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XV de France - Uini Atonio (La Rochelle) : "Je casse les codes des docteurs qui demandent de faire des régimes"

  • Uini Atonio s'est longuement confié à Midi Olympique
    Uini Atonio s'est longuement confié à Midi Olympique - Icon Sport
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Uini Atonio - Le pilier droit, 33 ans et 57 sélections, évoque son retour du Mondial et son état d'esprit actuel, les secrets de sa longévité au plus haut niveau ou encore sa réflexion quant à la poursuite ou non de sa carrière internationale.

Comment vous sentez-vous, un petit mois après votre retour à la compétition ?

Ça va. J’aurais cru que ça aurait été plus dur de revenir en club, d’autant plus que l’équipe était mal classée. Finalement, ça m’a fait un bien fou de reprendre, de retrouver les habitudes, de revoir les gars. Je suis content même si je trouve que je ne suis pas à mon meilleur niveau. J’ai besoin de temps, que ce soit physiquement et même mentalement. Je ne suis pas en burn-out non plus (sourire). Mais, parfois, c’est frustrant car tu penses que tu es bien et puis tu te rends compte que ce n'est pas le cas.

L’idée de couper sur une longue période comme Grégory Alldritt vous a-t-elle traversé l’esprit ?

J’aurais peut-être pu ajouter une semaine de vacances mais, plus longtemps, ça ne m’aurait pas ressemblé. Et, franchement, je n’aurais pas pu (sourire). Si j’avais coupé deux mois, je ne suis pas sûr que j’aurais pu revenir. Ou il m’aurait fallu au moins quatre mois pour reprendre. Je trouve très bien que Greg ait pris cette décision. Je suis son premier supporter. Franchement, chapeau à lui d’avoir eu ce courage. Et je pense que ça va lui faire du bien. Je n’aurais pas pu faire comme lui ni comme "Peat" (Mauvaka) qui a basculé la semaine d’après avec Toulouse. Ca aurait été trop dur de revenir directement.

La Coupe du monde avait laissé des traces ?

Je devais me recharger mentalement. J’avais besoin d’être en famille, avec mes enfants, pour couper du rugby quelque temps. Je n’avais pas envie de me retrouver directement au milieu de tous les gens qui m’auraient dit "félicitations" alors que nous étions tombés à deux matchs de l’objectif que l’on avait en tête depuis si longtemps.

L’échéance de dimanche face au Leinster aura d’ailleurs des allures de rendez-vous international… À quoi vous attendez-vous ?

L'équipe est en quelque sorte tombée dans la poule de la mort (sourire). Ça commence par le Leinster. Je pense qu’ils doivent en avoir marre de nous croiser et de ne pas arriver à nous battre. Ils ont changé d’entraîneur, ils se retrouvent avec le champion du monde (Jacques Nienaber). Je m’attends à ce qu’ils changent un peu leur fusil d’épaule. Ce qui est sûr, c’est que ça va taper fort dimanche.

Ce sera le révélateur de votre niveau actuel après un premier tiers de saison poussif…

Un gros rendez-vous aussi tôt dans la saison, ça va nous faire du bien. En ce moment, l’équipe n’est pas à son meilleur niveau, que ce soit pour le jeu et le physique. C’est ce genre de tests que l’on adore. Les 23 qui joueront seront prêts.

Vous parliez de votre inlassable envie de jouer. Cette saison, vous allez probablement dépasser le cap des 300 matchs disputés avec le Stade rochelais, étant donné que vous en êtes à 286. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Ma famille me fait souvent cette remarque, sur le fait que je suis tout le temps sur le terrain. Mais que voulez-vous ? Je n’aime pas ne pas jouer. J’ai aussi eu la chance de ne pas avoir de grosse blessure dans ma carrière si ce n’est mon souci aux cervicales (en 2019). Mais ce n’était pas comme un genou ou une épaule…

Uini Atonio avec Will Skelton et Tawera Kerr-Barlow après le succès face l'UBB.
Uini Atonio avec Will Skelton et Tawera Kerr-Barlow après le succès face l'UBB.

N’aviez-vous pas eu peur, tout de même ?

Si, bien sûr. Si je n’avais pas été opéré, je n'aurais pas pu avoir de licence. On m’a mis une cage entre la C5 et la C6 mais une fois que j’étais sorti de la chambre d’opération, je ne sentais plus rien. Je ne pouvais pas jouer avec contact pendant un mois, c’est tout. Mais sinon, j’aime trop jouer, j’aime trop être sur le terrain. J’ai conscience qu’un jour, je ne pourrai plus le faire. Alors, tant que c’est possible, je veux profiter à fond. Je donne tout, que ce soit sur 30, 40, 50 minutes. Être sur le banc, j’arrive à l’accepter désormais mais sur les cinq premières années, je n’aimais pas ça, je ne le supportais pas. Je veux trop être sur le terrain, j’ai heureusement changé de mentalité avec l’âge. Si je n'avais pas changé, j’aurais fini avec un burn-out à 27 ans.

