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Coupe du monde de rugby 2023 - Exclusif. "On n’a rien à faire devant notre télé" regrette Romain Taofifenua (XV de France)

  • Romain Taofifenua est encore marqué par l'élimination des Bleus face à l'Afrique du Sud.
    Romain Taofifenua est encore marqué par l'élimination des Bleus face à l'Afrique du Sud. Icon Sport - Icon Sport
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Samedi, le géant de 33 ans aux 49 sélections a accepté de revenir sur l’élimination en quart de finale du Mondial, sur la fin de son aventure en Bleu et sur son odyssée tricolore riche de onze années.

Comment va le moral, près d’une semaine après la défaite en quart de finale ?

Ça remonte petit à petit. Je commence à récupérer, à réaliser (soupir). J’ai regardé la première demie et, quand je vois ce match, je me dis qu’on avait largement notre place. Voilà… Je vais reprendre dès la semaine prochaine avec le club. C’est le meilleur moyen de repartir de l’avant.

Comment avez-vous vécu les jours passés à Paris avec vos partenaires après l’élimination ?

La fin a été tellement brutale. Elle aurait été encore plus dure à digérer si l’on s’était retrouvé du jour au lendemain à la maison. On avait besoin de passer ce moment ensemble. C’était important pour évacuer, refermer l’aventure. On a essayé de se changer les idées, de parler d’autre chose même si ce n’était pas évident.

Quel regard portez-vous sur la réaction populaire à la suite de votre élimination ?

Je n’aurais pas cru que l’on recevrait autant de messages de soutien. L’engouement était énorme. Je m’en suis encore plus rendu compte après coup. On voit à quel point la déception de tout le monde est grande (soupir)

Au coup de sifflet final du quart, avez-vous pris conscience que tout était fini ?

Je savais que si l’on perdait, ce serait la fin pour moi en Bleu. J’y avais pensé avant le match. Quand l’arbitre a sifflé, j’avais conscience de tout ce que ça signifiait. Ça a été d’autant plus dur à vivre que l’on y a cru jusqu’au dernier ballon. L’équipe avait vécu tellement de fois cette situation où ça finissait par basculer en sa faveur. On cherchait cette pénalité qui nous aurait libérés mais elle n’est pas arrivée.

Avez-vous revu la rencontre ? Et si oui, quel sentiment a dominé au visionnage ?

J’ai revu le match, oui. Et j’ai ressenti de la colère. Quand je vois la performance accomplie, je me dis que l’on n’a rien à faire devant notre télé. On peut parler de l’arbitrage, bien sûr. Mais on peut aussi s’en prendre à nous-mêmes, à nos erreurs.

Romain Taofifenua y a cru jusqu'au bout face aux Springboks.
Romain Taofifenua y a cru jusqu'au bout face aux Springboks. Abaca / Icon Sport - Abaca / Icon Sport

Qu’est-ce qui a manqué ?

Je ne sais pas. Ça parle beaucoup de l’expérience des Boks mais, comme je le disais avant, des fins de match où l’on arrive à reprendre le dessus, nous en avons connues plein. Le vécu, on l’avait. Après, il y a peut-être eu plus de maîtrise chez eux.

De l’extérieur, on a l’impression que les Boks paraissaient mieux physiquement sur la fin. L’avez-vous ressenti ainsi ?

Franchement, non. Le physique, ça allait. Mais il y a eu des erreurs qui nous ont acculés dans notre camp. Et on a eu du mal à s’en sortir. C’est venu de nos fautes.

Est-ce votre plus grande déception sportive ?

Oui, clairement. Personne ne se voyait s’arrêter là. On avait toutes les chances d’aller au bout…

Que pensez-vous de toutes les polémiques autour de l’arbitrage ?

Il n’y a pas de fumée sans feu, comme on le dit (sourire). S’il y a autant de battage, c’est bien que ça a péché par moments. Mais on ne va pas se cacher derrière ça. Ça aurait quand même dû être pour nous.

Ne pensez-vous pas, au regard de l’arbitrage on ne peut plus permissif de Ben O’Keeffe dans le jeu au sol, que vous auriez dû faire preuve de plus de vice dans ce secteur ?

On a peut-être eu du mal à s’adapter à son interprétation des phases de ruck, effectivement. Peut-être que l’on aurait dû en abuser comme ils l’ont fait…

Au-delà de ce dénouement cruel, que retiendrez-vous de cette première et unique Coupe du monde sur le plan personnel ?

