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Coupe du monde de rugby 2023 - France - Afrique du Sud : les sept causes de la défaite des Bleus

Par Jérémy Fadat et Nicolas Zanardi
Publié le Mis à jour
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Avec quelques jours de recul, Midi Olympique a décidé de "se refaire le match". Et si le (re)visionnage fait toujours aussi mal aux têtes, il a tout de même permis de porter un éclairage lucide sur les manques des tricolores et sur certaines de leurs erreurs fatales. Voici le décryptage des sept faits de jeu les plus marquants à nos yeux.

  • À 7 - 0, deux situations mal négociées par Fickou et Penaud

À la 6e, les Bleus menaient 7-0. À la suite d’une perte de balle sud-africaine au centre du terrain, Peato Mauvaka perçait sur une trentaine de mètres jusqu’à la ligne des "22". Le soutien était présent et la libération rapide : Antoine Dupont sortait le ballon, échappait à Kriel et adressait une double sautée à Thomas Ramos. L’arrière transmettait rapidement à Gaël Fickou sur son extérieur. Le centre avançait balle en main mais gardait le ballon plutôt que de servir Louis Bielle-Biarrey en bord de touche. Le Girondin aurait-il gagné son duel avec Kurt-Lee Arendse ? Nul ne le saura mais toujours est-il que la décision de Fickou n’a pas été payante, sa course légèrement rentrante le ramenant vers un Eben Etzebeth qui n’en attendait pas moins. Trois temps de jeu plus tard, Antoine Dupont renversait sur ce même côté. Damian Penaud avait Grégory Alldritt à ses côtés mais optait pour une passe au cordeau pour Thomas Ramos, transmission déviée - vers l’arrière aux yeux de Ben O’Keeffe - par Eben Etzebeth, Pieter-Steph Du Toit se jetant ensuite au sol pour récupérer la balle. L’option la plus simple, celle de servir Grégory Alldritt à hauteur, n’était-elle pas la meilleure ? Le numéro 8, lancé à pleine vitesse, semblait dans une position idéale pour conclure entre les deux avants, avec l’impact qu’on lui connaît. Au revisionnage, cela semble assez évident. À vitesse réelle, ça l’était sans doute moins…

  • Trois essais "sud-af" en moins de 45 secondes

S’il est un regret immense sur la première mi-temps, pourtant dominée dans son ensemble par un XV de France revenu au vestiaire avec un écart de trois points en sa faveur qui ne reflétait pas suffisamment sa supériorité, il est bien d’avoir encaissé trois essais beaucoup trop facilement, dont deux furent transformés. Trois actions sur lesquelles les Boks ont déployé très peu d’énergie pour aller marquer (au contraire de Français qui ont dû s’employer autrement pour finir derrière la ligne). Les défaillances ? D’abord dans le jeu aérien, secteur coupable sur les deux premiers, et la couverture du terrain à la perte du ballon. À la 8e, Vermeulen en grattait un après une charge de Jelonch et Reinach exécutait directement une chandelle, que Fickou ne parvenait à réceptionner. Arendse en profitait pour filer aplatir en coin.Entre la prise de balle de Vermeulen et l’essai, il ne s’est écoulé que… 16 secondes. Dix minutes plus tard, sur une séquence sud-africaine très classique et sans danger apparent, Libbok optait à son tour pour une chandelle.Cette fois, c’est Woki qui cafouillait la réception.De Allende récupérait le ballon et, deux temps de jeu plus loin, marquait. Entre la chandelle et l’essai, il ne s’est écoulé que… 16 secondes. Enfin, à la 26e, la possession était française mais, sur une passe gênée de Dupont, Baille ne parvenait pas à maîtriser un ballon que récupérait encore De Allende. Le jeu rebondissait et Kriel tapait un coup de pied dans le dos de Penaud. Celui-ci était pris de vitesse par Kolbe, qui finissait dans l’en-but. Entre la perte de balle et l’essai, il ne s’est écoulé que… 11 secondes. En clair, et en caricaturant un brin : 19 points pour 43 secondes de possession.Mortel, forcément.