En tant que mec qui pèse 150 kilos, qui mesure 1,96 m et qui court 2 km/h de moins que les autres piliers, j’arrive à faire des centaines de matchs

Il n’y a pas que le mental qui permet de durer. Votre physique, pourtant hors standards sur le papier, vous permet aussi de vous exprimer…

C’est ce que j’aime bien, vous savez : je casse les codes des docteurs qui demandent de faire des régimes pour être au mieux de sa forme. Oui, peut-être que si je pesais dix kilos de moins, je courrais 2 km/h plus vite. Mais en étant comme je suis, j’arrive à être performant, à être au niveau auquel je veux être. Avant, on nous mettait toujours dans des "boîtes" en disant : "Si tu ne fais pas 118 kilos et que tu ne cours pas à 32 km/h, tu ne peux pas réussir." J’ai cassé ce truc. En tant que mec qui pèse 150 kilos, qui mesure 1,96 m et qui court 2 km/h de moins que les autres piliers, j’arrive à faire des centaines de matchs. C’est ainsi : personne n’est parfait, chacun a ses caractéristiques et on ne peut pas demander les mêmes choses à tout le monde. Ce qui importe, c’est de trouver son équilibre.

Avec le temps qui passe, cela devient-il plus dur ?

Là, je fais plus attention, c’est obligé. J’ai plus de mal à sortir du lit le matin. C’est normal, avec l’âge… Quand je vois les jeunes galoper à 30 à l’heure, je sais que ce n’est pas Uini Atonio qui le ferait. Mais si j’arrive à garder mon niveau, c’est déjà pas mal, je trouve.

Je voulais être le plus fort en mêlée. Et quand je dis "le plus fort", je voulais être le plus fort au monde !

Votre longévité au plus haut niveau, votre envie de durer sont aussi sûrement motivées par la dynamique de votre carrière : on a le sentiment que vous n’avez fait que progresser, au fil des saisons...

Les skills, les mains, ce sont des choses que j’avais déjà. C’était le côté conquête sur lequel j’avais du mal, au début. Même encore en 2015 à la Coupe du monde, je me souviens quand on m’a aligné face à la Roumanie, sachant que les Roumains sont costauds (grimace)… Je n’ai pas passé mes meilleures années en équipe de France à cette époque, mais je me suis accroché jusqu’en 2017. C’est à ce moment-là que je me suis dit : "Soit tu grandis tout seul, soit tu laisses les autres t’aider à grandir."

Et alors ?

J'ai pris tout ce que je pouvais chez chacun de mes cooachs. « Collaz » avait essayé de m’aider jusqu’à son départ, "Garba" aussi, sur toute la partie jeu avec ballon, les courses… Chaque entraîneur m’a amené un petit quelque chose. J’étais à 7/10 un peu partout. Puis un jour, je me suis dit que je devais être à 9/10 en mêlée, 9/10 en défense… Avant, j’étais un pilier un peu « stylé », je voulais être celui qui fait la passe en plus. J’avais oublié que la base, c’était la mêlée. Tout le temps où je n’étais pas pris en équipe de France, je m’étais fixé de nouveaux objectifs : je voulais être le plus fort en mêlée. Et quand je dis "le plus fort", je voulais être le plus fort au monde ! Avec les années, je suis arrivé à progresser.

Comment s’est produit le déclic ?

Tu peux être le plus costaud du monde, si tu n’as pas une mentalité de tueur, ça ne peut pas le faire. La force, c’est bien, la technique aussi, mais ça ne suffit pas. Ce n’est pas être méchant, c'est juste qu'il faut comprendre qu'à chaque entrée en mêlée, ce n’est pas du rugby. Tu as besoin de zéro talent, c’est juste celui qui ne sort pas la tête qui l'emporte. Entre 2016-2017 et 2020, j'avais ça en tête. Je suis très fier de ce chemin parcouru.

Uini Atonio lors du quart de finale face à l'Afrique du Sud.
Uini Atonio lors du quart de finale face à l'Afrique du Sud. Icon Sport - Hugo Pfeiffer

Ce qui vous a permis de vous imposer et de faire basculer votre carrière internationale…

En équipe de France, jusqu'alors, j’avais le sentiment de ne pas avoir ma chance. Dans cette deuxième carrière dont on parle, au lieu de me dire ce qu’il fallait faire, j’ai eu l’impression qu’on m’a laissé faire, que l’on m’a laissé jouer sur mes points forts. Pour ça, chapeau à Fabien Galthié, à William Servat, à Karim Ghezal. Ils m’ont pris comme j’étais et ils n’ont pas cherché à me changer en me disant : "Fais ci, fais ça..." Tout le travail que j’avais fait pendant des années payait enfin. Une fois que l’on m’a redonné ma chance, je me suis dit que je devais être à mon meilleur niveau. C’est grâce à eux et à Ronan qui me pousse tous les jours, en club, que j'y suis arrivé. Plus tu es heureux, plus tu t’exprimes bien sur le terrain. Sur les trois ans et demi jusqu’à la Coupe du monde, je trouve que j’ai été plutôt correct. Je suis fier de ce parcours mais je suis surtout content que l’on m’ait laissé être celui que j’étais. C’est ce qu’ils ont fait avec tout le monde. Et c’est ce qui nous a permis d’être à 80 % de victoires, d’unir un pays, d’être dans le top 3 mondial.

