La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez les pas perdus d'un coach, la chronique d'Henry Broncan, entraîneur du SUA, mais aussi manager de la Géorgie.

Samedi 29 septembre :

Gueule de bois pour les Gallois qui ont du noyer leur chagrin dans la bière et gueule de bois pour les Fidjiens qui ont du fêter leur victoire dans le cava. Cet archipel qui ne comprend même pas un million d'habitants se retrouve donc parmi les grandes nations mondiales en pratiquant un rugby semble-t-il hors du temps. J'ai une pensée pour Jacques Fouroux, une pensée affectueuse pour celui qui fut mon maître dans beaucoup de domaines : "No scrum, no win".

Il a du se retourner dans sa tombe en regardant le match. De mon côté, je perçois le sourire ironique d'Henry Godravu dit Rawaico, le pilier droit fidjien intégré dans la dernière demi-heure que j'avais renvoyé d'Auch parce qu'il n'aimait pas faire de mêlées, ni à l'entrainement... ni en match, prétextant, plus que régulièrement, avoir mal au dos !

Pagaille en Géorgie : à midi, les coachs annoncent enfin la formation qui doit rencontrer la France et comme je l'avais deviné, ils ont décidé de faire plaisir aux sélectionnés qui n'ont pas joué le match contre la Namibie. Nous voilà donc avec une seconde ligne de 36 ans de moyenne d'âge : Victor, remplaçant à Massy et son ami Zurab, réquisitionné dans la semaine à Domont à cause de la blessure de Zedginidze. On attend même de savoir si Gorgodze est rétabli et on laisse le jeune Datunachvili, 24 ans, sur le banc des remplaçants. Derrière, le meilleur défenseur, Kacharava, 22 ans n'est même pas dans les 22. Labadze, enrhumé, est également écarté alors qu'il était indispensable d'en faire le capitaine. C'est dans une ambiance délétère que le captain's run se déroule à 15 heures au stade Vélodrome. Je crains la barre des 100 points pour demain.

En soirée, dans un match âpre - ce sont ceux que je prefère - l'Ecosse écarte, sur le fil, l'Italie. Les larmes de Troncon, le baroudeur, sont émouvantes.

Réunion avec la direction du rugby géorgien dans un salon de l'Holiday Inn. J'apprends que le Président de la République et quelques ministres seront présents, demain après-midi. Confirmation des dix "nouveaux" stades et des millions de dollars ; et je suis invité, non pas à la distribution, mais à tenir un rôle important pour préparer la Coupe du Monde 2011. Mon âge et mes préoccupations agenaises me servent d'arguments pour refuser. Je suis prié de désigner un suppléant et, pour plusieurs raisons, je ne me sens pas capable de le faire. Une place est libre, intéressante certes mais difficile à tenir ; dans ce pays de 2000 licenciés existe un gros potentiel de joueurs solides et courageux mais la tâche est énorme à commencer par relancer un championnat avec seulement 6 clubs (!) et des joueurs entièrement amateurs. Il y a la volonté d'envoyer les meilleurs éléments en France mais je leur explique qu'il est possible que notre pays ne devienne de plus en plus réticent à cette immigration - voir les dernières mesures sur le Championnat Espoirs Elite - et surtout qu'il faut passer par des compétitions géorgiennes mieux structurées avec la volonté de garder de bons joueurs dans le pays pour relever les épreuves. Un gros travail doit être amorcé car au niveau des écoles et des collèges etc. Cela demande un intervenant jeune, passionné et entièrement disposé à vivre à Tbilissi.

Dimanche 30 septembre :

Hier au soir, un journaliste du Monde m'a posé brutalement la question : "D'après vous, que signifie : respecter l'adversaire ?" Pris de court, fatigué, j'ai balbutié une réponse qui ne m'a guère satisfait.

Sur la magnifique pelouse du stade Vélodrome, les deux équipes s'échauffent. Nicolas Foulquier a placé, modestement, son matériel dans l'en-but du Levant... Merab et Malkhaz s'exercent dans les 22 mètres... Plusieurs joueurs français occupent tout le reste de l'espace : 80 mètres ! Je crie à Nicolas : "ils vont vous expédier sur le terrain annexe !"

Comme prévu, les coqs déroulent leur jeu devant des lelos exsangues. Je pense à la vieille dame qui a du quitter le match à la mi-temps pour aller discuter avec sa voisine. A quelques sièges de moi, un ministre, au bout de 20', a quitté sa place : pourvu que les millions de dollars et le stade ne se soient pas envolés. A la pause, des spectateurs ne reviennent que 10' après le coup d'envoi : les toasts étaient meilleurs que le match !

Les Géorgiens ont fait quand même la fête ; le handballeur Richardson partage notre repas. C'est Ilia Maisuradze qui l'a invité. Le 3ème ligne qui jouait à Nantes et qui va rejoindre définitivement son pays s'occupe d'une association destinée à venir en aide aux enfants pauvres de Tbilissi. Il est très heureux d'avoir récupéré une somme rondelette grâce au parrainage de l'international de Hand. Ces joueurs Géorgiens recèlent de trésors du coeur.

Lundi 1er octobre :

Marseille - Paris - Marcoussis ; une semaine de travail pour préparer le DES / EPS : diplôme d'état supérieur jeunesse, éducation populaire et sport, spécialité performance sportive mention rugby ! Indispensable pour diriger un club professionnel : de grands noms de notre sport deviennent mes voisins de classe. Ambiance studieuse et sympa, encadrement motivé. Une crainte : cette après-midi formation à l'informatique... Tout sauf ça ! Le reste parait alléchant : le jeu et son évolution, la préparation psychologique et mentale, la gestion des conflits, la préparation physique et la musculation, le jeu au contact, le projet d'équipe, l'analyse du jeu australien, les systèmes défensifs, les règles de jeu, etc... j'espère bien me régaler sauf sur l'ordinateur !

L'équipe de France est donc à Cardiff : je vois d'ici nos meilleurs amis d'Outre-manche se gausser de notre fameux french flair : les Français se multiplient pour organiser la Coupe du Monde chez eux et se débrouillent pour jouer leur match le plus important chez nous ! "Tirez les premiers, Messieurs les Français !"

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