des envies de remiser le fauteuil au placard, Ryadh serait là pour lui rappeler que la prophétie ne sera complète qu’avec un titre olympique. Paris 2024 point au loin. Et après cet avant-goût continental, le graal paralympique à domicile fait saliver. L’habit d’outsider étriqué, il faudra alors enjoliver les roues du fauteuil avec les jantes de favoris. Cédric et les Bleus, portés par la foule, se transformeront alors en chercheurs de médaille couleur Nankin.

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