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Top 14 - Selevasio Tolofua (Toulon) : "Le spécialiste m’a dit : le rugby, c'est terminé"

Par Rugbyrama
  • Selevasio Tolofua a rejoint son frère Christopher sur la rade toulonnaise
    Selevasio Tolofua a rejoint son frère Christopher sur la rade toulonnaise - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À 26 ans, après plusieurs mois de galère liés à de graves soucis à une hanche, l’international français (2 sélections) Selevasio Tolofua s’est confié en longueur sur ses doutes, son arrivée à Toulon, et ses retrouvailles avec le Stade Toulousain, ce samedi soir. Des mots forts entrecoupés de nombreux rires.

Comment s’est passée votre adaptation à l’environnement toulonnais ?

Je suis arrivé avec un côté réservé, mais mon côté vivant est vite revenu. J’aime rigoler, je suis un clown qui apprécie les conneries. Quand je connais les gens, que je me sens bien, je suis un mec marrant. Je commence à bien me sentir dans ce groupe et dans ce club. J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation. J’avais uniquement connu Toulouse, j’allais à l’entraînement depuis des années avec les mêmes personnes. Il a fallu appréhender un nouvel environnement, une nouvelle culture, un ADN différent. Je m’adapte encore, mais je me régale à Toulon. Au début, je voulais emmagasiner les informations, maintenant, ça y est… Les barrières avec les autres sont tombées !

Vous avez changé de club pour la première fois. Comment appréhendez-vous le fait d’être le nouveau du club ?  

Quand on vient te chercher, tu as envie de te donner à fond et de rendre la confiance accordée. J’ai vécu 17 belles années à Toulouse. On a beaucoup gagné, tout s’est bien passé. C’était un groupe d’amis, j’ai grandi avec beaucoup de mecs de cet effectif. J’ai senti, après ces bons moments, le besoin d’avoir un nouveau challenge. Je suis venu pour jouer avec mon frère, découvrir une autre facette du rugby. C’est différent, mais très cool !

Vous avez évoqué la découverte d’un "ADN différent". Qu’est-ce qui vous a surpris à Toulon ?

Pas grand-chose. Mais ici, les gens aiment que ça tape (rires). On le ressent directement. La ferveur est belle, c’est un rugby où il faut protéger la forteresse. On représente plus qu’une ville, nous représentons une région avec ses villes et villages. On se sent proche des gens. C’est différent de Toulouse, et c’est en ça qu’il faut emmagasiner toutes les informations. J’ai apprécié baigner dans le rugby toulousain, mais il était temps de voir autre chose. Ici, je me plais. Les gens aiment le combat, et ça me rend meilleur de découvrir un rugby à la culture différente. Pierre (Mignoni, NDLR) a fait comprendre à toutes ses recrues où nous avons mis les pieds. Maintenant, c’est à nous de nous imprégner de ça.

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La pression glisse-t-elle sur vos épaules ?

On ne va pas se mentir, elle y était. C’est normal, c’est tout nouveau. Mais c’est un stress qui est mélangé avec de l’excitation. Je veux apporter à Toulon. J’amène un profil différent de ce que le club avait. J’ai des qualités, mais il faut les mettre au service de l’équipe. Dans le quotidien, je veux apporter de la joie de vivre. Après l’opération de ma hanche, j’ai envie de me rebouger. C’est un nouveau départ. D’un point de vue émotionnel, ces derniers mois, ça a été les montagnes russes. Je ne savais pas trop où j’allais en être par rapport au rugby. Il me tardait de venir pour relancer la machine. Après ces galères, je veux m’amuser.

Expliquez-nous ces "montagnes russes"…

Pendant cinq ans, j’ai joué avec de l’arthrose dans la hanche. J’en ai toujours d’ailleurs. On a évoqué le fait de me poser une prothèse. C’est rare à seulement 26 ans ! C’est même fou. Le projet de base, ce n’était pas que je puisse rejouer au rugby. Finalement, tout s’est bien déroulé lors de la rééducation. J’ai pu revenir, et je suis à 100% dans la vie quotidienne. Je suis allé voir un spécialiste, car c’était devenu handicapant dans la vie de tous les jours. Maintenant, je revis !

