La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert rebondit cette semaine sur une interview de Martin Johnson, le manager de l'Angleterre, pour analyser le jeu du XV de la Rose.

Manifestement la confrontation Nord-Sud, même si ce n"est pas fini, tourne à l"avantage du Sud. La France est encore épargnée mais on en saura plus samedi prochain. A des degrés divers, toutes les équipes européennes sont à la recherche de leur jeu. Mais aujourd"hui, je souhaite m"attacher à la production des Anglais contre l"Australie.

C'est l'interview dans le "Midol" de Martin Johnson, manager des Anglai,s qui ne manque pas de m'interpeller: "Nous sommes sortis du script élaboré, on est revenu à un jeu instinctif au lieu de coller à ce que nous voulions mettre en place. Si vous commencer à faire quelque chose et si les 14 autres ne sont pas sur la même longueur d'onde, c'est à partir de là que vous commencez à perdre le ballon et faire des erreurs".

Le remplacement de Brian Ashton par Martin Johnson devrait donc apporter un changement notable dans le jeu espéré. Le projet de jeu anglais ne vise plus comme c'était le cas avec Ashton un rugby plus adaptatif. Pour faire court, il convenait alors de "jouer avec l'incertitude" en accordant une liberté maximale aux joueurs. Il s'agissait bien, dans la dynamique du jeu, d'accepter de prendre des initiatives qui pouvaient sortir du plan de jeu prévu quand la situation le demandait.

Mais en rugby la performance est collective ce qui veut dire pour Martin Johnson qu'il ne s'agit de chercher dans le zig pour aller dans le zag. Il réclame pour son collectif un jeu structuré, millimétré, forcement rigoureux. C'est le plan choisi qui doit finir par s'imposer aux joueurs. De ce fait est reniée "l'intelligence buissonnante" que cherchait à développer le coach précédent.

Dans la logique de Johnson, il apparaît donc illogique que ce qui a été longuement travaillé pendant les entraînements précédents n'ait pas marché au cours du match. Les joueurs ont mal répété la leçon.

Les formateurs anglais ont peu ou prou toujours refusé de former les joueurs sur le pôle de la compréhension tactique. Opportunité de formation qui aurait pu les amener à gérer le "pourquoi" du choix des formes de jeu et de leurs alternances. Cette formation sollicite les pouvoirs décisionnels des joueurs, leur réflexion tactique et leur créativité. Le "pourquoi avant le comment". Le projet de jeu du manager anglais va, me semble-t-il, encore plus enfermer les joueurs dans des schémas stéréotypés. Quand le jeu est bâti autour de schémas de jeu que les joueurs doivent restituer, il apparaît, à tort, sécurisant pour les joueurs et pour l'entraîneur. Il peut être, bien sûr, efficace à condition que le potentiel physique du collectif permette de réaliser méthodiquement le plan choisi mais ce jeu ne présente pas d'alternatives véritables surtout si la défense sait faire face.

Cette dimension physique ne suffira pas quand l'Angleterre va trouver en face, comme ce fut le cas avec l'Australie, un adversaire physiquement tout aussi puissant Dans ce match, prisonnier du score, les Anglais ont été obligés en fin de match de se lancer dans un jeu hors plan qui demandait, afin de coordonner les actions des uns et des autres, des compétences dans la lecture des situations que seuls des entraînements adaptifs sont à même de développer et qui leur permettraient d'exploiter au mieux leur potentiel physique. Les repères utiles n'étant pas disponibles, toutes erreurs se payaient cash. Les Australiens n'ont pas manqué d'en profiter. Ils ont su faire le gros dos dans les moments difficiles mais aussi prendre habilement le jeu à leur compte sur toutes les occasions procurées par leurs adversaires.

Le paradoxe, c'est que le jeu anglais n'est pas réducteur. Il est même plutôt volumineux, en termes d'actions et de possession du ballon mais les décisions individuelles quand elles sortaient du cadre de jeu choisi entraînaient des pertes de balles par manque de réactivité des partenaires Mais ce n'est un jeu programmé qui peut résoudre ce problème.

En quart de finale de la Coupe du monde, une Angleterre un peu plus adaptive était venue à bout des Australiens. C'est dommage de ne pas vouloir continuer le travail fait par Ashton qui avait parfaitement cerné les limites de son équipe et donc les exigences dans le temps du travail à réaliser. Mais il lui aurait fallu bouleverser la culture de formation anglaise engluée dans ce besoin d'un jeu structuré. L'arrivée de Martin Johnston va donc intensifier le processus.

C'est dommage, car certains joueurs, entre autres, Cipriani présentent cette disponibilité à jouer avec l'imprévisible. En enfermant le collectif dans un carcan tactique même ce joueur doué ne sera pas mentalement disponible pour exploiter à la fois tous ses savoir- faire et sa vitesse.

Un mot sur l'Australie qui va bien être difficile à battre samedi prochain. Je pense que cette équipe, rassurée après sa performance anglaise, va être un peu plus joueuse. Ce n'est pas pour me gêner. On devrait assister à un bon match de rugby et en savoir plus sur le XV de France.

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