Lacroix : "Comme le dit Boudjellal, je suis une pleureuse. Et je l'assume pleinement"

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TOP 14 - Alors qu'il présentait ses vœux ce mardi matin et qu'il dressait le bilan des derniers mois, le président du Stade toulousain Didier Lacroix est évidemment revenu sur l'actualité de son club, touché de plein fouet par la crise. Il en a profité pour expliquer pourquoi il était régulièrement monté au front pour réclamer des aides.

Que souhaiter au Stade toulousain pour 2021 ?

Notre premier vœu, c'est de rouvrir les stades. Le Stade toulousain veut exercer son vrai métier, qui est de faire venir les foules. Au-delà de l'aspect économique, on souhaite retrouver le lien social qui existe autour des matchs. Le public nous manque, ces instants nous manquent et on a envie de revenir à la normalité les jours de match. Quand ce sera le cas, je crois qu'on va les apprécier encore plus fort.

L'aspect économique est tout de même primordial dans ce contexte, et vous l'avez beaucoup abordé ces derniers mois. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Comme le dit mon ami Mourad Boudjellal, Didier Lacroix est une pleureuse. Malheureusement, tout aussi agitateur qu'il est, il y a toujours un fond de vérité quand il parle, et il a raison. Je m'en rends compte. Oui, j'ai pris ce rôle et je l'assume pleinement. À tort ou à raison, peu importe, pour illustrer les difficultés économiques autour du monde du rugby. Elles sont symbolisées par un club comme Toulouse qui est dans l'économie réelle et pas suspendue, à ce jour en tout cas, à un actionnaire de référence.

Est-ce la raison pour laquelle vous êtes en première ligne ?

C'est plus facile d'aller voir monsieur le Premier Ministre, la ministre déléguée aux sport, notre ministre de référence ou l'ensemble des institutions, avec les gens de la Ligue qui font beaucoup de boulot sur ce sujet, avec le président du Stade toulousain qui explique, à travers des interviews, la situation dans laquelle se trouve son club. C'est plus simple de parler du Stade toulousain que de n'importe quel autre club. Donc, oui Mourad, je l'avoue, je n'ai pas arrêté de chialer en 2020 mais il me tarde que ça s'arrête justement. Je ne le fais pas de gaieté de cœur mais par réelle nécessité.

Pouvez-vous donner des détails sur cette nécessité ?

Notre économie, c'est d'être autonome et de ne pas avoir recours à beaucoup d'argent public, de ne pas peser dans les impôts des contribuables. Or, dans la période que nous traversons avec une billetterie, un partenariat et des ressources absentes autour de la venue du public, cela nous oblige malheureusement à pleurer sur notre sort et d'être le plus concret possible. Je vous invite à prendre conscience de la particularité de la Covid qui se partage sur deux saisons. Il y a la saison 2019-2020 mais également celle 2020-2021.

C'est-à-dire ?

Oui, pour la saison 2019-2020, un grand merci à l’État d'avoir prévu des mesures dans la plus grande urgence. Les compétitions se sont arrêtées et on a eu recours au chômage partiel, pour nos joueurs notamment, à des exonérations de charges. Et on a eu aussi des abonnés et des partenaires qui nous ont, pour une grande partie, laissé l'ensemble des sommes versées au titre de la saison 2019-2020. Grâce à tout cela, on a équilibré cet exercice.

Et pour 2020-2021 alors ?

On pensait réellement repartir dans une saison avec, je rappelle les conditions de l'été, des jauges encore à 5000 jusqu'à fin août avant de revenir à la normale. On avait prévu les choses avec une inquiétude du public et des partenaires. Voilà pourquoi notre première action a été de diminuer la masse salariale, car les joueurs ont accepté une baisse de salaire. On s'apprêtait à jouer le numéro d'équilibriste. Puis la jauge à 5000 a été prolongée jusqu'à nouvel ordre. On a effectivement commencé à pleurer. Pourquoi ? Parce qu'on avait prévu de jouer tout en assumant la baisse des partenariats, des abonnés et du public. Mais pas au-delà, dès lors qu'on nous empêche de mettre des gens dans les stades.

Vous faites référence au huis clos...

