Aux larmes, citoyens !

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Rodolphe Rolland revient sur la rencontre entre le XV de France et l'Ecosse et l'absence de combat chez les Bleus.

Saint-Denis, morne plaine... C"est la claque ! Non pas celle qui au terme du spectacle gratifie les acteurs de la reconnaissance unanime du public lequel invite par un bis collectif à poursuivre la représentation, mais celle de la déception frustrée imposant aux rêveurs en bleu d"aller bisser ailleurs. Remarquez, depuis la Coupe du monde 2007 et les promesses ajournées d"une consécration internationale, les supporters cocardiers ont eu le temps de s"y faire : l"équipe de France ne pèse plus très lourd dans le concert rugbystique des nations et la décevante huitième place au classement IRB n"est finalement que justice.

Les pieds bien sur terre, nous voilà tirés hors de nos illusions. Le réveil pénible est d'autant plus amer qu'on s'était laissé griser par une espérance – bien timide il est vrai – en des lendemains plus glorieux nimbés d'un doigt de "french flair" et d'autres "faribolesques" fantasmes. Là, hélas, c'est la tasse ! La rancune commence à poindre. Ça gronde en coulisse, la colère déborde sur l'inquiétude. Va falloir rendre des comptes sous peu !

D'ailleurs les langues commencent déjà à se délier, la trousse à pharmacie en main les docteurs es rugby arrivent des quatre coins de France pour rallier le chevet du comateux. Le diagnostic est sans appel : championnat trop long, Top14 trop faiblard, absence de leaders, structures d'un autre âge etc. Quel traitement, quelle posologie respecter ? Quel viatique – licite s'entend – administrer ? Le cas est-il désespéré et si oui, peut-on faire appel au docteur House ? Voire à sainte Rita ?

La question essentielle n'est pas comment en sommes-nous arrivés là mais plutôt comment en sommes-nous encore là ? Un peu plus d'un an écoulé et c'est le point mort, pire peut-être la régression. Le brassage d'abord, le groupe arrêté, puis la mise en place du jeu, tel était grosso modo le credo de Marc Lièvremont et de ses deux compagnons d'infortune. Le jeu, le projet de jeu, on n'a toujours pas vraiment vu à quoi ça devrait ressembler une fois l'oeuvre achevée, quelques esquisses par-ci par-là, rien de plus. On en parle pourtant... Les joueurs surtout, qui de leur propre aveu sont séduits ; j'aimerais pouvoir en dire autant, faudrait pour cela jeter un &oeligil, se faire une idée, même petite. Enfin, les joueurs sont séduits mais ont-ils seulement compris de quoi il retournait ? C'est à se demander tout de même au regard des hésitations, des maladresses et des atermoiements de la rencontre contre l'Ecosse, comme s'ils n'étaient pas convaincus par les consignes qu'on leur avait glissé ; certains d'entre eux, s'offrant aux défenseurs, me faisaient songer à ces taureaux qui semblent entrer quasi à reculons dans l'arène, perplexes car reniflant à pleins naseaux l'hémoglobine, sachant pertinemment et à l'avance que ce sang répandu au sol est déjà le leur.

Ou alors les joueurs savent de quoi il retourne, mais ils sont dans l'incapacité physique de reproduire la méthode sur le terrain avec opposition non raisonnée ? Peut-être aussi que le "type" de joueur requis pour la fameuse stratégie n'existe pas (encore) en France, allez savoir ! Mais là n'est pas, à mes yeux, le plus grave. Laissons les stratégies, méthodes et autres projets de jeu pour les amateurs de décryptage, simplifions, allons à l'essence, à l'engagement.

Visionnant le match suivant, opposant le Pays de Galles à l'Angleterre, après la purge franco-écossaise, j'eus l'impression consternante et ma foi confuse que le jeu auquel se livraient les deux équipes britanniques n'était pas le même que celui pratiqué un peu plus tôt à Saint-Denis. Inquiet je m'en ouvrais à ma grand-mère, consultante technique de la chose rugby dans la famille, qui m'avoua après un temps d'arrêt que c'était bien le même jeu, mais que certainement un problème hertzien passait les images de la BBC en accéléré. Evidemment pas le moindre problème entre la France et la Grande-Bretagne – de quelque nature que ce soit –, juste une différence d'engagement des joueurs, faisant passer Galles-Angleterre pour une rencontre jouée entre "voyous" et la partie précédente pour un aimable divertissement entre gentlemen, comme quoi les apparences sont parfois trompeuses ! Deux équipes qui semblaient jouer leur vie sur le terrain, un remake de "Vaincre ou périr", ou chacun des acteurs justifiait à sa façon l'adage de Louis-Ferdinand Céline : "Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n'avez rien. Il faut payer !".

Voilà ce qu'il manquait singulièrement au collectif français ce samedi 14 février, la peau sur la table ! A l'heure où j'écris ces lignes Marc Lièvremont n'a pas encore annoncé son groupe. Peu de changements sont prévus, mais bizarrement je suis confiant pour le Pays de Galles, je sais que la trouille peut être la plus motivante des émotions, la trouille d'être humilié au Stade de France par exemple. Cette même trouille qui faisait vomir Jacques Brel avant de monter sur scène, Jacques Brel qui n'hésita jamais à mettre sa peau sur la table devant son public !

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