De super souvenirs et une grande fierté. Humainement, j’ai partagé des moments uniques. Avec les partenaires mais aussi avec mes enfants qui sont désormais, à 8 et 10 ans, assez grands pour s’en souvenir.

L'arbitrage de Ben O'Keeffe a fait couler beaucoup d'encre.
L'arbitrage de Ben O'Keeffe a fait couler beaucoup d'encre. Icon Sport - Icon Sport

Comment ont-ils digéré l’élimination, d’ailleurs ?

Mon fils m’a dit qu’il en avait marre qu’on lui en parle chaque jour à la récréation (sourire). Pourtant, il n’est pas dans une école très rugby à la base.

Vous avez eu des soucis musculaires lors de la préparation. Étiez-vous à 100 % lors de la compétition ?

Franchement, je me sentais très bien. Physiquement, j’avais complètement récupéré de mon ischio. Et collectivement, il y avait une montée en puissance… Tout allait bien.

Lors de votre première titularisation face à l’Uruguay vous avez reçu votre seul carton jaune en Bleu pour un plaquage haut. Avez-vous craint une longue sanction après coup ?

Oui, j’ai eu peur d’être cité. Quand on voit les suspensions que ça peut donner… Mais dès le soir même, Jérôme Garcès m’a rassuré en me disant qu’il était clair que l’Uruguayen était dans la chute, après s’être fait plaquer par Sekou (Macalou), et que j’étais en train de m’abaisser, aussi. Pour lui, c’était clair : ce n’était pas volontaire et je n’allais pas être cité.

Avec 35 feuilles de match, vous avez été l’international le plus assidu sur les quatre ans du premier mandat de Fabien Galthié. Que cela vous inspire-t-il ?

Ça fait plaisir car ça montre que j’avais gagné la confiance du staff. J’espère que j’ai su leur rendre sur le terrain. Par le passé, on m’a pas mal reproché d’être inconstant dans mes performances. J’ai pu prouver que j’étais un joueur régulier et montrer que l’on pouvait compter sur moi sur la durée.

Comment expliquez-vous ce basculement ?

Je n’avais jamais eu, en sélection, la confiance que Fabien et son staff m’ont témoignée. Je n’avais même jamais eu le sentiment d’appartenir à un groupe France auparavant. Je n’étais que de passage. Ou bien je sentais qu’il fallait que je sorte le match de ma vie sinon… Je fonctionne à l’affectif, j’ai besoin d’avoir cette interaction.

Romain Taofifenua a remporté le Grand chelem en 2022.
Romain Taofifenua a remporté le Grand chelem en 2022. Icon Sport - Icon Sport

Comment aviez-vous vécu vos deux non-convocations pour les Coupes du monde 2015 et 2019 ?

En 2015, j’étais dans le "truc". Même si c’était souvent en tant que remplaçant, j’estimais que je faisais de bonnes rentrées. J’avais bon espoir de faire le Mondial. Au moins la préparation… Le fait qu’on ne m’appelle pas et encore plus que je n’ai pas d’explication a été un gros coup dur. En 2019, c’était différent. Je n’étais pas dans le groupe au départ et j’avais été appelé à la place de Paul Willemse pendant l’été. La préparation s’était très bien passée. J’étais en forme mais Jacques (Brunel) m’avait dit que ça ne le ferait pas car j’avais pris trop de retard sur les autres. C’était moins dur à vivre. Au moins, cette fois-là, on m’avait clairement dit les choses.

Vous avez trouvé votre place dans le système Galthié mais, le plus souvent, dans un rôle de remplaçant. Comment avez-vous vécu ce paradoxe ? N’y avait-il pas là une forme de frustration ?

À l’origine, je n’allais pas à Marcoussis en me disant que je serai sur le banc mais c’est vrai qu’une fois que les choses avaient été mises au clair, je connaissais mon rôle et je pouvais me donner à 100 %. Ça m’allait. Ce qui était bien, c’est que j’étais à chaque fois un des premiers remplaçants à entrer en action. Je n’avais pas juste quelques minutes en toute fin de match.

Avec l’absence de Paul Willemse, votre rôle aurait pu évoluer lors de la Coupe du monde. En a-t-il été question ?

Oui, nous avons échangé assez tôt à ce sujet avec le staff. Dès que Paul s’est blessé… Ça ne changeait pas ma situation. Et ça ne m’a pas posé de souci.

Comment expliquez-vous que vous ayez bien fonctionné, personnellement, avec Fabien Galthié ?

