La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Avant le choc à Mayol samedi, retrouvez les pas perdus d'un coach, la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SUA.

Vendredi 11 avril

Anthony Vigna fait un essai ce matin, à 11 heures ; mon beau bébé de pilier droit trottine en compagnie de François, le kiné si sollicité ; très vite, on doit se rendre à l'évidence : le lumbago contracté dans la cluse de Nantua n'est pas guéri ; je déteste me passer d'un de mes numéros 3 d'autant que celui dont je parle commençait à retrouver son niveau : un très bon match face à Etcheverry, le gaucher redoutable du Stade montois.

Entraînement du capitaine à 16h30 : notre effectif s'est réduit comme peau de chagrin ; au moins il n'y aura pas de mécontent car il n'y a plus que 22 éléments disponibles : 10 blessés, 2 avec les Russes, 3 suspendus ! Ces derniers sont partis ce matin à Paris pour se défendre devant la commission de discipline ; vers 18 h, les sanctions tombent : 20 jours pour Thomas, 30 jours pour Arnaud et 50 pour le capitaine. Celui-ci pourra disputer les trois dernières rencontres ; je craignais le pire. Chacun sait l'attachement que je porte à Djall, cet écorché vif, fils de banlieue 93, comportement électrique, sens d'un honneur parfois différent du notre, indéfendable certes pour ce crachat dont les bien-pensants de notre société ont fait les gorges chaudes : le trois-quart centre de Toulon, auteur d'un coup de pied sur joueur à terre n'écope, lui, que de 60 jours ! 10 jours de différence entre un crachat manqué et un coup de pied sur joueur à terre réussi ! Cette saison, j'avais réussi, jusque là, à donner une certaine maîtrise à mon talonneur provoqué régulièrement sur tous les terrains de France ; un acte que je n'excuse pas nous fait repartir à zéro mais je ne me découragerai pas et je poursuivrai mon chemin auprès de lui parce qu'il le mérite tout simplement. D'autre part, il est prouvé qu'Arnaud a été frappé le premier avant de riposter. Quant à Thomas, la gentillesse personnifiée, comment comprendre son excitation finale ? Ces gestes nous valent, le soir, sur Canal, lors de Dax-Stade français, l'opprobre réitérée du commentateur TV ; le SUA devient le bouc émissaire et le damné du rugby professionnel ! Il faudra du temps pour regagner une image convenable, beaucoup de patience, beaucoup de mouchoirs aussi. Pour le moment mes trois joueurs ont débuté leur rédemption en encadrant l'école de rugby du SUA mercredi après-midi et ce soir, ils conseillent à l'entraînement de l'équipe du Port-ste-Marie qualifié en deuxième série du P.A.

Dax, autour de Thomas Lièvremont super technique malgré une mêlée accablée, mais privé trop vite de Mathieu son meilleur défenseur, concède une courte défaite contre le Stade français, la tête au haut de la tour Eiffel, à l'image de sa star argentine capable pourtant, même dans un mauvais jour, d'inscrire le drop-goal indispensable. Dur pour les Dacquois et leurs entraîneurs Coyola et Milhères que l'on sent si proches de leurs joueurs.

Vendredi 12 avril

Nuages noirs et giboulées sur la première mi-temps d'Agen-Aurillac. Chez les miens, beaucoup de volonté, de l'assurance en touches, quelques balbutiements dans les mauls, une mêlée pas toujours stable, de la volonté dans l'offensive mais toujours autant de ballons perdus par maladresse. Trois Reichels font leurs débuts à Armandie : Ciriaq qui m'assure que son prénom est occitan (?), lance à la perfection, assure au talonnage et n'hésite pas à s'engager dans le jeu ; Thibaut, le fils de notre député Modem, trop peu utilisé dans l'alignement, se déplace avec bonheur, dans le mouvement général. Au centre, Michel, le parisien de Pontaut-Combault, déjà en place contre Narbonne, plaque, s'engage, conserve... A l'heure de jeu, je remplace mes trois minots pour les économiser. N'ai-je pas eu tort ? Une certitude : je suis fier d'eux. Au capitanat, Peïo me permet de recevoir les félicitations de l'arbitre : c'est la seconde fois en 8 jours. Dans cette période où chacun, ici, doute de tout et de tous, le plaisir, c'est le paradis !

Dimanche 13 avril

Elie me joint lors du croissant ; match à toucher, rive droite du Gers. Bientôt septuagénaire, une pêche d'enfer chez ce miraculé : infarctus à 35 ans, laissé pour mort à l'époque : "...Et toi ?"

Toucher à 10 heures, terrain Pistre, rive droite de la Garonne. Les amis sont là : une heure de passes, de rires, beaucoup de fautes de main, pas un mot sur le SUA, de la détente et deux bons vins blancs de Jean-Pierre et d'Alain pour finir. Francis est parti accompagner les Espoirs à Clermont : celui-là non plus le toit de la maison ne lui tombera pas sur la tête ! Le toit du car peut-être ?