  • La mêlée en mode decrescendo

La scène a surpris tout le monde. À la 37e minute, derrière une mêlée tricolore, Louis Bielle-Biarrey dégageait le camp français avec un long jeu au pied récupéré sans pression par Damian Willemse. Au lieu de contre-attaquer, ce dont il avait largement le temps, l’arrière optait pour un "bras-cassé" et, plus étonnant encore, pour une mêlée. Quelques secondes plus tôt, Steven Kitshoff et Uini Atonio avaient terminé au sol et les Boks avaient visiblement décidé d’insister sur ce secteur pour marquer les esprits avant la pause. Bien leur en a pris car, sur la poussée, Frans Malherbe poussait Cyril Baille à la faute. Si cette pénalité n’a pas eu de conséquence directe, elle a amorcé la domination springbok dans l’épreuve de force (7/8 sur leurs introductions contre 5/9 pour les Bleus). Au fil des minutes et des changements, l’ascendant devint criant et prépondérant.

  • Une attaque piégée pendant la supériorité numérique

La veille de ce France-Afrique du Sud de sinistre mémoire, les Néo-Zélandais avaient déjà joué un drôle de tour aux Irlandais, en optant pour une défense en "total contrôle". Coup stratégique que les Springboks ont repris à leur compte 24 heures plus tard (alors que les Bleus s’attendaient à une défense en rush bien plus agressive sur les extérieurs) et qui a pris tout son sens pendant les 9 minutes de supériorité numérique consécutives au carton jaune d’Etzebeth. Jamais, durant cette période, les Bleus ne sont parvenus à trouver les solutions face à cette défense sud-africaine qui montait en pointe sur le premier porteur grâce à ses "voltigeurs", avant de coulisser à merveille sur les extérieurs. De quoi semer le doute dans les esprits bleus ? Précisément. C’est d’abord au nom de ce doute que Jalibert tergiversa à la 41e, avant de taper un coup de pied rasant (contré) qui ne s’imposait pas. Puis, à la 43e, c’est Penaud qui gâcha un temps fort consécutif à deux offloads dans l’axe signés Ollivon puis Mauvaka, en commettant un en-avant en position de premier receveur, sous la pression sud-af (où il se retrouva étrangement à plusieurs reprises). Même cause et pratiquement mêmes effets à la 45e, lorsque Mauvaka fut pris en même temps que le ballon par Kriel, prélude à un contest gagnant de Kitschoff.

Mais le comble fut probablement atteint à la 48e, au bout d’une action pourtant parfaitement lancée par Jalibert d’un crochet intérieur orné par un offload pour Ollivon. Malgré une transformation rapide, la défense springbok réussit à compenser son retard en glissant tandis que Ramos, qui avait lui aussi hésité à pousser le ballon au pied, perdit la balle au contact. Dans la continuité, après le dégagement sud-africain, Penaud et Mauvaka parvenaient enfin à déborder la défense sud-africaine. Sauf que, sur le retour, c’est cette fois Jalibert qui commit le mauvais choix en passant les bras pour Jelonch, alors que Kriel était pour une fois monté en pointe, et que le « bridge » Ramos/Bielle-Biarrey s’était mis en place, prêt à jouer avec Fickou un 3 contre 1 d’école sur le seul Faf de Klerk, dans un couloir de 30mètres. Au lieu de quoi, c’est Du Toit qui se fendit d’un énième contest sur Jelonch, lequel coïncidait avec la fin de la période de supériorité bleue…

  • Jalibert et Ramos, deux "dévissés" qui coûtent cher

À la 56e, alors que les Sud-Africains commençaient à inverser la pression et à placer leur emprise sur ce match, la France obtenait une pénalité à l’entrée ses 22 mètres grâce à un grattage de Mauvaka. Le coup de pied de Jalibert, avec lancer à suivre, allait offrir de l’air… Sauf que l’ouvreur trouvait une touche derrière lui, sur ses 15 mètres. Il avait totalement dévissé son dégagement, preuve déjà d’un état de fatigue avancé qui favorisait une perte de lucidité… L’action était sans conséquence directe mais elle obligeait à passer par d’autres temps de jeu pour se dégager et à rendre la possession à l’adversaire. Ensuite, à la 75e, les Bleus n’étaient menés que d’un point et, après un drop-goal raté de Kolbe, bénéficiaient d’un renvoi aux 22 mètres.Jalibert sorti, Ramos s’en chargeait. Mais lui, non plus, n’avait plus grand-chose dans les chaussettes. En forçant un peu son geste, il envoyait le ballon directement en touche. Un manque de précision rare chez lui… Les Tricolores devaient repasser par une séquence défensive sous leurs poteaux pour récupérer le ballon, trois minutes plus tard, en y ayant encore laissé de l’énergie.