Cette blessure aurait-elle pu réellement vous causer une retraite anticipée ?

En février, à la suite d’un examen, un spécialiste m’a dit : "Le rugby c'est terminé." Après, on a posé les choses. Je lui ai directement signifié que j’avais envie de continuer à jouer au rugby. On a fait une opération. On ne savait pas si ça allait tenir. Finalement, ça tient.

J’aime ce sport et je n’étais pas prêt à passer à autre chose.

On ne vous a jamais entendu le dire aussi concrètement…

(Sourire) Je n’ai pas besoin de le crier sur tous les toits. Maintenant, je peux vous dire que le rugby s’était quasiment terminé. Heureusement, mes proches et Toulouse ont été présents à mes côtés. Je suis reboosté, car je peux utiliser ma hanche. Comme tous les sportifs, j’ai trop serré les dents pendant des années. On joue tous avec des petits bobos, mais ça m’a vraiment impacté dans la vie quotidienne. C’était devenu trop difficile.

Quelle a été votre réaction au moment d’entendre les mots du spécialiste ?

J’étais perdu. C’était dur au moment de l'annonce. J’aime ce sport et je n’étais pas prêt à passer à autre chose. On a trouvé cette solution. J’ai eu de la chance d’avoir une dernière option avec l’opération. Aujourd’hui, je relativise beaucoup plus sur la vie. J’apprécie tous les moments de ma carrière. Nous sommes des privilégiés.

Avez-vous pensé à une reconversion ?

Je ne me suis pas projeté. Quand j’ai dit au spécialiste que je voulais jouer, je savais au fond de moi que ça allait le faire. Je savais que ma carrière n’était pas finie. J’y ai toujours cru. Pour que ça se passe bien, il fallait être positif dans la tête. Mais oui, ça a été très dur d’entendre qu’il fallait penser à la retraite. J’ai eu des moments de très bas, ça aurait été pareil pour tous les autres sportifs. C’est dur d’entendre qu’on va t’enlever la chose qui te rend heureux depuis tout petit. À partir du moment où l’opération était possible, j’ai repris espoir. Je suis le seul rugbyman à jouer après ce type d’opération. Je suis le premier patient (rires). Normalement, on fait cette opération vers 30 ans ou plus, puis on s’arrête de jouer.

En quoi consistait l’opération ?

On m’a lissé l’os de la hanche, on m’a fait un trou et remboîté le tout (sourire). J’avais une bosse sur la hanche à force que deux os se frottent. La bosse est devenue de plus en plus grosse. Je n’ai plus du tout de cartilage. Honnêtement, je me sens vraiment mieux. Je sais que ça reste une bombe à retardement, ça finira par regonfler avec les frottements liés au rugby. Je sais que je ne vais pas pouvoir échapper à la prothèse d’ici quelques années (rires). 

Avez-vous eu quelques idées noires durant cette période ?

Je dirais plutôt que ça m’a mis un coup. Je suis resté avec mes proches et mes amis. Toulouse a mis en place des choses autour de moi pour m’aider. J’en serai toujours reconnaissant. J’ai fait ma rééducation en même temps que Jérôme Cazalbou. Il s’est fait poser une prothèse… On a beaucoup ri ensemble, parce qu’on n’avait pas vraiment le même âge pour se retrouver au même endroit (rires). Il me chambrait un peu. J’ai également vécu ma rééducation avec Yannick (Youyoutte, NDLR). Il s’est fait opérer du pied. À Capbreton, notre amitié s’est renforcée. Je salue tous les gens qui m’ont accompagné là-bas ainsi qu’à la Clinique Médipole. Ils ont tous été incroyables. La bienveillance s’est poursuivie à Toulon. Le club ne m’a pas pressé, et ils ont su prendre soin de moi.

Selevasio Tolofua sous les couleurs toulonnaises face à Oyonnax
Selevasio Tolofua sous les couleurs toulonnaises face à Oyonnax


Cette période a-t-elle fait ressortir une leçon personnelle ?

