La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient, d'un point de vue technique, sur la défaite des Bleus contre l'Argentine lors du match d'ouverture.

Sans entrer dans une analyse exhaustive, on peut accepter que le jeu soit la résultante de la mise en oeuvre des ressources du joueur :

- perceptives et décisionnelles. Elles mobilisent activité tactique et technique.

- physiques. Elles en appellent à la force et la vitesse.

- relationnelles et affectives. Ce sont celles qui font appel aux émotions et créent les conditions pour que la confiance individuelle et collective soit présente.

Quel que soit le niveau de jeu où on est amené à pratiquer le rugby, ces facteurs sont présents et interagissent constamment et présentent des exigences, qui maîtrisées contribuent à la performance du groupe.

Ceci pour dire que la "petite production" de l'équipe de France contre les Argentins est à resituer dans le contexte global de ce qu'est la notion de performance. Expliquer la contre performance par les effets d'une préparation psychologique hors sujet est insuffisant Bien sûr, certains événements sont porteurs plus que d'autres de stress mais on doit accepter que des joueurs professionnels soient à même de composer avec et mieux de s'en servir. Evoluer avec ces effets doit devenir habituel. Les émotions doivent stimuler les ressources exprimées plus haut car elles sont indispensables pour accéder à la réussite.

L'entraînement doit aussi servir à former les joueurs à faire face devant l'imprévu et donc les amener à savoir comment y réagir quel que soit le contexte.

On sait que des résultats positifs quand ils sont interprétés comme un succès développent une perception d'efficacité donc de confiance et laissent présager de futurs succès à condition que la situation suivante soit similaire.

En ce sens les matchs de préparation présentés selon moi à tort comme exceptionnels ont peut-être créé un climat euphorisant peu propice à sortir de l'engourdissement qui a progressivement gagné les uns et les autres et on sait qu'il devient difficile dans ces cas-là de retrouver l'efficacité collective qui a fait dramatiquement défaut. Quand la confiance s'amenuise la performance devient de plus en plus faible et l'implication individuelle prend le pas sur l'investissement et l'engagement collectif.. Les leaders certes ont des responsabilités dans ce type de situation, mais ils quittèrent curieusement le bateau alors que celui-ci flottait encore, justement au moment où leur présence était indispensable.

Il est difficile de présager comment l'échec enregistré, en relation avec les matchs à venir va être vécu.

Si l'équipe de France possède, relativement à leur projet de jeu, ce haut sentiment d'efficacité collective que les joueurs déclarent avoir, alors, ils sauront élever leur niveau. Si ce n'est pas le cas et que ce sentiment d'efficacité collective n'est pas au top alors leur investissement en pâtira.

Analyser la prestation des Tricolores en valorisant la performance des avants (ce qui reste à vérifier) et en accordant une mauvaise prestation aux ¾ , c'est oublier que le jeu des bonnes équipes dans un rugby moderne se construit, non plus sur des tâches précises relativement à la ligne d'appartenance mais plutôt dans la maitrise du rapport de force mouvant autrement complexe, que l'on rencontre dans la dynamique du jeu de mouvement. Dynamique qui implique les avants comme les arrières dans des tâches différentes. La qualité des prises de décisions individuelles et collectives y sont déterminantes S'attacher à trop analyser le jeu planifié fait oublier l'essentiel à savoir la pertinence des décisions tactiques à prendre en "plein désordre" qu'il faut comprendre comme des adaptations en pleine action.

Donner du sens au jeu est peut-être ce qui a le plus manqué aux Français. Celui-ci est enseignable et perfectible et plus que jamais dans le jeu actuel il conditionne la performance. Ceci explique aussi en partie pourquoi beaucoup de ballons ont été rendus à l'adversaire ou interceptés, ce qui ne relève pas de la seule technique individuelle, et pourquoi sur le jeu au pied des argentins, pas toujours parfait, on n"a pas trouvé la réorganisation collective adaptée aux situations pour jouer autrement qu'en leur rendant la balle par le jeu au pied sans pour autant renverser la pression.

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