Dans votre montée en puissance, il y a aussi le fait que cette décennie vous a vu gagner vos premiers trophées. Que représentent-ils ?

J’avais fait neuf saisons sans rien gagner (grimace). C’était cool, hein : il y avait eu des quarts de finale, des demies, des premières places… Mais quand tu vois des mecs à la télé soulever les trophées, quand tu vois des gars de 20 ans à Toulouse qui ont déjà deux Boucliers, par exemple, tu te dis : "Ce n’est pas possible." À un moment, je me suis bougé : "Stop. C’est cool d’avoir 200 matchs en club mais que diront les gens dans 20 ans ? Ils ont gagné quoi, avec leurs 200 matchs ? Bah, rien." Je n’étais alors plus tout jeune. De gagner enfin des titres, ça m’a fait un bien fou. Ça avait commencé par le Grand chelem et puis il y a eu les deux Champions Cup. Et j’ai encore envie d’en remporter. Les enfants sont contents, en plus, de les voir à la maison.

La première partie de ma carrière n’était pas top mais en être à 57 sélections, c’est beau

Cet appétit, est-ce ce qui vous pousse à poursuivre votre carrière internationale, quand bien même vous aviez annoncé votre intention d’arrêter ?

En tant que joueur, je me suis toujours dit que je voulais sortir par la grande porte. C'est ce dont tout le monde rêve. Avant les 6 Nations, j’avais annoncé que j’allais arrêter après la Coupe du monde. Je me disais que j’allais partir à mon meilleur niveau, en ayant rendu des services… Est-ce que je l’avais annoncé trop tôt ? Je ne sais pas. C’était réfléchi, pourtant. La Coupe du monde arrivait à 33 ans, je me disais que c’était bien déjà. La première partie de ma carrière n’était pas top mais en être à 57 sélections, c’est beau. Sauf que je n’ai pas gagné ce que j’avais visé. À la fin du Mondial, je me suis posé tant de questions : "Est-ce que ce n’est pas trop tôt ? Est-ce que je peux encore ?" Ça m’a tourné dans la tête, pendant trois semaines, tandis que les enfants étaient à l’école.

On imagine que votre entourage a mis son grain de sel...

Ronan m’a convoqué le jeudi après le quart de finale. On a bien parlé. Il voulait savoir pourquoi j’arrêtais, si c’était parce que je me sentais trop vieux, ou parce que je croyais ne plus avoir ma place… Nous avons mis les choses à plat. À côté de ça, Servat et Galthié nous ont souvent demandé, avec Romain Tao : "Mais vous êtes sûrs, les gars ?" On avait répondu : "Je pense qu’en gagnant la Coupe du monde..." À chaque fois, on disait "oui" car on ne pensait qu’à cet objectif. Nous avions tout pour la gagner. Si je prends un peu de recul, aujourd'hui, je me demande : "Est-ce que c’est la bonne décision ?" Je pense, mais tout peut se passer.

Je me connais, je suis un compétiteur. Mais il y a ce que veut la tête et ce que dit le corps.

Votre choix n’est donc pas encore arrêté…

Oui. Est-ce que j’écoute ce que disent les gens extérieurs ou est-ce que je prends la décision moi-même ? Est-ce que j’ai vraiment encore assez d’envie, de temps ? Je suis plus tout jeune. On verra comment va se dérouler le mois à venir avec le Stade rochelais. Ça va être très costaud. Dans un mois, si je trouve que je suis en forme olympique, pourquoi pas reprendre. Je saurai alors et je pourrai décider.

Si l'on se projette encore plus loin, vous fixez-vous une date butoir pour votre carrière ?

Je suis sous contrat jusqu’en 2025. Je vais faire au feeling. Peut-être que j’irai jusqu’en 2027. Peut-être que j’irai dans le bureau demander un an de plus. Mais après décembre et les quatre gros matchs qui arrivent, je dirai peut-être le contraire. Je me connais, je suis un compétiteur. Mais il y a ce que veut la tête et ce que dit le corps.

Anticipez-vous déjà votre après-rugby ?
J’ai quelques trucs en tête mais rien de concret. Ça pourrait être aussi bien dans le rugby qu’en dehors. Peut-être « prépa » physique (rire). Non, je rigole.

Qu’aimeriez-vous que l’on dise de vous, à la fin de votre carrière ?

Que j’étais un guerrier (rire). Non, juste que j’ai fait un parcours correct, que j’ai amené beaucoup d'’énergie à mes équipes, que je les ai fait avancer huit fois sur toi, ce serait déjà pas mal.

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Les commentaires (1)
SamuelC Il y a 4 mois Le 06/12/2023 à 21:15

Un véritable champion et le meilleur coéquipier possible avec une banane d'enfer