La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Vendredi 14 décembre :

Un Néracais proteste amicalement : ce n'est pas Florette mais Fleurette, cette jeune fille qui aima, toute sa vie, Henri de Navarre alors que ce dernier ne lui accorda qu'une seule journée de son existence ; avec fierté, mon interlocuteur me rappelle que la si juste expression "conter fleurette" a pour origine cette belle – et triste – histoire du pays d'Albret "il n'y a pas d'amours heureux…"

Départ pour Aurillac dans notre splendide car : pour le moment, à l'extérieur, il n'y a que lui que nous pouvons exhiber fièrement ; arrêt – entrainement à Figeac, au pays de Champollion. Le SUA fait encore recette : une bonne centaine de personnes assiste à la mise en place des leaders de l'équipe. Au final, des enfants sollicitent des autographes. JM, l'ouvreur, enfant du pays, est accueilli affectueusement par ses anciens copains.

Arrivée au lac des Graves, magnifique vallée aux pieds du Puy Mary - tête enneigée ; température fraîche mais paysage féérique. Hier, j'étais à Fources, la belle bastide ronde du haut du Gers : je ne me lasserai jamais de dire combien nous avons la chance d'habiter la France.

Samedi 15 décembre :

Le Stade Aurillacois est tout sauf une équipe inorganisée comme je l'ai entendu dans la bouche d'un de nos responsables. La patte de Michel transmise à Thierry, son neveu, est omniprésente : le 9 lanceur, le 12 relayeur derrière la mêlée, les leurres sur les touches réduites, les petits côtés à cent à l'heure, les replacements sans fausse note ; 3 magnifiques essais viennent punir notre suffisance : nos 6 premiers ballons pourtant distribués en avançant sont tombés sans que l'un d'entre nous ne se soit sacrifié pour les récupérer.

Bien sûr, avec Michel, nous nous sommes isolés longtemps : le temps qu'il me raconte son expérience de 4 mois dans le grand club voisin, le contact brutal avec des stars pour lui surévaluées faisant barrage aux conceptions de jeu qu'il voulait imposer. Je sais qu'il est meilleur technicien que moi, plus ouvert, plus subtil, plus "rugby" mais je sais aussi que je suis plus tenace et que, lorsque je tiens le mollet, je ne le lâche plus…j'ai horreur du 15 décembre.

Dimanche 16 décembre :

Le petit toucher dominical ; pour renforcer notre groupe si sympa, mi-pompiers, mi-sncf, j'ai fait venir mon ouvreur des Tonga et mon ailier des Fidji – pas la vedette, le plus jeune – les deux nous régalent, s'amusent comme des petits fous avant de partager, avec notre groupe, le vin blanc de Pellehaut et surtout de déguster le foie gras du Gers : il ya aussi de bons moments en Lot-et-Garonne !

De bons moments, les espoirs de l'ASM en passent, l'après-midi, sous le soleil revenu d'Armandie. Entrainés par Ribeyrolles – un ancien d'Aurillac – les Auvergnats ne font pas lancer les 9, mais distillent un rugby de qualité pratiqué par des athlètes de 19 à 23 ans. Côté Agen, on résiste tant que faire se peut mais on finit par craquer devant le physique et la technique réunis. Heureusement, il reste une farouche volonté qui autorise un score convenable et je découvre un petit 10 de qualité. Cette équipe espoirs souffre contre les grosses cylindrées mais je suis sûr que dans l'adversité, ils apprennent beaucoup mieux que dans la facilité.

Lundi 17 décembre :

Ce matin, nous pansons les plaies physiques et morales : une semaine pour préparer Toulon qui a atomisé Limoges. J'ai une pensée pour JJC, ce pilier gauche venu de Marmande pour faire le bonheur du SUA pendant plus de dix ans, devenu maintenant l'entraineur des avants du RCT. Dimanche, il prendra place sur le banc des visiteurs et je sais que cela lui fera tout drôle, lui qui a défendu si vaillamment les couleurs bleues et blanches ; je sais aussi qu'il reviendra sur les bancs de la Garonne même si la rade a ses charmes. Ce n'est pas un enfant de la Mer, c'est un fils du Fleuve.

A l'heureuse initiative de l'Association, une soirée parrainage des joueurs professionnels et espoirs a été organisée à la Table d'Armandie. Le lendemain, je n'entendrai que des éloges sur cette entreprise : nous avons tant besoin de nous souder.

Mardi 18 décembre :

Tana Umaga, George Gregan, Anton Oliver, Andrew Mehrtens, etc… leur venue enflamme la vente des places ; de Samatan, ils seront une cinquantaine – le LSC vient de rejoindre l'USL à la tête du classement ! – Mourad Boudjellal, le petit maghrébin du quartier populaire du Port, la Breitling au poignet et la Maserati sous le pied, a gagné son pari que beaucoup – et moi, peut-être aussi – avait cru fou. Tout le monde de la D2 profite de ses largesses : stades combles et surtout spectacles assurés car les vedettes annoncées ne sont pas venues se reposer. Grâce à lui, Armandie va ressentir les effluves du TOP 14.

Mercredi 19 décembre :

Devant ce joueur de grand avenir qui me dit amèrement : "je ne supporte plus les insultes que nous délivre le public…je veux partir", je songe à Jean François Viars remerciant les supporters de Paul-Alric qui ont encouragé constamment le Stade Aurillacois, samedi soir. J'essaye de rassurer mon petit jeune : "ne pense qu'à ceux, et ils sont nombreux, qui poussent derrière toi et qui t'aiment beaucoup". Il ne veut pas m'entendre ; je sais, par expérience, qu'on peut "tuer" quelqu'un par les mots et que, petit à petit, la foule du rugby ressemble de plus en plus à celle du football professionnel. Ce gamin blessé que j'aime beaucoup pourra-t-il retrouver confiance ?

Jeudi 20 décembre :

J'ai affiché, sur mon mur cette citation de Saint-Exupéry : "force-les de bâtir une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain"... Dans le Gers, mon ami a dû quitter la fonction de manager que je lui avais confiée : "conflit de générations" annonce la voix officielle du club… Dans sa tête, dans son corps et surtout dans son cœur, il était plus jeune qu'un junior !

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