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Coupe du monde de rugby 2023 - Ecosse - Irlande, mon voisin le tueur

Par Vincent Bissonnet
  • Mack Hansen et les Irlandais à la recherche de la première place du groupe.
    Mack Hansen et les Irlandais à la recherche de la première place du groupe. PA Images / Icon Sport
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Sauf scénario improbable, il n’en restera qu’un, samedi soir. Le choc Irlande-Ecosse promet d’être fratricide. Le XV du Chardon, en ballottage défavorable, devra réaliser un exploit historique pour écarter le numéro 1 mondial qu’il n’arrive plus à battre.

De Port Elizabeth jusqu’à Inverness en passant par Cork, et un peu partout ailleurs sur la planète rugby, les regards seront tournés vers le Stade de France, samedi soir, où se tiendra le choc des voisins celtes, à la fois si proches et si éloignés, séparés par un bras de mer de 20 km et par tant d’autres choses.

Tous les suiveurs ne le verront pas du même œil, selon leur lieu de domiciliation. Dans l’Hexagone, les amateurs seront tout simplement curieux et impatients de voir ce que peut donner le plus clinquant des officieux huitièmes de finale de la fin de la phase de poules entre les numéros 1 et 5 mondiaux, dont l’issue déterminera, qui plus est, l’adversaire des Bleus en quarts de finale. Depuis l’Afrique du Sud, les supporters des Boks scruteront cette lutte à distance avec un intérêt teinté de méfiance : les champions du monde, dont le premier tour s’est conclu dimanche soir dernier, attendent encore d’être fixés sur leur classement final. Ils peuvent terminer premiers (et hériter de la Nouvelle-Zélande), deuxièmes (l’option la plus probable, avec un quart attendu face à la France)… et même troisièmes. Improbable ? Peut-être, mais plausible tout de même.

Un seul cas de figure les éliminerait : une victoire bonifiée du XV du Chardon par au moins 21 points d’écart avec un bonus, quel qu’il soit, pour la bande à Sexton. Si les complotistes de la nation arc-en-ciel y trouvent matière à ruminer, Jacques Nienaber n’ose même pas y penser : "Si je crois qu’ils pourraient se mettre d’accord pour avoir un certain écart de points et sortir l’Afrique du Sud ? J’espère que non. On appelle ça un match arrangé, et je n’y crois pas. Ça serait très décevant, n’est-ce pas ?" Toujours est-il que, par-delà les théories les plus fumeuses et nauséabondes, l’hypothèse existe. Et que si Finn Russell et compagnie réalisent une entame tonitruante, elle prendra corps. "Des trois équipes, nous sommes probablement les mieux placés, tout en sachant que nous disposons de deux semaines de repos devant nous, rappelait de son côté à bon escient Rassie Erasmus. Après, peut-être que nous aurons six mois de repos…" La glorieuse incertitude du sport en a déjà surpris plus d’un.

"On aime être dans la peau des outsiders"

Du côté de Glasgow et Edimbourg, l’espoir portera – au moins jusqu’à 21 heures, ce samedi – un peuple dans sa quête d’un exploit à la portée historique et au retentissement planétaire. Non seulement le XV du Chardon doit vaincre la référence irlandaise mais il doit aussi l’emporter en privant son rival de bonus défensif ou en s’octroyant l’offensif. Un défi ultime, en somme. Gregor Townsend, le premier, en est conscient : "Battre l’équipe numéro 1 mondiale, cela n’arrive pas très souvent pour une nation comme la nôtre mais nous avons une opportunité et nous devrons faire de notre mieux."

