La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux ne souhaite pas que le facteur puissance prenne le pas sur l'analyse tactique dans le rugby moderne.

Le glissement continuel du rugby vers plus de professionnalisme peut laisser imaginer que la pratique considérée il y a encore peu de temps comme un plaisir partagé voire un épanouissement tant individuel que collectif, un moyen de se dépasser, a vécu.

Certainement pas, mais pour se faire, il conviendra de savoir préserver l'essentiel, à savoir de ne pas transformer ce merveilleux outil de formation qu'est le rugby, en un moyen d'endoctrinement visant à former d'abord des joueurs physiques, laissant ainsi croire que ce jeu n'est plus accessible à tous. Le drame, c'est que le succès du rugby aujourd'hui pousse à cette analyse et la formation des plus jeunes n'y échappe pas. Il faut faire comme les grands, ceux qui passent à la télévision et l'analyse qui est faite du jeu magnifie le facteur puissance au détriment de l'analyse tactique.

Il est regrettable de n'avoir, trop souvent vu, des images des joueurs français durant la Coupe du monde que lors des séances de musculation. Forcément la multiplication des images conduisent à des excès et peuvent laisser penser que le joueur de rugby doit être un joueur physiquement hors norme. Malgré lui, on a retenu de Chabal que cette dimension. Dommage, mais j'ose espérer que le formateur de base dans son petit club saura dépasser ce cadre réducteur pour préserver toute la dimension éducative, celle que propose le corps de règles fondamentales d'où se dégage la finalité de ce jeu qui est de marquer plus d'essais que l'adversaire dans le cadre des possibilités d'action qu'elles donnent aux attaquants comme aux défenseurs.

Si le rugby, c'est bien de placer les joueurs en situation de gérer ces possibilités qui leur sont offertes, alors on apprendra aux joueurs à s'adapter à toutes les exigences du jeu en articulant, entre autres, dimension tactique et dimension technique. On ne peut satisfaire à cette double exigence que si les pratiquants sont formés à la lecture des situations de jeu dans le cadre du rapport de force existant. Situations seules à même de concilier, grâce à la mise en place de références communes, initiative individuelle et cohérence collective.

Loin de moi l'idée de décrier le travail physique, il n'est pas concevable de le minimiser mais bien de le resituer dans le cadre de la formation du joueur du débutant au plus haut niveau. Il ne doit pas et ne peut pas se substituer au travail tactique si l'on veut doter le joueur quel que soit son niveau de compétences et connaissances réinvestissables en plein jeu d'abord, dans d'autres phases plus statiques ensuite, en attaque comme en défense. Cette formation tactique se décline durant toute la carrière du joueur en termes d'apprentissage et de perfectionnement.

Quand je regarde jouer le Stade toulousain lors de leur dernière confrontation avec le stade français, je n'ai de cesse de retenir les mouvements collectifs qui me semblent déterminants pour expliquer, dans ce match, la supériorité des Rouge et Noir. Celle-ci s'exprime essentiellement par leur capacité à avancer en continuité en s'adaptant aux effets crées sur la défense. Continuité qui exige pour tous de comprendre dans le mouvement en cours, où, quand intervenir, et comment. L'efficacité exige que chaque joueur comprenne où et comment se distribuer par rapport au porteur de balle afin d'être utile dans la zone de proximité du ballon ou au contraire dans une zone plus décentrée. Quand c'est le cas, le jeu de passe semble logique et normal pour tous.

Ce sont bien sur ces compétences et connaissances qu'il faut donner aux joueurs et celles-ci ne doivent cesser d'être activées tout au long de leur carrière rugbystique. C'est bien en effet dans la mouvance et la variété des situations créées, que se développent des interactions tactiques, logiquement pris en compte de mieux en mieux par les uns et des autres. Il s'agit bien d'acquérir un niveau "supérieur de compétences" puisque, plus le niveau s'élève, plus les contraintes spatiales et temporelles deviennent plus grandes, ce qui demande une plus grande vitesse pour lire le jeu, puisque dans le même temps le pouvoir d'action des opposants s'élève tout autant. On se place dans une progression en spirale ou les connaissances acquises s'enrichissent les unes les autres. On est dans une continuité de formation en fait jamais terminée.

Le spectacle pourra alors commencer et il peut aussi, j'espère que personne n'en doute, être efficace et conduire aux meilleurs résultats.

Revenir à un travail tactique pertinent est aujourd'hui essentiel si l'on veut retrouver l'esprit de ce jeu. Dans le cadre de nouvelles règles, celui-ci est d'actualité puisque l'ambition, c'est de donner à ceux qui le souhaitent, plus d'options donc plus de liberté.

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