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6 Nations 2024 - France-Irlande : Voyage au bout de l’enfer

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    Voyage au bout de l’enfer
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Jamais, depuis la prise de fonction de Fabien Galthié, le XV de France n’avait été à ce point surclassé dans un match international. Jamais, depuis l’hiver 2020, les Tricolores n’avaient semblé aussi loin de quelques-uns des meilleurs rugbymen de la planète. S’en relèveront-ils ?

On a vraiment compris que cette soirée avait définitivement viré au cauchemar au moment où, quelques heures seulement après avoir avalé en tee-shirt et bermuda une mauresque au prix d’un café sur l’avenue du Prado, on tomba en ces mêmes lieux sur ce gus la gueule en sang, protégé par une dizaine de CRS après le feu d’une légère baston entre supporters… à moins qu’il ne soit lui aussi tombé sur l’épaule meurtrière de Willemse. Ce n’est pas pour les "mauviettes", le rugby international ! Et à tout dire, cette nuit du 2 février était à ce point scélérate que sur un autre malentendu, on se serait même cru revenu plusieurs années en arrière, à l’époque où le Goret, Guilhem Guirado ou Jacques Brunel reprenaient la voix tremblante le fil de branlées que l’on aurait déjà toutes souhaitées oubliées.

Parce qu’à l’heure où les rues de Marseille étaient désormais abandonnées au dépit amoureux de grappes de supporters encore attachés à de sordides bistrots de macadam, résonnait dans nos têtes ce champ lexical de l’accablement, une ritournelle que l’on pensait totalement disparue du paysage. "Ils nous ont surclassés dans tous les domaines", disait Gaël Fickou. "On voulait montrer un tout autre visage", appuyait Gregory Alldritt. "Il va falloir se remettre au boulot", concluait Paul Boudehent. Ces mots, lancés autant parce que l’exercice l’exige que parce que la nature a toujours eu horreur du vide, étaient finalement bien creux en comparaison du visage de Fabien Galthié, sonné comme un boxeur, au crépuscule de ce mauvais délire…

Au vrai, le sélectionneur national venait de connaître dans ce stade qu’il "aime" tant la première fessée véritable de sa "mission" et, où qu’il regarde, il n’avait finalement plus grand-chose à quoi se raccrocher. Au Vélodrome, la stratégie du "tout combat" avait fait "pschitt" et quelques-uns des choix forts du patron des Bleus s’étaient in fine retournés contre lui : on pense ici à la privation volontaire de Cameron Woki, une option abandonnant le seul vrai sauteur tricolore (Charles Ollivon) à la goinfrerie de Tadgh Beirne, grand Meaulnes du comté de Kildare ; on songe aussi à l’option Yoram Moefana sur l’aile gauche, un territoire où sa relative inexpérience ouvrit la voie au premier des cinq essais irlandais. Cinq essais, morte couille… Trente-huit points comme autant de beignes et au bout de cette sinistre nuit, l’étrange question d’un confrère, à Galthié : "Fabien, l’expulsion de Paul Willemse est-elle oui ou non une faute professionnelle ?"

Franchement ? On ne se souvient plus ce que répondit exactement le sélectionneur national, sinon qu’il avait une "pensée pour Paul", dont la simple expulsion avait largement emplâtré la tactique tricolore, au moment de répondre à quatorze à "l’intensité courue" et aux "200 plaquages" que proposaient Peter O’Mahony et ses coéquipiers au Vélodrome. On se souvient juste avoir pensé qu’un sport de combat comme le rugby ne peut dignement demander d’un côté à ses troufions de flirter avec la violence puis de subitement les licencier pour "faute professionnelle", au motif que le principe de "la ligne des épaules" ou de je ne sais quelle tartufferie ait pu être oublié, au moment de l’assaut. Que Willemse ait dit adieu vendredi à l’équipe de France ne fait donc aucun doute. Qu’il puisse aujourd’hui essuyer les poursuites des procureurs de tous nos plateaux télés est en revanche une hérésie.

Les trentenaires en souffrance

C’est qu’il est mille autres problématiques à régler, avant de s’attarder sur le légitime embarras d’un individu de 2 mètres à plaquer à la taille et à vitesse réelle un congénère de plus modeste envergure. La première d’entre elles se réglera probablement sur le divan d’un psychiatre bien infoutu de nous faire comprendre pourquoi aucun d’entre nous de façon générale, et le XV de France en particulier, ne sait plus vivre et jouer sans Antoine Dupont, dont l’absence ne fit que mettre en lumière l’humanité de Maxime Lucu et offrir au premier capitanat de Gregory Alldritt le triste record d’une défaite dont l’amplitude n’avait pas été en ce territoire connue depuis 1914.

On se demande, aussi, si l’idée d’emmener "80 ou 90 % des internationaux actuels" jusqu’à la Coupe du monde australienne est vraiment la bonne, passé un match où les trentenaires (dix-sept sur vingt-trois) semblèrent souffrir mille morts face à la frénésie que déployèrent les Irlandais dans les regroupements, les plaquages et, tout autour, ces Fields Of Athenry qui nous vrillèrent les tympans plus que de coutume. Au sujet de ses vieux fourneaux, Fabien Galthié dit souvent qu’il n’est pas de raison à ce que "la rotation" soit faite "par rapport à l’âge", brandissant sans le nommer l’exemple sud-africain, champion du monde avec en ses rangs plusieurs barbons du circuit international, qu’ils se nomment Duane Vermeulen, Faf de Klerk, Frans Malherbe ou Bongi Mbonambi, tous bien avancés dans leurs trentaines respectives.

Mais ce comparatif tient-il vraiment ? Tant que les trentenaires français joueront, hors période internationale, deux fois plus que ces Boks aux corps laissés indemnes par le championnat professionnel japonais ou Dieu sait quelle autre ligue fermée, la passerelle restera évidemment chimérique, mensongère.

La saison internationale est plombée

Au bout du bout, cette défaite inaugurale remet-elle tout en cause ? Balaye-t-elle in fine les certitudes nées d’un premier mandat réussi, emballant même, jusqu’à ce que ne survienne son terme ? Évidemment, non. Et ici, la chasse aux sorcières s’arrêtera d’elle-même à ce milieu de terrain tricolore où Jonathan Danty et Gaël Fickou sont beaucoup trop loin de leur meilleur niveau pour s’estimer hors de danger, ou à l’abri d’une remise en question aussi soudaine qu’inéluctable. Parce qu’on a beau considérer l’horizon, on se dit finalement que d’un point de vue purement français, la branlée du 2 février a tout à la fois plombé l’intérêt du Tournoi en cours que celui de la saison internationale dans sa globalité.

Car que changeraient au cadre global une fin de compétition aboutie et une tournée victorieuse en Argentine, en plein Euro de foot et avec une équipe B ? Pas grand-chose, a priori. Et à bien des égards, on est tous condamnés à vivre ces prochains mois rongés par l’impression désagréable d’être redevenus un chassé, une proie, quand on se considérait il y a quelques semaines encore comme un super prédateur, un mâle alpha…

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Les commentaires (1)
LeoDuc Il y a 2 mois Le 05/02/2024 à 11:14

Quand on retrouvera l'équipe 1 du XV de France on pourra établir un vrai bilan. Actuellement on tourne avec des intérimaires de l'UBB qui font ce qu'ils peuvent. Donc, soyons patient, l'année prochaine on aura notre revanche contre l'Irlande.