Delaigue: "L'équipe de France a besoin de certitudes"

Quelles sont les activités de Yann Delaigue depuis sa retraite sportive?

Yann DELAIGUE: Tout d'abord, je m'occupe des partenariats sportifs pour le groupe Orangina-Schweppes. Autour du rugby pour la marque Orangina, autour du golf pour la marque Schweppes et enfin le handball avec la marque Oasis. A côté de cela, j'ai aussi la casquette d'Organisateur du "Tournoi des Six Stations" (Un tournoi amical de rugby à VII sur neige opposant six stations de ski des Alpes, se déroulant sur la semaine du 15 au 22 février et rassemblant de nombreux anciens internationaux comme les frères Lièvremont, Dominici, Betsen, Califano, Magne, Moni, Liebenberg, Colin Charvis, Shane Williams...ndlr). J'exerce aussi le rôle de consultant pour Canal Plus.

Quel est votre regard sur l'évolution des clubs dont vous avez porté les maillots: Toulon, Toulouse et Castres?

Y.D: Castres est une équipe qui tournait très bien depuis deux saisons en participant à deux finales du championnat et remportant un titre. C'est une équipe qui n'avait pas forcément de moyens impressionnants mais qui a su exploiter 100% de son potentiel. Ce n'était pas la meilleure équipe sur le papier mais malgré tout, elle obtenait de supers résultats. En revanche, cette année, cette formation est complètement dans l'impasse. Cependant, j'ai l'impression qu'elle va réagir sur cette fin de saison mais ne jouera plus les premiers rôles. La bagarre sera pour sauver le maintien en Top 14. C'est assez surprenant et j'avoue ne pas comprendre, ne pas avoir d'explications sur cette situation. La réponse pourrait peut être venir de la perte petit à petit de joueurs de très grande valeur, internationaux pour la plupart comme Andreu, Masoe, Dulin, Classen... et un duo d'entraineurs très compétitifs. Et puis, il suffit qu'une spirale négative s'enclenche pour avoir du mal à s'en sortir avec des ressources qu'ils n'ont pas forcément pour se relever.

Le Stade toulousain est à un virage de son histoire

Concernant le Stade toulousain, il me semble qu'ils sont à un virage de leur histoire. Là aussi, ils ont des joueurs de valeur mais ne sont pas épargnés par les blessures. Ils ont un banc moins performant qu'auparavant avec des problèmes en conquête. J'ai confiance en cette équipe et je sais qu'ils relèveront la tête mais la saison risque d'être tout de même difficile pour eux. Il ne reste plus que le titre de champion à aller chercher mais la tâche va être très difficile si ils ne règlent pas ces deux ou trois problèmes dont la conquête afin de retrouver de la performance.

Enfin, Toulon, je ne me fais pas de soucis pour eux. L'équipe joue les premiers rôles en France et en Europe. Ils ont beaucoup de joueurs de très grandes valeurs. L'effectif est riche et pléthorique et on sent que les changements de joueurs dans l'équipe n'affectent en rien les bons résultats. Il y a une véritable émulation dans ce groupe, qui vit bien avec des joueurs performants. Il y a du beau jeu avec des résultats et c'est parfait ainsi.

Le club de Toulon est aussi très présent dans les médias avec l'explosif Président Mourad Boudjellal qui sort un peu du cadre conventionnel. Voyez-vous ces comportements comme positifs ou nuisibles pour le club?

Y.D: Mourad s'est un peu calmé en ce moment (rires). Cela fait partie da sa personnalité que l'on soit d'accord ou non avec lui. Il fait parler de son club par ses résultats mais aussi par sa grande gueule. C'est une personne très active et rien que ça, c'est déjà bien. Cela fait partie du personnage et c'est une bonne chose.

Pour quelle(s) raison(s) ne voit-on pas Yann Delaigue prendre une fonction d'entraîneur dans une équipe professionnelle?

Y.D: Parce que je suis déjà très occupé et c'est la première des choses. La seconde est que je privilégie ma famille et donc l'envie de voir mes enfants un week-end sur deux dans le sud de la France. Et le métier d'entraineur ne m'en laisserai pas le temps. Même si ils sont grands (15 et 17 ans, ndlr), je veux profiter d'eux. Peut-être que dans trois ou quatre ans, quand ils seront majeurs, il y aura peut être une autre carrière à envisager. J'ai eu des propositions mais je n'y ai jamais donné suite car ma priorité n'est pas là pour le moment (en octobre 2011, il avait rejoint le staff de l'Aviron bayonnais comme consultant un jour par semaine, ndlr).

Une envie d'exercer ce rôle ultérieurement est donc tout de même présente...

