La chronique de Rodolphe Rolland

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Rodolphe Rolland se pose cette semaine toutes les questions qui entourent le présent et l'avenir du XV de France après sa déroute en Angleterre.

"On ne change pas une équipe qui gagne !"

Les clichés n'ont plus la vie dure, rangés dans l'armoire en sapin entre naphtaline et sachets de fleurs de lavande, là au beau milieu des culottes de grand-mère, dans les vieilles cotonnades empesées. Il faut s'y résoudre, la victoire n'assure plus nécessairement une place parmi le groupe en vue du match suivant, pas plus que la défaite n'indique le coin aux cancres.

Du coup et selon les dernières méthodes en vogue du management sportif, le groupe – qui s'est illustré face aux Anglais à Twickenham – devait être reconduit entièrement. Je dis "devait", car depuis, deux nouveaux joueurs sont venus pallier les forfaits de Sébastien Tillous-Borde et de Benjamin Kayser : il s'agit des toulousains William Servat et Fred Michalak. Le groupe majoritairement reconduit, objectif le rachat.

Pour lui, "l'objectif, ça reste 2011", a cru opportun de rappeler Pierre Camou, président de la FFR, histoire de sauver les apparences après le naufrage dominical du rugby français.

2011 ou l'odyssée chimérique, ersatz d'un invraisemblable roman de science-fiction, camouflet à tout bon sens, exhibé impudiquement pour entretenir l'illusion que tout est encore jouable, que l'hypotension du XV de France n'est pas chronique, qu'il n'y pas lieu de s'alarmer : bref, qu'on n'a encore rien vu et que " le meilleur reste à venir", comme l'a dit après la correction anglaise, Steve Borthwick, capitaine du quinze de la Rose. Alors...

Bien beau de faire joujou avec les mécanismes de l'Anticipation, encore faut-il pouvoir imposer sa vision de l'avenir envers et contre tous, rendre le futur crédible, du moins imaginable.

Et là, on est encore loin du compte !

Invoquer invariablement l'avenir, ce n'est rien moins que tenter d'effacer l'effroi du présent. Un aveu d'impuissance, quoi ; Un peu grosses les ficelles ! On l'avait connu plus inspiré, le président.

Enfin... Moi, je ne demande qu'à y croire, qu'à avoir confiance... Encore faudrait-il qu'on m'explique... Qu'on m'explique, par exemple, pourquoi à la vidéo, les Anglais se sont aperçus que lors d'un renversement d'attaque sur un deuxième temps de jeu notre défense était aux abois, alors que notre staff, lui, n'avait rien remarqué ?

Pourquoi les Anglais – toujours eux – nous battent deux fois en autant de rencontres, brisant notre "stratégie" et frappant offensivement là où on ne les attend pas ? Et pourquoi pas nous ?

Pourquoi Simon Shaw est rappelé dans son équipe nationale et pas Fabien Pelous qui partage les mêmes trente-six ans?

Qu'on m'explique aussi pourquoi ces provocations verbales françaises dans la presse, alors que jouer l'Angleterre à Twickenham sous le maillot frappé du coq devrait en principe suffire à la motivation ?

Pourquoi cette démission collective des joueurs ?

Est-ce-que l'équipe de France est une équipe à réaction ? Et si oui, est-elle simultanément une équipe à démission, reproduisant dans l'alternative le mouvement d'un yo-yo, une fois en haut, une autre en bas ?

Quand allons-nous réformer le Top14 ? Etc.

Je veux bien y croire, mais il faut m'aider un peu. Après tout, l'écrivain turc Orhan Pamuk ne dit-il pas que " l'espoir, c'est la résistance de l'imagination" ! Seulement, côté imagination, résigné à un effort surhumain, je ne refuse pas un p'tit coup de pouce.

Samedi 21 mars, les "reconduits" doivent se racheter impérativement à Rome, ils le doivent à Marc Lièvremont, à eux-mêmes et à tous les supporters du rugby tricolore. "Rome, ville ouverte" ou la première étape en vue d'une éventuelle rédemption, début d'une reconquête qui se poursuivra cet été puis cet automne par deux séries de Test-matchs, lancement d'une vaste opération "Restore Hope [1]" pour redorer le blason terni du gallinacée gaulois, éviter à l'équipe de France l'annus horribilis que d'aucuns lui promettent en cette année 2009 et permettre enfin à Pierre Camou de croire lui aussi en 2011 !

[1] Littéralement "restaurer l'espoir", opération réalisée en Somalie en 1993 par l'armée américaine sous l'égide de l'ONU. Elle se solda par un échec.

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