La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert, Pierre Villepreux, estime que les nations du Nord ne doivent pas restreindre leur jeu malgré une mauvaise tournée de novembre. Il se réjouit d'ailleurs de la victoire des Gallois sur l'Australie et du titre de meilleur joueur de l'IRB de Sha

En rugby, il est préférable de gagner, cela permet de vivre au quotidien plus tranquille et serein et ne pas s"encombrer l"esprit avec des soucis en suspens.

La suprématie de l'hémisphère sud durant cette tournée d'automne peut effectivement inquiéter les responsables techniques des différentes nations européennes.

Comment évoluer ? Vers quel jeu ? Voilà l'obstacle qui se pose de manière cruciale aux Anglais, mais aussi, même si c'est de manière moins péremptoire, à la France, l'Irlande, l'Ecosse et l'Italie. Bien sûr, il faut alors accepter de valoriser la performance galloise qui a évité au Nord une cuillère de bois collective inquiétante. Cette victoire galloise est d'autant plus intéressante que le jeu produit y compris contre les Blacks a été de grande qualité. Quels que soient leurs adversaires, les Gallois ont produit beaucoup de jeu, ce qui prouve s'il en était besoin que la lutte pour accéder à la victoire et au spectacle n'est pas une lutte perdue. Gatland, l'entraîneur du Poireau,après la défaite contre les All Blacks, aurait pu changer de jeu et de style. Au contraire il a opté pour un jeu encore plus ambitieux.

Un entraîneur doit avoir des convictions par rapport au jeu qu'il souhaite. Il doit écouter sa petite voix intérieure, celle qui lui souffle contre vents et marées qu'il est dans la bonne direction même si c'est contre l'avis des autres. La richesse du rugby, dans sa diversité réglementaire, c'est de pouvoir offrir aux joueurs un grand nombre d'options tant tactiques que techniques ou stratégiques. Celles-ci ne peuvent émerger que dans le jeu total et dans l'alternance intelligente de toutes les formes de jeu, ceci afin d'éviter que les formes choisies ne soient pas isolées mais répondent bien au pourquoi de leur utilisation.

Cela réclame bien sûr patience et générosité. Il est plutôt sympa de voir Shane Williams être récompensé comme meilleur joueur mondial par l'IRB. Cela prouve que la fameuse charte, édictée depuis des lustres qui stipule que le jeu de rugby est fait pour toutes les tailles et tous les physiques ne nécessite pas d'être révisée. Il est bien de reconnaître le talent des artistes du jeu en lieu et place d'automates. Créer et former ce type de joueur constitue une bien belle récompense pour ceux qui ont su conserver à Shane Williams sa liberté pour entreprendre, oser, risque , s'adapter, en sachant le tenir éloigné d'une vision trop obsessionnelle du résultat qui, croit-on trop souvent, ne pourrait être atteint que dans un cadre tactique et stratégique réducteur limitant les actions de jeu à risques.

C'est le moment. A trois ans de la prochaine Coupe du monde, il convient de tenter de réaliser le jeu souhaité. Si le style recherché - comme pour la France - doit, pour se mettre en place, passer par un jeu qui privilégie en tout cas favorise l'audace, alors il faut s'y lancer et le plus vite sera le mieux. Ce qui veut dire aussi qu'il convient de donner des consignes par rapport à des objectifs de jeu et non des directives en terme de consignes d'exécution.

Pourquoi un jeu adaptatif serait il en contradiction avec le rendement donc la performance ?

Y a t'il un point de rencontre entre les deux ? Evidemment, ma réponse est oui. Le problème est bien connu. Dans l'étape terminale du processus de formation du joueur, je parle de celle de son perfectionnement, se font jour des désaccords entre les objectifs de la formation qui recherche un jeu épanoui et l'exigence de résultats. Ce contexte bloque les entraîneurs, y compris ceux qui souhaiteraient aller plus loin, et à terme contraint le collectif à la mise en oeuvre de tâches plus ciblées et répétitives qui se veulent plus précises, mais qu'il sera difficile de modifier ultérieurement. En tout cas les réactions, les décisions et conduites des uns ou des autres en seront modifiées.

L'effort de mise en place d'un jeu adaptatif n'a de chance de se mettre en oeuvre que s'il est soutenu dans le temps par un volume de jeu en mouvement suffisant, qui soumet le joueur et le collectif à une réflexion mentale continue indispensable pour créer un jeu harmonieux et de plus en plus stabilisé.

Vive le tournoi 2009 !

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