Bleus : Besoin de changements?

"Vu le contexte de préparation de ce match, on ne peut pas changer une dizaine de joueurs". Marc Lièvremont a prévenu : il n'y aura pas de révolution dans le groupe qui affrontera le pays de Galles le 27 février au Stade de France. Cette stratégie adoptée par le trio Lièvremont-N'Tamack-Retières, à qui on avait reproché d'avoir utilisé trop de joueurs en 2008 (56 au total), prête à discussion. Nous avons interrogé des grands noms du rugby français pour connaître leur avis sur la question. La plupart d"entre eux approuve l'option choisie par Lièvremont mais le débat est ouvert.

ILS VEULENT DU CHANGEMENT.-

Henry Broncan, directeur du rugby d'Agen : "S'il faut effectuer des changements, il en faut peu. Ce qui m'a gêné dans cette équipe contre l'Ecosse, c'est son manque d'enthousiasme. Je ne sais pas si les joueurs ont bien intégré le système de jeu voulu par leurs entraîneurs. A mon avis, il manque des fortes personnalités dans ce groupe. Ce sont de bons soldats mais ils n'ont pas de génie et ne prennent d'initiatives. En plus, leur discours discorde. On entend Nallet prôner la sécurité et on sent que les arrières, toulousains pour la plupart, ont envie de s'éclater de tous les côtés du terrain. J'aimerais voir revenir Elissalde et Michalak à la charnière. Tillous-Borde ne pèse pas sur ses avants et Beauxis ne pèse pas sur ses arrières. Ils sont très prometteurs mais pas encore assez mâtures pour ce niveau alors que les Toulousains sont deux "fortes caboches". Ils sont plus créatifs, capables d'aller parler à l'arbitre, de contester et ce sont de bons plaqueurs."

Philippe Dintrans, ancien talonneur et capitaine du XV de France (51 sélections) : "Moi je ferais des changements, oui, en plaçant quelques joueurs expérimentés au milieu de tous ces jeunes. Sans faire offense à certains, je pense qu'il faut rappeler des gars comme Sylvain Marconnet. Même chose pour Jean-Baptiste Elissalde. Je ne vois pas comment il peut être écarté, il est incontournable. Mettre deux ou trois "vieux briscards"dans ce groupe serait profitable à l'équipe. Ills apporteraient de l'expérience, de la confiance et ça permettrait à Nallet de souffler un peu dans son rôle de capitaine. A moment donné, il faut faire la meilleure équipe du moment. On n'arrête pas de préparer des Coupes du monde mais je crois qu'il faut surtout se servir des mecs en forme. C'est tout !"

ILS PRONENT LE STATU QUO.-

Pierre Villepreux, ancien joueur et entraîneur du XV de France (34 sélections) : "Je ne le crois pas, je ne vois pas ce que des changements de joueurs apporteraient comme changements dans le jeu. Et puis pour mettre qui ? Si l'équipe de France parvient à produire le même jeu que celui qu'elle a produit en Irlande, il n'y aura pas de problème. Elle s'est faite assassiner après ce match parce qu'elle avait soi-disant trop joué et là non plus ça ne va pas. Le match contre l'Ecosse n'a pas été bon, c'est sûr, mais les joueurs ne sont que des hommes ! Je dirais au staff de conserver ces joueurs et de leur dire de faire comme à Croke Park, où ils avaient joué avec envie et dynamisme. Je ne suis pas inquiet pour le match contre le pays de Galles, ils vont se sublimer, même si je m'interroge un peu sur leur manque de dynamisme physique et de vitesse".

Christophe Lamaison, ancien ouvreur du XV de France (37 sélections, recordman de points inscrits sous le maillot bleu) : "Il ne faut pas faire de changement selon moi. Ce serait prendre un risque énorme, surtout face au pays de Galles. Le staff est parti avec un groupe, l'ossature est là et il faut garder de la cohérence. La manière n'était pas là contre l'Ecosse mais la victoire oui, il ne faut pas l'oublier ! Cette équipe est jeune, il faut lui laisser du temps. C'est vrai que le fait que certains joueurs soient bons en Top 14 et pas avec les Bleus pose question. Il s'agit peut-être d'un problème d'adaptation. Aussi, certains sont fatigués par les cadences infernales ou la pression qu'ils vivent avec leurs clubs respectifs. S'il y avait des changements à faire, ce serait peut-être sur le positionnement de certains dans le XV de départ."

Jean-Luc Sadourny, ancien arrière du XV de France (71 sélections) : "Je ne changerais pas le groupe car les joueurs présents sont, selon moi, les meilleurs du moment. Peut-être faudrait-il seulement amener un ou deux joueurs expérimentés… Mais je persiste, il faut garder ces jeunes. Il faut qu'ils jouent un maximum ensemble pour acquérir une cohésion, des automatismes et une homogénéité dans le groupe. Ce n'est pas forcément eux qui joueront la prochaine Coupe du monde parce que, à mon avis, Marc Lièvremont a en tête un groupe de 40 ou 50 garçons capables de la disputer, mais il faut leur laisser leur chance et ne pas trop les critiquer."

Olivier Roumat, ancien deuxième ligne et capitaine du XV de France (61 sélections) : "Cette équipe a un gros potentiel mais pas de vécu. Les joueurs n'ont pas encore beaucoup évolué ensemble, ça se voit en première ligne notamment. Du coup, ils manquent d'automatismes et de repères collectifs. C'est très difficile de tout faire fonctionner en quelques jours ! Certes, elle n'a pas fait un grand match contre l'Ecosse mais cela n'est pas une première, je le sais pour l'avoir vécu. Je me rappelle notamment d'une défaite en 1995 avec un essai entre les perches d'Hastings... Mais je suis sûr qu'elle se mettra au niveau des Gallois, qui viendront chercher un Grand Chelem. Bonnaire aurait pu être appelé, c'est vrai, de même qu'Elissalde, qui pourrait devenir le patron qui manque à cette équipe. Mais je crois qu'il faut laisser du temps à ce groupe."