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Pro D2 - Simon Mannix (Biarritz) : "Quand le téléphone ne sonne pas, tu commences à te poser de plus en plus de questions"

  • Simon Mannix, arrivé au BO en cours de saison.
    Simon Mannix, arrivé au BO en cours de saison. Pablo Ordas
Publié le Mis à jour
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Simon Mannix, qui a commencé son aventure au BO par deux défaites, doit trouver des solutions pour sortir le club basque de la zone rouge. Un défi de taille pour le nouvel entraîneur en chef qui, en signant à Biarritz, a fait son retour dans le paysage professionnel français, après quatre ans d’absence.

Simon, après la défaite contre Brive (8-23), est-ce un sentiment d'impuissance qui prédomine ?

Oui, c’est exactement ça. Il faut féliciter Brive pour sa gestion parfaite. Ce soir, c’est compliqué, mais je savais que ça allait l’être en signant ici. On ne va pas tout remettre en question, mais il faut se poser les bonnes questions. On va avancer ensemble, avec un groupe qui est très touché, ce soir. Nous avons des responsabilités par rapport à ce club historique dans le rugby français.

Vous avez beaucoup défendu…

Tout n’est pas négatif. Même dans des conditions compliquées, on revient dans le match. Quand on a fait bouger les brivistes, on a vu les qualités de notre groupe. Cependant, nous avons été battus sur les contre-rucks, en l’air, ou autour des rucks. C’est une mauvaise journée, prenons le comme une leçon et avançons.

Manquez-vous de leaders ou de caractère ?

Pas du tout. C’est un manque de précision dans ce qu’on fait. J’ai des leaders, de la qualité sur le terrain. J’ai zéro problème avec ce groupe. Je vais rester très positif avec lui, même si ce soir, c’est difficile.

Comment s’est déroulée votre arrivée à Biarritz ?

J’ai eu l’occasion de discuter avec Matthew Clarkin (directeur du rugby à Biarritz, NDLR) fin novembre ou début décembre. On se connaissait à distance. Il jouait encore à l’Union Bordeaux Bègles lorsque j’entraînais la Section paloise. Je pense d’ailleurs que je l’ai agacé, avec ma voix un peu forte sur le bord de la touche (rires). Là, il a pris le temps de m’expliquer l’histoire ici, les besoins du club dans l’immédiat. Après ça, j’ai regardé, de mon côté, comment est-ce que Biarritz était arrivé dans cette situation. Nous avons discuté avec le président, et à partir de là, tout est allé très vite et me voici devant vous.

Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre le BO ?

Matthew a été très clair dans son discours. Il connaissait les qualités du groupe, mais aussi les besoins qu’il y avait. En regardant le BO, j’ai trouvé qu’ils jouaient très bien, ils pratiquent un rugby qui correspond à ma vision. Il y a beaucoup de choses qui se sont alignées. En plus, j’ai vraiment envie d’être encore dans le rugby professionnel, en France. J’ai été viré de Pau en 2019. Là-bas, j’ai fait plein de choses dont je suis encore très fier, comme la manière dont nous jouions au rugby. Je sais que j’ai encore beaucoup à donner dans un projet qui me correspond.

Battu pour la sixième fois consécutive (8-23), Biarritz n’arrive plus à gagner et, à l’hiver 2024, le nouvel entraîneur en chef de l’équipe, Simon Mannix, a plus que jamais du pain sur la planche, pour arriver à sortir cette équipe du marasme... \u2b07\ufe0fhttps://t.co/6AdXm9jXEb

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) January 6, 2024

Derrière Pau, vous avez rebondi à Singapour…

Oui, mais Singapour est complètement bloqué à cause du Covid. J’ai passé deux ans sans match, mais en famille. Professionnellement, c’était très compliqué. En rentrant de Singapour, je suis allé à Arcachon, qui souhaitait monter dans le rugby semi-professionnel (le RCBA joue aujourd’hui en Nationale 2, NDLR). Le club s’est donné les moyens de le faire, et aujourd’hui, il est en train de se reconstruire, dans le bon sens.

Avant de retrouver un banc à Biarritz, vous avez passé quatre ans sans club professionnel en France. Avez-vous eu peur d’être oublié ?

