La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Jeudi 11 octobre :

Retour sur le Gers avec un aller sur Mirande... C'est fou comme en vieillissant, on éprouve la nécessité de retrouver les chemins du passé ! La Bastide et ses arceaux, le kiosque, le lycée Alain Fournier où nous retrouvions les jeunes filles pour les cours de latin, la vieille halle qui abritait nos parties de basket... Au Glacier, j'ai le bonheur de rencontrer l'ancien entraîneur du défunt BAC puis de l'équipe de France féminine, Alain Jardel. Il est accompagné par le Président de l'Entente Valence-Condom-Castera. Celui-ci ne pourra pas placer un mot : les deux bavards vont se disputer le temps d'écoute; la passion dévorante: comment gérer les hommes et... les femmes ! Certains savent que nous avons bien failli entraîner une équipe de rugby ensemble. C'était en 1972 et ma première expérience à la tête de la défunte USAM - le même sort que la BAC ! - Je cherchais un préparateur physique pour travailler avec moi ; la vox populi m'indiqua qu'un jeune professeur d'EPS, féru de basket - il n'y avait pas de club de basket ! - venait d'être nommé dans la cité. Nous eûmes un superbe contact et tout de suite l'envie commune de collaborer. Le Président de l'USAM, un type dévoué entièrement à son club mais parfois manquant singulièrement d'ouverture, mit son véto à notre union. Alain Jardel créa, alors, avec des filles du pays le club que l'on sait ; actuellement malgré de nombreuses occupations, il n'a pas directement d'équipe à manager. Je sens qu'il est en manque, je sais qu'il va replonger dans le " b... ". Nous sommes frères : c'est notre vie et nous ne savons rien faire par ailleurs.

A 3 ou 4 anciens supporters, je raconte que je vais, sans doute, supporter l'EAB à Périgueux, dimanche. "Ah, ils jouent à Périgueux ! s'étonnent-ils " Ils reconnaissent les qualités extraordinaires du Président de Mielan, Alain Latterade, par ailleurs ancien ¾ centre de l'USAM mais ce club n'est pas le leur : "nous supportons Auch et nous ne venons que 2 ou 3 fois voir l'Entente, quand elle joue ici " l'EAB le club actuel de Grégory Patat, Bruno Soucek, les frères Prévitoli, Julien Sarraute... Auch bis ! Les débuts en Dordogne seront bien difficiles mais Harry Dumitras saura remédier.

YM nous a quitté la semaine dernière. Lui aussi avait l'USAM chevillée au corps et comme il aimait le rugby et son pays par dessus tout il avait rallié l'EAB. Je l'ai connu ¾ aile en II, soigneur, éducateur, trésorier ; on me racontait qu'il grimpait, encore récemment, à 80 ans sur le toit des tribunes pour récupérer les ballons égarés : un super gars, un irremplaçable dans la sous-préfecture... Une voiture folle l'a méchamment plaqué justement sous les arceaux qui lui étaient si attachés.

Vendredi 12 octobre :

Agen a deux défauts : ses mille feux-rouges et ses cent mille matins de brouillard sur la Garonne. Mise en place avec ballon glissant sur la pelouse d'Armandie ; 25 joueurs pour l'entrainement du capitaine. Après le super repas de Josiane et Christian Boudie et de leurs complices des cuisines, nous filons vers Biarritz. A 10 km d'Agen le soleil rayonne !

Le BO privé de Thion, Harinordoquy, Traille et Betsen possède cependant un bien bel effectif ; il veut prendre sa revanche du match de Beaumont. Côté SUA, bien que dominé, on s'accroche ferme en défense et sur deux incursions, FG grâce à deux pénalités, nous permet de mener 6-0 à la pause. Dès la reprise JM inscrit un joli drop 9-0. J'ai la chance de posséder deux ouvreurs de talent, très sérieux, combatifs, aimant le club, attachés à la bonne marche de leurs camarades ; j'entends le 1er conseiller efficacement le jeune troisième ligne aile JM que j'ai déplacé à l'aile en 1ère période. Ces deux leaders n'ont pas besoin de l'entraineur ; c'est l'entraineur qui est tiré par eux !

A 9-0, une pluie de pénalités - souvent justifiées - s'abat sur nous. Défaite 13-9 mais je préfère cette prestation à d'autres antérieures où nous avions pourtant gagné. En championnat, c'est différent : là, seule la victoire sera belle. Petit à petit, étrangers et français se rapprochent. Restons vigilants.

Samedi 13 octobre :

J'aime les terrains annexes d'Armandie quand ils sont remplis de gamins. Sur l'annexe 3, nos minimes trop puissants, déroulent dans des rencontres trop déséquilibrées contre le Passage et Villefranche de Queyran. Je connais ce dernier club qui a d'excellentes relations, par Jean-Claude Pourcet interposé, avec le FC Auch Gers. Demain, leur équipe I sera à Duras, chez le Président Tingaud, la tentation de m'y rendre ; quel match choisir ?

Sur l'annexe 2, nos cadets 2 battent difficilement la Section Paloise. Chez nous, un bon 9. Le conseiller technique régional me lâche son nom : "Ah oui, c'est un Gersois de Montréal ! " Surprise de l'interlocuteur ; "Oui, je voulais le faire inscrire au collège Carnot, il y a 3 ans ! " Le petit avait choisi Agen ; je râlais toujours quand j'apprenais qu'un Gersois évoluait à l'extérieur du département ! Vais-je changer ?

