La chronique de P. Villepreux

On attendait en fait, plus, de juger le XV de France sur la manière que sur un résultat. Le souffle offensif qui a balayé la pelouse de Murrayfield a répondu aux attentes du plus grand nombre. Logique, si l"on accepte qu"il n"est pas déraisonnable voire utopique de penser que la France est a même de développer un jeu fait d"initiatives et donc de créativité. Le jeu entreprenant produit vise aussi à maitriser l"incertitude et donc à l"accepter comme un facteur majeur de la performance.

La dernière coupe du monde nous avait fait un peu oublié avec le rugby étroit "tout défense" et occupation du terrain, qu'il existait d'autres composantes pour gagner, et en plus,en se faisant plaisir tout en engrangeant du même coup la sympathie du public et même des adversaires presque ravis de voir les Français prendre à leur compte le jeu qui leur convient bien.

Il y avait, dans ce défi, surtout pour tous les nouveaux capés, un peu d'inconscience, puisque logiquement ils ne mesuraient pas forcement le prix à payer en cas d'échec. L'expérience les amènera certainement à plus de "sagesse" donc à faire le tri des bons et mauvais ballons mais il revient directement au staff de continuer à les rassurer pour qu'ils conservent cette liberté d'entreprendre sans pour autant faire n'importe quoi, tendance qui guette tout collectif souvent trop sensible à la réussite.

La composition de l'équipe qui va affronter l'Irlande du moins en début de match a plus d'expérience, ceci pourrait éviter de tomber dans le défaut de l'excès de jeu, mais ne doit pas pour autant les amener à un jeu prudent qui respire encore et ferait ressurgir les vieux démons du "non jeu".

Chacun attend le premier ballon comme synonyme de première attaque et si rien ne vient contrarier ce choix , il en sera ainsi et c'est très bien.

On ne peut oublier que l'esprit d'entreprendre est un atout essentiel et pas seulement en rugby. C'est un facteur qui s'associe à une dynamique d'action que celles-ci soient individuelles ou mieux, collectives comme en jeu. Il est encore plus important qu'au travers du jeu produit, l'équipe de France prépare sans s'en rendre compte les plus jeunes rugbymen et leurs éducateurs à devenir des acteurs lucides et responsables prêts à se lancer dans le changement de jeu qui ne manquera pas de se produire dans les années qui viennent.

On peut bien sur rester dubitatif sur la qualité du jeu proposé par les Ecossais, mais c'est classique chaque fois que l'on gagne bien.

Les prochains adversaires ne se présenteront pas avec les mêmes armes mais il leur sera bien difficile de décrypter le jeu français. Celui-ci ne s'appuie plus justement sur un système fermé facilement interprété puisqu'il correspond à un plan tactique toujours le même dont on attend qu'il produise son effet sur l'adversaire de façon inéluctable. Le jeu recherché par le staff répond, à une logique d'exploitation de toutes les situations que l'on développe tant en attaque qu'en défense, ce qui amène l'adversaire à présenter une faille repérable par tous et immédiatement exploitable par tous, ceux qui sont dans la cellule prés du ballon comme ceux plus éloignés mais qui déjà ont anticipé le futur mouvement.

Il s'agit bien de donner à ces joueurs une double capacité :

- celle de répondre au principe de suppléance dans n'importe quel rôle momentanée que le contexte du jeu peut leur proposer.

- celle de pouvoir choisir dans ce même contexte de continuer le mouvement dans sa forme initiale ou de le transformer en fonction de la réaction défensive.

Ce qui veut dire aussi que ce groupe se doit de travailler prioritairement en collectif total afin de toujours mieux comprendre et exploiter les effets d'opposition, mais en sachant que chaque match propose un rapport de force différent et que seul ce fond de jeu provenant de la maitrise des principes liés aux phases de plein mouvement et des phases de fixations (rucks et maul) leur permettra de faire face aux options de jeu adverses y compris les moins attendues.

L'Irlande en mal de bon jeu n'est pas pour autant un adversaire non négligeable. Les verts vont, suite au dernier match des Français, resserrer leur défense au large, créant du même coup, pour les bleus d'autres possibilités de jeu qu'il s'agira d'exploiter collectivement