Nous sommes passés de 5000 à 1000 puis au huis clos. Il n'y a pas de secret. Relisez ce qu'on disait en mars ou avril : si on reprend et si on ne peut pas mettre du public dans les stades... Soit on ne joue pas, soit ça ne sera pas viable. On a choisi de jouer. Le monde télévisuel et les spectateurs sont ravis car le contenu rugby continue à exister. Mais j'ai levé le doigt pour dire : "Je veux bien continuer à jouer mais l'économie est très simple : la masse salariale des joueurs représente 70% des charges, ils ont fait un effort mais, pour jouer, il faut les payer." Pour jouer, il faut entretenir les stades et conserver 85 % de nos charges. En face, on ne maintient que 40% des recettes. Là, ce n'est pas possible. Voilà pourquoi on se tourne vers l’État. Si vous voulez qu'on continue à tenir notre rôle de divertissement, nous en sommes ravis mais la réalité, c'est celle-ci.

Et donc ?

L’État a été sollicité depuis le mois de septembre. Nous avons un accord de principe et défini un paramètre d'attribution des subventions. Elles n'ont pas encore été versées et nous connaîtrons le montant, ainsi que le premier versement de 70% de cette somme, incessamment sous peu. Les 30% restants devraient être donnés à la clôture de l'exercice 2020-2021, avec vérification exhaustive de l'ensemble de nos comptes et de nos déclaratifs. Mais, entre-temps, l'ouverture des stades n'a pas repris au 15 décembre comme on l'espérait. On prend acte mais la pleureuse relève le doigt pour demander comment on fait à partir du 1er janvier. J'en suis le premier désolé mais je n'arrête pas d'être sur ces demandes successives d'aides de l’État.

Avez-vous le sentiment d'être entendu ?

La réponse est oui, sur la volonté de comprendre que c'est compliqué et qu'il faut faire preuve de résilience. La difficulté, c'est de faire face aux problèmes de trésorerie. Le PGE (Prêt Garanti par l’État) nous a donné une bulle d'oxygène supplémentaire et nous permet d'attendre. Mais on est au 20 janvier et concrètement, sur notre compte bancaire, on n'a pas perçu ces aides. On comprend que la difficulté est certainement sur d'autres sujets. Parfois, il y a un peu plus d'agacement mais j'ai confiance sur l'accompagnement de l'Etat parce qu'on le voit au niveau national. Le "quoi qu'il en coûte", s'il est réalisé tel qu'il a été annoncé, nous permettra de tomber dans une zone de difficulté gérable. Un non accompagnement de l’État nous aurait plongés dans une situation plus que gravissime puisqu'on se dirigeait vers plus de 10 millions d'euros de déficit dans une économie comme la nôtre.

Quel est l'état des pertes aujourd'hui et quel est le montant de l'aide que vous attendez ?

La déclaration des pertes à l’État pour le Stade toulousain est 7,2 millions d'euros pour la période allant d'août au 31 décembre. Vous pouvez faire le calcul sur l'ensemble de la saison. A ce jour, sous confirmation des critères d'attribution, un club comme le nôtre est susceptible de percevoir une subvention de l'ordre de 55% du préjudice déclaré. Je vous laisse chiffrer.

Certains joueurs ont prolongé leur contrat au club et Toulouse vient de recruter Juan Cruz Mallia comme joueur supplémentaire. Comment faire les arbitrages dans le contexte actuel ?

J'entends certains dire : "Comment Didier Lacroix peut pleurer dans les journaux en disant que le club pouvait être en cessation de paiement et même temps prolonger des joueurs et continuer le recrutement ?" Le premier recrutement, c'est de garder nos joueurs et de conforter notre formation. Mais recruter un joueur extérieur, c'est le pari d'un chef d'entreprise. Entretemps, on a sollicité un deuxième PGE, de l'ordre de 5,3 millions d'euros, qui a été accepté. Il nous permet de ne pas être en cessation à cet instant. Il y a deux façons de voir les choses. Soit, tant qu'on n'a pas de visibilité, on arrête tout et l'effectif va fondre comme neige au soleil si on ne renouvelle pas les joueurs pour être compétitif. Soit, on prend notre ligne avec pour objectif d'aller chercher la vie d'après. Honnêtement, je ne sais pas encore comment on va construire le budget 2021-2022. J'ai demandé de ne pas communiquer sur les prolongations qui sont blessantes entre un discours de danger immédiat et un autre d'avenir qui est le nôtre. Nous travaillons sportivement sur les saisons prochaines parce qu'on compte bien que les pleurnichages servent à quelque chose et surtout qu'il y aura un après où on remplira les stades. On va se battre encore pour avoir un Stade toulousain compétitif avec de bons joueurs, qui essaye de régaler l'ensemble du public.

Pourriez-vous procéder à de nouvelles baisses de salaire pour les joueurs ?

On n'exclut pas, si la situation actuelle perdure, une autre négociation avec les personnes concernées. Mais je ne veux pas répondre à leur place.

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