Comment la bulle bleue s'est ouverte

  • Fabien Galthié (XV de France)
    Fabien Galthié (XV de France)
Publié le Mis à jour
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Si les tests pratiqués lundi, dont les résultats ont été révélés ce mardi matin, ne donnent aucun nouveau joueur positif à la Covid-19, le XV de France a, pendant un temps au moins, perdu le contrôle de sa situation sanitaire. Au point de menacer la tenue de France-Ecosse (dimanche heures). Comment en est-on arrivé là, alors que les Bleus étaient placés sous cloche ?Éléments de réponse.

Dans une interview donnée ce lundi à Midi Olympique, le manager des équipes de France et "manager Covid" Serge Simon reconnaissait la difficulté de cibler précisément la manière dont le virus Covid-19, dans son variant anglais, a franchi les murs de la bulle sanitaire qui devait protéger hermétiquement les Bleus pendant ce Tournoi des 6 nations. "Il y a tellement d’hypothèses… La surcontagiosité du variant britannique est telle qu’on ne peut pas savoir. On a pu le croiser à l’aéroport, à l’hôtel, ailleurs… La délégation du XV de France, ce n’est pas seulement 31 joueurs mais 70 personnes. Ça fait tout de même beaucoup de monde… On le voit partout, tous les jours, le risque zéro n’existe pas." Raphaël Ibanez, d'ailleurs, invité de l'émission Stade 2 dimanche, évoquait même "la presse" comme possible vecteur de contamination. Alors qu'un seul entraînement fut ouvert et tout le monde tenu à une bonne vingtaine de mètres...

Le risque 0 n'existe effectivement pas, mais une enquête interne a quand même été lancée pour déterminer la voie de contamination la plus probable. Une démarche suivie de près par le ministère des sports, qui s'est ému lundi de la situation sanitaire du XV de France, auquel il avait accordé une dérogation exceptionnelle et stricte pour disputer ce Tournoi, via un appel de la ministre Roxana Maracineanu au président de la FFR Bernard Laporte. Sachant que, avant le cas des Bleus, des foyers de contamination avaient déjà frappé France 7, il y a dix jours, mais aussi l'équipe de France des moins de 20 ans, lors d'un stage mi-janvier au Portugal. Cela fait beaucoup.

France 7, "coupable" innocenté ?

Dans un premier temps, c'est l'hypothèse d'une contamination des joueurs par leurs alter ego de "France 7" qui a circulé. Les septistes avaient participé à des entraînements à Nice (fin janvier) avec les Bleus, puis à Marcoussis la semaine de préparation du match en Irlande (10 et 11 février). Avant qu'un premier cas ne soit détecté dans leurs rangs, puis finalement sept le samedi 13 février, veille d'Irlande-France.

L'épidémie est-elle partie de là ? "Notre seule certitude est qu’aucun joueur du XV n’a été contaminé par un joueur de France 7, puisque les cas positifs de cette semaine sont des transmissions à l’intérieur du groupe XV de France" oppose Serge Simon. La mise en corrélation de la révélation de ces cas et des temps d'incubation pourrait effectivement mettre "France 7" hors de cause. Mais difficile d'être affirmatif en l'état.

Pourquoi les Bleus n'ont pas été déclarés "cas contact" ?

Informés de la contamination des septistes, les Bleus auraient pu être déclarés "cas contact" dès le samedi 13 mars. Rien d'extravagant : la FFR n'a pas hésité à faire ce lien concernant les joueurs toulonnais Swan Rebbadj et Jean-Baptiste Gros, qu'elle avait d'abord convoqués pour ce dimanche avant de les écarter, en apprenant l'existence de cas positifs au sein de l'effectif du RCT.

Dans son communiqué de samedi dernier (20 février), la FFR le formulait d'ailleurs clairement : "Deux joueurs ont été "cas contact" au sein de leur club, Jean-Baptiste Gros et Swan Rebbadj." Une prudence que l'instance fédérale n'avait donc pas appliquée à ses Bleus, avant l'Irlande. Pourquoi ? Mistère.

