La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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A la veille de France-Angleterre, notre expert, Pierre Villepreux, livre son analyse sur le jeu du XV de la Rose.

Les matchs France-Angleterre, on ne sait pourquoi, ne laissent personne indifférent. Peut-être parce que les anglais ont découvert le rugby et ne manquent pas de le faire savoir. Ils ne bénéficient pas en tout cas dans le coeur des Français de l'estime que l'on porte généralement aux autres nations.

Quand ils perdent, on est ravis, quand ils gagnent, on dénigre leur rugby et l'analyse, qui est faite de leur production, est souvent qualifiée de barbante. Leur rugby est systématiquement classée dans la catégorie des jeux trop structurés qui accorde beaucoup de place à la puissance physique et à l'option jeu au pied dans laquelle excelle Wilkinson qui, de fait, n'a pas développé sa notoriété par sa capacité à envoyer du jeu.

Même leur rugby s'exprime sur une autre dimension et qu'ils accèdent à un style plus conforme à nos critères, on a du mal à leur accorder les "bravos" que l'on octroierait sans renâcler à nos autres adversaires.

Pourtant le jeu anglais est loin d'être restrictif. Le volume de jeu reste toujours important et le nombre de passes est souvent, dans les statistiques, supérieur à celles faites par leurs adversaires.

Ce fut le cas pour la finale de la Coupe du monde, mais personne n'a retenu que les Anglais sans tomber certes dans la démesure avaient plus "joué" que leurs adversaires champions du monde. Mais mettre du volume n'implique pas pour autant la mise en &oeliguvre d'un jeu qui allie efficacité et spectacle. Le rugby anglais est un rugby très planifié (le fameux game plane) où les taches des uns et des autres sont bien ciblées. Il ne laisse que peu de place à des prises d'initiatives qui feraient sortir le collectif du fonctionnement prévu. J'ai répertorié pendant la Coupe du monde un grand nombre de situations très favorables qui n'ont pas été exploitées. S'adapter à la réponse de la défense, changer ce qui est prévu en pleine action n'est pas le fort des Anglais même si Brian Ashton recherche pour son collectif cette évolution.

Ceci dit, je ne pense pas comme beaucoup le croit et bien sûr je peux me tromper, que les Anglais dans ce match capital contre les Français vont refuser le jeu et qu'ils vont jouer sur leurs points forts et sur les faiblesses constatées des français lors du match contre l'Irlande.

Vont-ils jouer en mettant en place leur jeu prioritaire, puissance individuelle et collective + Wilkinson, jeu qui permet aussi de valoriser le talent individuel de certains qui pourraient aussi être la source d'un ou deux exploits, sans oublier de punir la mêlée française si elle le mérite ?

Je ne le pense pas, ils savent aussi que la meilleure arme des Français dans l'instant réside dans la capacité du trio Clerc-Heymans-Rougerie, à relancer le jeu. Force tactique dissuasive pour les Anglais mais qui peut devenir décisive pour les Français si Wilkinson s'avise d'utiliser le jeu au pied de manière abusive.

Ils savent aussi que les Français sont excellents sur les balles de récupération suite aux plaquages. Ce jeu de contre peut aussi être déterminant s'ils choisissent d'imposer comme tactique le seul combat et la multiplication de séquences de jeu dans un périmètre restreint.

Ils savent aussi, et Brian Ashton saura le leur rappeler que, quand ils ont provoqué le jeu, ils ont battu les Français surpris de les voir sortir de leur registre. Le match le plus significatif étant celui, à Twickenham, où ils ont privé les Français du Grand Chelem grâce à des relances tous azimuts.

Tactiquement, ce match est particulièrement intéressant pour les deux équipes. La France qui va continuer à provoquer le jeu dans la continuité des deux premiers matchs. L'Angleterre doit choisir entre deux options, celle qui les rassure et celle moins maîtrisée d'un jeu plus adaptatif qui s'il devenait gagnant placerait leur entraîneur en situation de force pour enfin provoquer réellement, pas seulement dans le discours, une véritable révolution de formation du joueur anglais.

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