Y.D: Oui bien sûr. J'ai la passion de ce sport et l'envie de partager avec un groupe. J'ai les enfants pour l'instant mais on verra après. Je ne suis pas du genre à faire des plans sur ma carrière professionnelle. Je prends les choses comme elles arrivent.

Abordons à présent le XV de France. Nous sommes un peu dans le flou mais comment percevez-vous cette équipe à l'approche du Tournoi des Six Nations?

Y.D: Il y a des raisons d'être optimiste car nous avons vu des matchs de novembre accomplis même si les oppositions n'étaient pas les mêmes car sans faire offense aux Fidjiens, ce n'est pas une grosse équipe mais nous avons fait un bon match tout comme contre l'Australie. Après il y a eu ce revers face à l'Argentine qui nous a un peu remis la tête à l'envers. Mais bon, nous avons vus des bonnes choses sur le premier match et j'ai envie de garder le positif à l'approche du Tournoi. Je suis plutôt optimiste même si cette compétition va être très dure car les autres formations sont très bien préparées. J'ai envie de donner une chance encore à cette équipe de France car c'est la dernière ligne droite avant la Coupe du monde et on a besoin de certitudes.

Sans être mauvaise langue, je ne suis pas persuadé que les organisateurs de la Coupe d'Europe verraient d'un bon œil que Toulon la remporte une troisième fois consécutive

Sur quelle équipe misez-vous pour remporter le Tournoi?

Y.D: Les Anglais. Ils sont plutôt pas mal. Mais bon, il faut faire attention, nous sommes sur une année Coupe du monde. Les Irlandais ont aussi réalisés de très bonnes performances sur les tests d'automne. Je ne prends pas trop de risque en disant que la victoire finale se jouera entre les Anglais, les Français, les Irlandais et les Gallois (rires).

Qui voyez-vous remporter la Coupe d'Europe le 2 mai?

Y.D: Je vais être un peu chauvin mais je dirais Toulon ou Clermont. D'ailleurs, je vois bien une finale Toulon-Clermont. Le tirage au sort y joue inévitablement. Après, il peut y avoir plein de surprises. Toulon a les moyens de le faire mais trois fois d'affilée, cela me parait gros. Il y a aussi les facteurs chance, arbitrage... et sans être mauvaise langue, je ne suis pas persuadé que les organisateurs de la Coupe d'Europe verraient d'un bon œil que Toulon la remporte une troisième fois consécutive. Il ne faut pas être médisant. Attention aussi à la réaction de Northampton qui en a pris 30 à domicile face au Racing-Métro alors que cette équipe est leader du championnat anglais.

Le Top 14 est annoncé comme la meilleure compétition mondiale avec cependant des avis partagés. Quel est le votre à ce sujet?

Y.D: Je pense que le Top 14 en est très proche. Le Super Rugby n'est pas loin non plus mais comparons ce qui est comparable. Le Super Rugby n'est pas un championnat de clubs contrairement au Top 14. Ce sont des franchises qui réunissent les meilleurs joueurs de plusieurs équipes ou d'une région. De toute façon, on verra avec la province sud-africaine des Sharks qui va venir affronter Toulon (jeudi 5 février, ndlr). Le niveau des deux compétitions est très proche. Après, il y a le championnat anglais juste derrière.

Selon vous, quelle équipe lèvera le Bouclier de Brennus au Stade de France le 13 juin?

Y.D: C'est peut être une réponse bateau que je fais faire en disant Toulon ou Clermont mais ce sont les deux équipes qui séduisent par leur façon de jouer mais qui ont aussi des résultats donc forcément elles sont favorites. Le Racing-Métro l'est tout aussi mais c'est moins régulier et moins centré sur l'attaque que les deux autres clubs. En revanche, ils sont très durs à déstabiliser et très dur à jouer.

Pour conclure sur une note plus personnelle: quel est le meilleur souvenir de votre carrière et, à l'inverse, le pire?

Y.D: C'est très difficile d'en sortir un précisément. Je dirais mes titres avec Toulon et Toulouse. En 1992 avec le RCT car c'est le premier comme champion de France et je n'étais encore que Junior. Et ceux avec le Stade toulousain en 1999 et 2001 puis la Coupe d'Europe en 2003. Je rajouterais aussi ma première sélection avec l'équipe de France car c'est un rêve de gosse qui s'accomplit. En plus, ma première sélection se passe très bien avec une victoire en Ecosse. Coté négatif, je n'évoquerais pas des défaites mais plutôt mes blessures physiques. Des blessures notamment avant les Coupes du monde de 1999 et 2003.