Baky écrit : Wesley, objectif rugby

Par Rugbyrama
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BAKY ÉCRIT - En Guyane pour quelques jours, notre chroniqueur Bakary Meite en a profité pour participer à quelques séances d’entraînement avec les jeunes du coin. Des rencontres forcément marquantes, dans cette France du si loin. Récit.

"Mais monsieur, comment je fais pour devenir rugbyman ?"

C’est avec ces mots-là que Wesley m’a apostrophé. Il faut dire qu’on lui a vendu ma carrière comme jamais. Les éducateurs qui encadraient le plateau du centre de suivi M15 (celui qui regroupe les jeunes joueurs et jeunes joueuses de tout le département), m’ont enjoint à distiller mes conseils à ces jeunes envieux de devenir rugbymen professionnel. J’ai pris la parole derrière Jean-Rudy Fortune, croisé brièvement à Massy il y a plus de onze ans. Il est aujourd’hui vice-président de la ligue de rugby de Guyane, chargé du développement et des sélections masculines. Moi, le mauvais exemple. Je me rappelle les regards ahuris qui répondaient à mon laïus quand je leur ai expliqué que j’ai commencé mon voyage rugbystique à 22 ans bien tassés. Qu’à leur âge, le seul sportif qui trouvait grâce à mes yeux se nommait Michael Jordan.

"Mais monsieur, comment on fait le jeu au pied ?"

Alors là, mon petit gars, tu n’as clairement pas frappé à la bonne porte. Wesley était parti à 3 heures du matin de Saint-Georges. Avec 14 de ses camarades. Pour la moitié des filles. Cheveux longs. Noirs comme du jais. Pour être frais et dispo sur le terrain de football de Sinnamary à 9 heures. Saint-Georges est le pendant oriental de Saint-Laurent-du-Maroni. Saint-George-de-l’Oyapock, de son vrai nom, se trouve à la lisière du Brésil. Le soleil boucane sans vergogne. Il n’est même pas encore 10 heures du matin et les gamins sur le terrain se plient à toutes les injonctions venues des éducateurs.

Le piètre lusophone que je suis remarque que Wesley parle avec ses potes dans un dialecte qui ressemble à s’y méprendre à du portugais. Il est alerte et espiègle. Et quand il s’adresse à moi, il me balance du monsieur et du vouvoiement qui m’incommodent. En baissant les yeux, témoignage de son respect qu’il me témoigne. Tour à tour, il sera évalué sur sa capacité pulmonaire avec un "test yoyo", aussi sur sa vitesse (il a découvert les cellules de chronométrage avec émerveillement). Les ateliers techniques se succèdent.

"Mais monsieur, la passe, c’est comme ça qu’on fait ?"

Passes. Jeu au pied. Par-dessus. Chandelle. Dans ses attitudes, il est trahi. Wesley a dû jouer au foot des heures durant sur des terrains de fortune à Saint-Georges. Le ballon ovale cherche encore à se familiariser avec son pied.

"Mais monsieur, la balle, il faut la frapper comme ça ou comme ça !?"

Le débrief est nécessaire après chaque atelier. Sur le dernier, une opposition avec les autres jeunes de sa catégorie d’âge. Wesley a du mal à se situer sur le terrain. Le rugby est apparu trop récemment dans sa vie. Il est souvent pris hors-jeu mais il est plus que volontaire. Il compense par une envie de bien faire. Il écoute et absorbe chaque conseil que je distille. Même quand ces derniers ne lui sont pas destinés. Il veut faire honneur à son club. Le rugby club d’Amazonie, présidé par Laurent Singla avec qui j’ai partagé le même espace-temps du côté du stade Raoul-Barrière. Un supporter biterrois. La connexion avec Wesley était de facto obligatoire.

Je n’ai plus qu’à espérer que les 6 heures de minibus pour rentrer à Saint-Georges seront plus douce pour Wesley et ses camarades. Qu’il gardera précieusement mes préconisations pour ses entraînements futurs. Ce qu’il ne sait sans doute pas, c’est qu’il m’a empoigné bien plus que moi je ne l’ai aidé.

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