C’est simple. Avec Fabien, j’ai eu en équipe de France l’échange que je n’avais pas eu avec lui à Toulon. À vrai dire, je n’ai pas reconnu le même Fabien. Il le sait. Le fait qu’il ait changé, qu’il ait davantage l’envie de dialoguer avec ses joueurs, c’est ce qui fait que ça a marché.

Quand avez-vous pris votre décision de mettre un terme à votre carrière internationale ? Était-ce une évidence, au regard de votre âge ?

Depuis l’an passé, je pensais arrêter après la Coupe du monde si je faisais partie du groupe. Je sais que, physiquement, certains apporteront plus que moi à l’avenir. Je ne sais pas combien de temps encore j’aurais pu tenir le rythme club + équipe de France. Je n’y serais pas parvenu longtemps, à mon avis. Au niveau de la famille, aussi, ça représente beaucoup de sacrifices et d’absences, ce dont les gens ne se rendent pas forcément compte.

Après onze ans, cela va vous laisser un vide, tout de même…

Je l’appréhende un peu. Disons que quand viendra le Tournoi, ça va me faire bizarre de me dire que c’est vraiment fini, de ne pas attendre que le téléphone sonne. Mais je suis content, j’ai fait mon temps et j’ai vécu de bons moments. Je vais pouvoir me donner à 100 % avec le club.

Votre ami Uini Atonio a aussi tiré sa révérence. Son absence, aussi, va peser à l’avenir…

Uini a encore prouvé, sur ce Mondial, qu’il est à son meilleur niveau. Ça va être dur de le remplacer. Des piliers avec un tel physique, il n’y en a pas d’autres. Au-delà de ça, il avait acquis énormément d’expérience, il sait tout faire sur le terrain et il s’était affirmé comme un des meilleurs au monde en mêlée fermée. Mais la relève va venir.

Romain Taofifenua et Uini Atonio ont pris leur retraite internationale.
Romain Taofifenua et Uini Atonio ont pris leur retraite internationale. Icon Sport - Icon Sport

On imagine que le fait de terminer ensemble a, en quelque sorte, facilité la chose…

Oui, c’était top de finir tous les deux, on a pu bien profiter de ces derniers moments. Nous avons eu un peu le même parcours, en plus, avec de nombreux allers-retours sous "PSA" et encore par la suite. On en a rigolé.

À votre poste, Emmanuel Meafou va entrer en jeu. Quel est votre regard sur cet alter ego ?

C’est énorme qu’il puisse jouer, enfin. Et, sans mentir, j’aurais bien aimé qu’il fasse la Coupe du monde pour voir ce qu’il aurait pu amener à notre équipe. Il est attendu et il est jeune mais il va rapidement être important. Je suis convaincu qu’il va vite gagner la confiance du staff. Il y a aussi Posolo Tuilagi qui ne va pas tarder à arriver. Les deux ensemble, ça va faire des ravages.

Comment voyez-vous l’avenir pour les Bleus ?

Le groupe est encore jeune et a déjà acquis une grande expérience. Je ne me fais aucun souci pour la suite. Sur le Tournoi, ça va bien tourner, c’est sûr.

Quels bons moments vous viendront en premier au moment de repenser à votre carrière en Bleu ?

Il y en a plusieurs : le grand chelem, l’Afrique du Sud à Marseille l’an passé, les Blacks en novembre 2021…

Même question avec les regrets…

Mon seul regret est de n’avoir disputé qu’une seule Coupe du monde.

Et sur la première phase de votre aventure en Bleu ? Vous étiez le plus grand espoir à votre poste…

J’étais jeune, il me fallait du temps… C’est le destin. Mais je me dis que j’en ai bien profité, surtout ces quatre dernières années. Elles ont été magnifiques.

Vous vous arrêtez donc à 49 sélections…

Oui, 49. J’ai la rage…

Avez-vous fixé une date butoir pour la fin de votre carrière ?

Tout ce que je peux dire, c’est que je vais le faire au feeling. Il n’y a rien de calé. Je me sens encore bien physiquement.

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Les commentaires (5)
CasimirLeYeti Il y a 6 mois Le 23/10/2023 à 12:51

Merci à toi, tu es un roc ! Un vrai bonhomme, bonne route !

Josh15 Il y a 6 mois Le 23/10/2023 à 00:48

Un gars bien, comme tous les joueurs de cette équipe lorsqu'on les découvre. Merci a lui pour sa carrière en EdF !

Kerneckk Il y a 6 mois Le 22/10/2023 à 23:09

Bravo Tao, et merci pour tout ce que tu as donné pour les Bleus