  • Jalibert "isolé" face à Etzebeth

63e minute, assurément un des tournants majeurs de la partie. À la huitième phase d’une séquence à l’approche des "22" springboks, Charles Ollivon tentait de prendre l’extérieur mais trébuchait sur une cuillère de Faf de Klerk. Au sol, le troisième ligne commettait un en-avant. Sur la mêlée, les Boks obtenaient l’avantage et décidaient de le jouer. Jesse Kriel perçait au centre, Handre Pollard était au relais et Damian de Allende avait l’intelligence de taper dans le champ profond, obligeant Antoine Dupont à un repli des plus périlleux. Sans autre soutien que Louis Bielle-Biarrey et sous la pression de deux Sud-Africains, le demi de mêlée était pénalisé. Les champions du monde jouaient à la main et enchaînaient les pick and go jusqu’à ce que Eben Etzebeth soit décalé sous les poteaux. Le numéro 4 chargeait en ciblant Matthieu Jalibert. Si l’ouvreur n’avait pas le réflexe de plaquer très bas et ne parvenait en conséquence pas à empêcher le géant de s’étaler dans l’en-but, il ne "s’enlevait" pas pour autant.

L’interrogation porte davantage sur le manque de circulation des troisième ligne Alldritt et Ollivon (demeurés dans le côté fermé), mais aussi sur l’attitude du centre Gaël Fickou, réputé bon défenseur sur l’homme et présent à l’intérieur de son ouvreur, mais qui n’a pas franchement démontré sur sa montée la détermination qu’on pouvait attendre d’un «capitaine de défense». Les Sud-Africains auraient peut-être fini par marquer à l’usure mais ce nouvel essai trop facilement concédé sous les poteaux – avec une transformation aisée – a pesé très lourd dans la balance.

  • Coaching perdant et banc peu impactant

Clairement, le turnover effectué en deuxième mi-temps fut à l’avantage des Boks.C’est avec cet apport, qu’ils ont retourné le scénario de ce match.Parce que l’équilibre entre leur XV de départ et leurs remplaçants (sujet qui a animé la semaine) était volontairement plus cohérent. Et parce que chaque "finisseur" avait un vrai rôle à jouer, comme De Klerk et Pollard pour gérer la fin de rencontre. Avec Fourie, entré comme flanker avant de glisser au talonnage, ou certains protocoles commotion (avérés évidemment) en troisième ligne dans le second acte, ils ont finalement su transformer leur fameux "5-3" (cinq et trois trois-quarts) en un quasi "6-2".Ceci quand le banc français a nettement manqué d’impact, d’autant que l’équipe ayant terminé fut marquée par le sceau du bricolage (Ramos en 10, Moefana à l’aile, Bielle-Biarrey à l’arrière). Fallait-il effectuer un coaching différent ? Sûrement, tant l’équipe a semblé fatiguée et tant elle a souffert de certaines sorties. Et opter pour une autre composition ? Facile à dire, mais peut-être, oui. Par exemple, Cros aurait été utile d’entrée dans la répétition des tâches, tandis que Jelonch aurait pu amener une puissance décisive dans les ultimes minutes.Mais il est bien trop tard…

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Les commentaires (32)
GSone1 Il y a 6 mois Le 24/10/2023 à 19:47

Les raisons de la défaite sont loin en amont. Une edf qui, en 4 années et un stage longue durée, ne possède pas de plan de jeu, pas d'identité, pas de personnalité, et qui, comme le dit Hansen, "ne joue pas au rugby".

Lacouoste Il y a 6 mois Le 20/10/2023 à 23:50

5 erreur de ne pas remplacer Dupond qui a fait quelque chose de surhumain

Lacouoste Il y a 6 mois Le 20/10/2023 à 23:48

Bonne analyse mais 1 faiblesse structurelle des deux piliers remplaçants 2 erreur de ne pas faire appel à des costauds sans état d'âme chalureau ( sous utilisé pour des raisons extra sportives par un staff qui fait quand même un peu de politique...3 indigence de Fickou dont cette défaite devrait marquer la fin de sa carrière internationale ...et on laisse Gailleton à la maison