La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Cette semaine, notre expert Pierre Villepreux nous parle de l'art de la contre-attaque, trop peu utilisé selon lui dans le rugby français.

Dans la continuité de la Coupe du monde, le jeu actuel ne semble pas avoir donné lieu à une réelle volonté de jouer les contre-attaques appelées "profondes", je parle de celles que devraient générer les nombreux et longs coups de pied réalisés à des fins défensives ou "d'occupation de terrain".Dans ce cadre, les statistiques de la dernière Coupe du monde ont fait apparaître que le jeu au pied à été, en finale, utilisé 108 fois. Un record qui pourtant n'a pas provoqué les relances que l'on serait en droit d'attendre pour égayer le spectacle. Le championnat de France actuel n'est pas davantage prodigue de ce type de jeu même si on peut accorder aux équipes qui "envoient du jeu" d'être un peu plus entreprenantes pour "remonter les ballons".

Ces situations de contre-attaque profondes sont considérées "à risques" puisque le rapport de force "joueur contre-attaquant - défenseurs" est complètement déséquilibré puisque il s'agit de gérer, du moins au départ, une situation de 1 contre 15 avec le risque en cas d'échec de perdre la balle et de la rendre à l'adversaire dans des conditions très favorables.

Aujourd'hui ce qui prévaut, c'est de choisir de renvoyer la balle aux adversaires ou en alternance de contre-attaquer individuellement. Dans ce dernier cas deux options :

- une sécuritaire qui consiste à aller volontairement affronter la défense par le chemin le plus court et de créer "un point de fixation". Situation qui, face à la pression défensive, ne génère pas toutes les meilleures conditions pour relancer efficacement en utilisant le jeu à la main. La seule conservation du ballon du fait du peu de terrain conquis ne place pas le collectif en situation favorable pour relancer le jeu. L'enchaînement du fait de la pression et de l'organisation défensive se fait le plus souvent au pied.

- une plus créative consiste pour le joueur contre-attaquant à tenter de battre les premiers défenseurs, et ainsi, grâce à "l'avancée" de remettre en jeu les partenaires les plus proches. Ceux-ci deviennent ainsi les premiers soutiens indispensables pour créer les bonnes conditions à la fois de déstabilisation de la défense et de continuité, ce qui permet de jouer "debout" en utilisant le jeu de passes. Pour le joueur impliqué, ne pas battre ce premier rideau équivaut à retrouver la situation finale précédente.

Ce que l'on voit de moins en moins, c'est de choisir de contre-attaquer en allant affronter la défense là où elle est plus faible. En effet, la montée défensive suite au jeu au pied long n'est jamais parfaite. La pression s'exerce prioritairement soit sur la balle et moins sur les espaces latéraux ou le contraire. Savoir aller jouer là où il est plus facile de jouer demande de faire appel à une bonne lecture du jeu, non seulement pour le porteur de balle, mais aussi pour tous les partenaires qui vont devoir anticiper sa décision. Ce qui veut dire qu'il s'agira bien de réagir collectivement pour apporter le plus vite possible le soutien utile au contre-attaquant.

Il faut bien alors comprendre la contre-attaque comme un élément du projet de jeu qui sollicite et mobilise tout le monde, et non pas quelques-uns dès que le coup de pied a été donné. Isolé à la réception du ballon, le joueur en situation de contre-attaque profonde a besoin d'aide. Le repli des joueurs les plus disponibles pour devenir opérationnels en soutien doit être immédiat afin de pouvoir à plusieurs déplacer le jeu sur l'espace momentanée faible de la défense. Deux joueurs soutien sont suffisants pour créer favorablement la contre-attaque à condition qu' au fur et à mesure de l'évolution de la situation, le reste du collectif devienne le plus rapidement opérationnel,donc en jeu derrière le porteur de balle.

Ces conditions sont nécessaires pour que la forme de la contre-attaque soit directement liée à la lecture du jeu défensif et non pas à une programmation d'actions successives. Il convient au contraire pour tous de savoir interpréter le devenir de la situation de départ qui va guider la logique de réorganisation collective, qui s'avère aussi, quand tout le monde est concerné, une manière de réduire l'incertitude que semble créer ce type de situation.

Il est navrant de voir que même en situation très favorable, l'on puisse à l'avance prédire qu'un joueur réceptionnant un ballon dans ses 22m et à fortiori dans son en-but, ne prendra pas le risque de contre-attaquer. Il suffit pour cela d'apprécier le peu d'empressement de ses partenaires pour venir assurer le soutien utile. Ce type de comportement est un frein majeur à une éventuelle initiative.

Pour évoluer, il faut que le jeu de contre- attaque ne soit plus considéré comme un jeu à risque. Cette transformation est possible à condition qu'il n'y ait pas d'un côté, ceux qui voudraient. Et de l'autre ceux, qui même inconsciemment, les bloquent dans leur intention. On peut interpréter ce non jeu dans ce secteur comme une "faiblesse de volonté" qui touche tout en même temps les acteurs et les entraîneurs.

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