Battre l’Irlande, non plus, n’arrive pas souvent aux combattants des hautes terres : leur dernier succès remonte au 4 février 2017, 27 à 22, à Murrayfield. Ce jour-là, Vern Cotter était encore sélectionneur, Stuart Hogg, auteur d’un doublé, leur meilleur joueur et Greig Laidlaw, leur buteur attitré… Les huit défaites subies depuis l’ont été, en plus, avec un écart moyen de 14 points en faveur du Trèfle. Autres données à même de déprimer les supporters du Chardon : depuis dix ans, leur bilan est de 1-12 et leur plus récente victoire par plus de sept unités dans cette confrontation directe remonte à 2007… Mais toutes les séries s’achèvent bien un jour, non ?

"Je suis conscient que sur les dernières années, nous ne sommes pas arrivés à faire tomber l’Irlande mais ça va bien finir par arriver, cherche à positiver le spécialiste de la défense Steve Tandy. Ce serait énorme que ce soit cette fois-là." Ses troupes arrivent en tout cas avec suffisamment de certitudes sur leur jeu et leur forme pour nourrir un légitime espoir : sur ce début de compétition, l’Écosse pointe en tête au classement des ballons portés (144 par match), des défenseurs battus (47,7), des passes après contacts (14,7), des passes tout court (212)… Hamish Watson et ses partenaires se promettent d’être aussi conquérants que ne l’est leur rugby : "Une grande partie de la pression sera sur les Irlandais, avance le flanker. Tout le monde s’attend à ce qu’ils gagnent, et c’est une position qu’on aime : être dans la peau de l’outsider, un peu sous-estimés. Sur un bon jour, quand on joue au mieux de nos capacités, on peut battre ces nations de top niveau."

"Vous auriez envie, vous, de perdre de 21 points ?"

À Dublin, enfin, ce choc est attendu avec une relative sérénité. Invaincue depuis quinze mois, l’armada d’Andy Farrell n’a jamais paru aussi maîtresse de son sujet : sa tenue du ballon, son rendement défensif, sa qualité au sol ou encore sa dimension athlétique la placent actuellement au sommet du rugby mondial. Et concrètement, elle tient son destin en mains pour la suite. L’on est d’ailleurs en droit de se demander ce qui, à ce stade de la compétition, pourrait troubler son avancée.

La malédiction des Coupes du monde – avec le fameux plafond de verre des quarts de finale – serait-elle de nature, déjà, à contrarier cette sérénité ? Gregor Townsend n’y croit pas : "Les Irlandais sont en tête du classement mondial et restent sur seize victoires. Je doute fort qu’ils soient troublés aujourd’hui par ce qui a pu se passer lors d’éditions précédentes. Ils sont animés d’une grande confiance en eux liée au jeu qu’ils déploient depuis deux ou trois ans. Et puis ils vont être encore plus en confiance après avoir réussi à s’imposer contre l’Afrique du Sud." Leurs intentions sont on ne peut plus claires, aussi : terminer premiers et invaincus de la poule pour éviter la France à domicile quand bien même les Néo-Zélandais se dresseront alors sur leur route. Aucun calcul d’apothicaire ni quoi que ce soit d’autre ne sera toléré. Mike Catt le jure.

Comment pourrait-on en douter ? "En gagnant, on se place dans la meilleure des positions : c’est ce qu’on va essayer de faire, tout simplement. Avec le maillot irlandais sur le dos, nous voulons faire une performance qui rendra la nation fière, et nous aussi par la même occasion." Et l’entraîneur-adjoint de relever l’incongruité d’un pseudo-complot visant à éliminer les Boks : "A-t-on vraiment envie que l’Écosse nous batte de 21 points ? Vous, vous auriez envie de vous faire battre de 21 points par l’Écosse ?"

Samedi, qu’on se le dise, le meilleur l’emportera sur la pelouse du Stade de France. Or, depuis quinze mois, il s’agit à chaque fois de l’Irlande… En cas de succès samedi, elle s’approcherait à une longueur du record mondial de victoires consécutives (18), codétenu par la Nouvelle-Zélande (2016) et l’Angleterre (2017). Mais l’essentiel est bien ailleurs.

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