Après-midi à Valence d'Agen pour les finales du Challenge de l'Espérance. En lever de rideau, Orthez se console de ses déboires du championnat en battant Langon ; trois anciens Auscitains opèrent chez les premiers : les deux secondes lignes et un ¾ centre ; parmi les girondins, le cousin de Guillaume, toujours solide à la droite de la mêlée. Sommet entre les Marmandais incomplets – la qualification pour les phases finales se joue contre Orléans, le week-end prochain – et les Columérins à l'effectif imposant. Les "réservistes" du Lot-et-Garonne se livrent ardemment et inquiètent jusqu'au bout les grands favoris au jeu bien léché mais pas toujours engagé. "Notre" Basauri, prêté par le SUA, se bat comme un beau diable dans les rucks : son envie nous fournira un plus la saison prochaine. Iñaki est d'origine mexicaine mais a représenté les Etats-Unis lors de la dernière Coupe du Monde. Sa mère est une psychologue réputée.

Lundi 14 avril

La presse poursuit ses assauts. Grégory Letort du M.O, se permet de prêcher le faux pour obtenir le vrai au sujet de mon salaire. Au train de vie qu'il me prête, je vais me sentir obligé d'acheter un yacht de plaisance pour circuler sur le pont-canal. La prochaine fois que je le rencontrerai, je me sentirai également obligé de lui donner une pièce pour le remercier : je trouve que depuis la publication de ma fiche de paye, ma voisine, que je draguais en vain, a élargi son sourire à mon égard ! Quant à Emmanuel Massicard, toujours de M.O, quand je ne formerai plus l'équipe au SUA, je l'en informerai. Bientôt ?

Mardi 15 avril

Préparation du déplacement à Toulon. De nombreux supporters du SUA, malgré la déception de nos résultats, se font une fête de nous accompagner jusqu'à Mayol. Certains prévoient de doubler leur plaisir en rejoignant, le lendemain le stade Vélodrome, pour supporter l'O.M. Pour notre match, on annonce qu'il se disputera à guichets fermés. La victoire avec bonus des protégés de Mourad a regonflé les énergies ; le souvenir de la cuisante défaite à Armandie, la veille de Noël va les décupler ; Jeannot Crenca ne manquera pas de galvaniser les siens. Mes "minots" - je compte aligner pas moins de huit juniors ! – vont découvrir le plus beau et le plus "chaud" stade de rugby de France : quelle que soit l'issue de la rencontre, ils se souviendront de ce baptême initiatique.

Mercredi 16 avril

10h20 : Entraînement des demis prévu dans dix minutes. Il arrive, mon âge, tête ronde et ventre lourd, un peu de la misère du monde sur le dos : "M.Broncan, puis-je m'entretenir avec vous quelques minutes ?

–Je commence l'entraînement dans peu de temps.

–Ce sera très bref, rassurez-vous."

Nous voilà assis, un peu à l'écart, sur les sièges les plus bas de l'altière tribune Ferrasse.

"Vous ne vous souvenez pas de moi ? Je tenais cette boite de nuit "la L...".Vous vous arrêtiez quand vous rameniez votre équipe du LSC (Lombez Samatan Club) après vous être déplacé en Dordogne ou en Gironde. Après les victoires, vous le premier, n'étiez pas toujours commode. J'ai souri quand, dans la presse, je vous ai vu, fustigeant la conduite de certains de vos joueurs."

Je me défends : "Il y a prescription, près de 20 ans sont passés et nous n'étions que des amateurs. Mais vous n'êtes pas venu seulement pour me parler de ça ?

- Non, bien sûr... Je sais que vous entraînez bien vos jeunes, mais, en match, ils ne réussissent pas à reproduire le travail que vous mettez en place la semaine. Vous êtes-vous posé la question de savoir pourquoi ?

- Mes nuits sont encore plus blanches que celles que je passais dans votre établissement.

- Il y a six ans, j'ai rencontré un médium de B. dans votre pays. Il m'a dit qu'il était en désaccord avec le SUA, après avoir travaillé pour lui, sans être payé en retour. Il s'est juré de faire dégringoler le club, peu à peu, jusqu'en Fédérale 1 et je suis persuadé qu'il est en train de réaliser son dessein. C'est un homme redoutable ; c'est d'ailleurs lui qui m'a ruiné en faisant partir ma clientèle. Maintenant, vous savez où est le mal. Que comptez-vous faire ?"

J'avais songé au déplacement poussif de mes avants, à l'inefficacité de mes trois quarts, au pied d'appel de mon buteur, au mauvais placement de mes ailiers, au manque de discipline de mon talonneur, à l'absence de second rideau, à l'insuffisance du premier et au quadrillage aléatoire du troisième... etc... J'apprenais enfin la cause de mes soucis... mais le remède ?

Mon interlocuteur reprend :

-"Allez voir l'évêque d'Agen, c'est le seul qui peut exorciser le mal..."

Je n'ai pas attendu la fin de la phrase ; j'ai pris mon vélo et c'est pourquoi vous m'avez vu entrer, rouge, tout rouge, ce matin-là, sur mes deux roues, dans la cathédrale d'Agen... Que Mourad prenne garde !

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?