On était vraiment proche de m’enlever cette vie de rêve, et les émotions partagées avec les copains. Je me suis juré de plus apprécier tous les moments vécus dans le rugby. C’est une vie énorme, il faut s’en rendre compte. Aujourd’hui, je peux vous dire que ça va vite. Quand ça va mal, tu sais sur qui tu peux compter. Maintenant, je joue, ça tient, et je me régale !

Les douleurs ont-elles totalement disparu ?

Lors de la première semaine à Toulon, il y a eu une mauvaise réaction. J’ai un peu douté, mais on a pris le temps de renforcer mon corps pendant deux semaines. J’ai eu des petites inflammations. On a travaillé pour que je puisse renforcer les muscles autour de ma hanche. Le fessier peut protéger les chocs, il faut aussi faire beaucoup de gainage. Les frottements et les impacts continuent à me faire des calcifications. C’était aussi peut-être un petit contrecoup du fait que j’ai eu la volonté de reprendre plus tôt avec Toulouse. J’avais envie de jouer mon dernier match à Ernest-Wallon et de vivre les dernières phases finales avec mes amis du Stade Toulousain. J’ai pu participer à la demi-finale et à la finale ! C’est assez fou parce qu’on m’avait dit que c’était fini en février (rires). J’ai arrêté la rééducation, mais ça valait le coup.

Cette fois, vous allez être de l’autre côté…

J’ai coché la date depuis la sortie du calendrier (rires). C’est un beau cadeau de Noël ! Les Toulouse – Toulon, tu coches toujours la date que tu sois d’un côté ou de l’autre. Ce sont des matchs que tu attends, ça se joue au Vélodrome ou au Stadium. C’est une affiche du championnat ! Malgré la fin du bloc, il faut continuer à tenir tout en repoussant la fatigue.

Avez-vous déjà joué contre Toulouse, lors d’un tournoi pendant vos jeunes années ?

 Jamais ! J’ai commencé le rugby à Marcq-en-Barœul. Mes frères et mes cousins ont déjà joué contre le Stade, mais ça ne m’est jamais arrivé. Il faut bien une première à tout (sourire). Toulon sera attendu. Je le sais. Il faut y aller avec l’envie de se régaler. Il y a un super groupe, avec de bons joueurs et de bons mecs. Toulon a déjà eu un titre l’an dernier. Il faut poursuivre dans le même sens pour permettre au club de retrouver de l'engouement. Si on prend du plaisir, la marche en avant va se poursuivre. Il n’y a que des gros joueurs. Samedi, j'en suis certain : ça va être un grand match.

Vous êtes particulièrement proche de Mauvaka. Avez-vous un petit message à lui faire passer ?

On a grandi ensemble avec Peat’. On a tout vécu et on a tout gagné. Je suis heureux de voir qu’il est devenu un des cadres de l’équipe de France. J’aborde ce match face à Toulouse avec du recul. Je suis sûr qu’on va s’envoyer quelques messages dans la semaine. À l’époque, je le faisais déjà avec Chris (Christopher Tolofua, NDLR). Pour le coup, il est mon frère de sang (rires) . Peat’ le sait, ce ne sera pas l’heure des cadeaux. J’espère pouvoir rejouer avec lui. Ça fait du bien de pouvoir se projeter. Je peux maintenant vous le dire : je veux et je vais faire encore plusieurs années de haut niveau. Si vous savez… Ça fait du bien de parler comme ça !  

Le haut niveau, c’est aussi le XV de France…

Les Bleus sont dans un coin de ma tête. Si je suis bon avec Toulon, je sais que je peux espérer y retourner. L’an dernier, il n’y a pas de regret. Je n’ai pas joué, je n’ai pas été très bon. Je ne pouvais pas jouer normalement avec ma hanche. Pour la coupe du Monde, il fallait prendre les meilleurs. Il faut être honnête, je ne faisais pas partie des meilleurs. Je savais que je n’allais pas y être. Depuis la tournée d'été au Japon en 2022, je n’ai pas eu la chance d’y retourner. Maintenant que je suis revenu à fond, il faut que je me montre pour pouvoir espérer retoquer à la porte.  

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