Sur l'annexe 1, les cadets 1 l'emportent laborieusement sur leurs homologues de la Section. C'est un très bon match que se livrent les deux formations. Sous le soleil enfin arrivé sur le tard, je me suis régalé. Côté Béarn, toujours d'aussi bons jeunes.

C'est devant un Château Margaux qui m'a été largement offert lors de ma dernière apparition à Bordeaux que je m'installe devant la demi-finale. C'est bien le rugby que j'avais prévu dès avant la Coupe du Monde : un jeu basé sur la défense et le jeu au pied et tant pis pour la conservation ! La Géorgie perd contre l'Irlande avec 67% de possession, les Blacks contre la France avec 77%, la France contre l'Angleterre avec 55% ! Côte Français, on pourra regretter un jeu au pied trop long, trop monocorde, ne mettant jamais Robinson en difficulté - parfois le contraire ! - On pourra reprocher à M. Kaplan d'avoir fermé les yeux sur les attitudes anglaises dans les mauls. En fait, nos coqs ne nous ont jamais "emballés ", trop sérieux, trop rigoureux, tristes comme des puritains. Je crois que nous n'avions pas assez évalué l'immense baraka dont nous avions bénéficié contre les Blacks qui resteront quand même l'équipe la plus - la seule ? - créative de l'épreuve. Un ami qui n'aime ni les Anglais, ni notre Président m'adresse le texto suivant "Il faut boucher le tunnel sous la Manche avec Sarko dedans ! ". Quant à nos vainqueurs, on ne peut que louer leur formidable obstination : je crois que Churchill, quelque part, doit être bien fier d'eux !

Dimanche 14 octobre :

Premier rugby à toucher dominical agenais sur le terrain Pistre. Ambiance sympathique. Une pensée pour les auscitains Elie, Philippe, Jackie, Jean-Sébastien, Gégé... qui doivent se régaler en s'engueulant rive droite. Après-midi à Pont-du-Casse qui reçoit les voisins de Colayrac. Déception locale et bonheur visiteur mais du plaisir dans ce rugby de Promotion d'Honneur. Les commentaires vont bon train sur l'échec de la veille et les sélectionneurs prolifèrent ; des critiques acerbes mais proportionnelles à l'amour porté à l'équipe de France : ceux qui sont là seront toujours derrière le rugby. Le Président de Pont-du-Casse me parle fièrement de son école de rugby forte de 50 minots, de ses cadets et de ses Balandrade en attente avec le club de Laroque-Timbaut qu'il me tarde d'aller supporter : "ici, on leur paye la licence, pas de prime de match, ni d'indemnité... de purs amateurs avec l'amitié pour seul ciment " . Ils se sont entrainés trois fois dans la semaine précèdent le derby ! C'est trop ? Colayrac dont je sais qu'il prête son terrain au SUA mérite son succès ; la puissance et l'organisation du pack, la précision de ses buteurs et botteurs ont logiquement prévalu.

Davantage de public au stade de France que chez les Cassipontains, toujours autant d'émotion lors de l'hymne argentin dans les rangs pumas mais les camarades de Pichot - et lui en premier - ont paru bien las ; le duo Hernandez-Contepomi déconcentré, la troisième ligne, les jambes lourdes. En face, malgré les approximations en mêlée, grâce à une touche rayonnante, à Dupreez opportuniste, Habana de plus en plus véloce et Montgomery toujours précis, on s'est facilement imposé. Vendredi soir, nos coqs devraient venger l'affront du 7 septembre mais avouons que la 3ème place ne sera qu'une piètre consolation. Quant à la grande finale, les Springboks sont mes favoris mais cette Rose a de bien belles épines.

Lundi 15 octobre :

Texto agenais : "Je ne sais pas ce qu'il va falloir inventer pour vous faire apprécier le Lot-et-Garonne et surtout Garonne, le Canal et Agen... " Qu'on se rassure, je suis très bien dans mon nouveau pays et je le trouve très beau, à peine un peu moins... que le Gers ! Chez nous, on dit LA Garonne, ici Garonne !

Je taquine Eusebio : " Scelzo est blessé ; tu vas te payer Milloud " Mon Argentin revient l'après-midi : "Ils m'ont appelé ! " Bonne soirée, samedi !

Les Agenais pensent à mon âme : je suis convié, jeudi soir à un débat sur le "Rugby, Ecole de la Vie ". Mon interlocuteur - contradicteur ? - sera l'Archevêque Mgr Hubert Herbetreau. Réussira-t-il à convaincre un mécréant ? Les organisateurs ont prévu un modérateur ! Mais je m'entendais très bien avec l'Archevêque d'Auch : j'étais le plus fervent admirateur de sa cathédrale!

Pour terminer, un extrait d'un poème de Pascal Proux publié en mars 2007 Oualia 2007 chez Atlantica ; je le trouve pour le moins prémonitoire :

"L'ailier de couleur, la gazelle du ghetto libère tout un paysSa longue course, son instinct chasseur guettant l'interceptionSa félinité, font lever le bok blanc qui hurle... son admirationLe père fils d'esclave noir en pleure... son fils par un blanc applaudi!
Interception en terre Bok ".

Tout le poème est de cette trempe.
C'est pas beau le rugby !

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