Le préparateur physique "patient 0" ? Une hypothèse parmi d'autres

"Le patient zéro, on le connaît : c’est notre préparateur physique. Comment a-t-il pu contracter le virus ? Au contact de France 7 ? Scientifiquement, rien ne permet de l’affirmer ou de l’infirmer, on n’a pas d’explication à ce sujet." Cette affirmation, signée Serge Simon, repose sur un fait : ledit préparateur physique, dont le nom est protégé par le secret médical, a été le premier membre de la "délégation France" à être annoncé positif, lors des tests pratiqués lundi dernier (15 février). Le doute subsiste pourtant. Lors de ces mêmes tests, le 15 mars toujours, Fabien Galthié était déclaré "cas suspect", avant que sa contamination ne soit confirmée dans les heures suivantes. Un délai d'incubation qui peut également faire du sélectionneur celui qui a ramené la Covid-19 dans la bulle.

Le staff dans le viseur

C'est justement l'autre piste, dans la chaîne de contamination : tout pourrait être parti du staff. Dans l'ordre des annonces, les trois premiers testés positifs étaient des membres de l'encadrement technique : préparateur physique et Fabien Galthié le mardi, William Servat le mercredi. Puis Karim Ghezzal, qui ne tardait pas à suivre.

Si rien ne permet d'être totalement affirmatif en l'état, les faisceaux de suspicion pointent en direction du staff du France, d'où serait partie la vague de contamination atteignant rapidement les joueurs. L'enquête interne à la FFR, sous contrôle du ministère, devra déterminer si les comportements et/ou les déplacements des membres du staff dans les jours précédant l'explosion du nombre de cas ont été conformes à la rigueur imposée par la bulle sanitaire.

Une troisième mi-temps en Irlande qui fait exploser les contaminations

Au soir d'Irlande-France et de la première victoire des Bleus à Dublin depuis dix ans, il est acquis que l'ensemble du groupe France a bien fêté sa victoire, dans l'intimité de son hôtel. Une soirée conviviale, lors de laquelle les interactions se sont faites plus nombreuses et proches.

A ce moment-là, aucun test ne donnait de cas positifs dans les rangs du XV de France. Pas d'inquiétude, donc ? Il y aurait pourtant pu y en avoir. A ce moment-là, l'encadrement fédéral avait pleine connaissance des premiers cas positifs chez les septistes, que les Bleus côtoyaient encore trois jours plus tôt sur les terrains d'entraînement de Marcoussis. Une situation qui n'a pas éveillé les prudences, à Dublin. Et la troisième mi-temps irlandaise aurait pu être un catalyseur à la contamination des joueurs.

Relâchés ce week-end, les joueurs ne se sont pas tous confinés

Autre élément notable, dans les manquements à la bulle sanitaire finalement bien poreuse : le comportement de certains joueurs lors des jours de congés en famille, en fin de semaine dernière. Une décision de les relâcher déjà étonnante, pour le moins, dans un contexte de "protocole encore renforcé" promis par Bernard Laporte. "Nous serons exemplaires" avait même assuré le président de la FFR.

Cette exemplarité est pourtant bien loin de ce qui a été pratiqué en Ligue des Champions, en NBA ou plus récemment à l'Open d'Australie de tennis, où le principe de bulle ne souffrait d'aucun passe-droit. "Dans le cadre de la gestion du groupe, renvoyer les joueurs chez eux avec des consignes strictes d’isolement était aussi un moyen d’éviter les interactions entre eux" s'opposait Serge Simon, toujours lundi dans les colonnes de Midi Olympique. Un tel concept ne tient que si les joueurs respectent effectivement les "consignes strictes d'isolement". Ce qui ne fut pas le cas, certains Bleus postant même sur leurs réseaux sociaux leurs sorties du week-end...

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