Peur n’est peut-être pas le très bon mot. Après, la vérité, c’est que le téléphone ne sonne pas. Et là, tu es un étranger, qui est entraîneur en France, et ce n’est pas facile. J’ai vu beaucoup de postes se libérer, mais qui ont été pris par de jeunes entraîneurs sans expérience. Je suis toujours resté optimiste par rapport au fait que le travail que j’ai effectué à Pau était très bien. Certains vont peut-être dire autre chose, mais c’est difficile de trouver des arguments contre la manière dont on jouait à Pau. Cette année, la Section est dans le top six, quand je regarde comment ils jouent, avec Geoffrey Lanne-Petit, ça me fait plaisir. Il faisait partie de mon staff. Quand l’occasion de Biarritz s’est présentée, il n’y avait aucune question à se poser. Il fallait y aller et se jeter dans le bain du rugby français, en Pro D2, pour montrer ce que je suis capable de faire.

Qu’est-ce qui vous a le plus manqué pendant ces quatre ans en dehors du circuit professionnel ?

Le championnat français est génial, parce que tu ne sais jamais ce qui va se passer. À mon avis, dans les pays anglo-saxons, c’est un peu ennuyeux. En France, il y a toujours quelque chose ! Ça, ça ne va pas, ça, c’est bien. Les joueurs sont bien là, pas là. Tu es tout le temps challengé. Le match arrive vite, tu le prépares, tu le revisionnes et c’est parti sur un autre. Ce tout m’avait manqué. Aujourd’hui, je suis un peu plus âgé et la progression des jeunes joueurs m’intéresse. À Pau, j’ai eu Antoine Hastoy, Clovis Lebail, Quentin Lespiaucq, Lucas Rey… C’est un plaisir énorme, pour moi, de les voir jouer en Top 14 ou en équipe de France. Là, j’ai la chance de tomber dans un groupe avec des Anglo-Saxons qui ont une forte expérience. Il y a aussi des jeunes joueurs français avec du potentiel. Je suis très content d’être là.

Et ce, même si le quotidien d’un entraîneur en chef est parfois très prenant ?

Tu es tout le temps en train de penser à autre chose, tu anticipes le prochain problème. Dans l’état actuel des choses à Biarritz, il faut s’occuper de ce qui se passe dans le moment présent. Je ne suis là que jusqu’à la fin de saison pour l’instant. Chaque jour, je dois faire du mieux possible pour aider le groupe.

Avez-vous tourné en rond lorsque le téléphone sonnait moins ?

Ce n’est pas que le téléphone sonnait moins, il ne sonnait pas du tout ! C'était difficile à comprendre, avec l’expérience et les résultats que j’ai eus comme entraîneur. Après, il y a une perception médiatique, qui est peut-être loin de la vérité. Je suis vu comme une grande gueule, parce que je parle beaucoup au bord de la touche. Lorsque mon arrivée à Biarritz a été annoncée, j’ai vu le nombre de messages que j’ai reçus de la part d’anciens joueurs français ou étrangers. Ça m'a beaucoup touché. En fait, je ne suis pas une grosse merde. J’ai eu le soutien de ma famille, qui n’a jamais douté de moi. Moi non plus, je n’en avais pas, mais quand le téléphone ne sonne pas, tu commences à te poser de plus en plus de questions. Là, j’ai une opportunité de montrer ce que je suis capable de faire.

En interne, les joueurs ont été surpris par les premiers entraînements, où vous n’avez pas beaucoup crié. Avez-vous changé votre façon de faire ?

Je n’ai rien changé ! Les gens ont l’image que je crie beaucoup, mais le fait que Canal + ait mis des micros à côté de moi en bord de touche ne m’a pas aidé (sourire). Après, si je crie, c’est toujours en encourageant mes joueurs. Je vis le match comme eux, 80 minutes à fond. Je ne vais pas gueuler pour gueuler.

A lire aussi : Pro D2 - À Biarritz, ce n’est pas la joie après une nouvelle défaite contre Brive…

Le BO ne vous a-t-il pas pris pour votre côté « grande gueule » ?

Peut-être, mais vous êtes mieux placé que moi pour le dire ! J’ai la chance de rentrer dans un club mythique comme ça. Il y a une histoire, une marque de fabrique importante et si je suis capable de laisser ce club dans une meilleure position que par rapport à celle où il était, lorsque je l’ai trouvé, je serais content. C’est la philosophie des étrangers. Dans chaque club où je suis passé en tant que joueur entraîneur, je l’ai fait.

Vous avez passé deux ans au Bassin d’Arcachon. Qu’est-ce que vous y avez appris ?

Le problème pour les joueurs, à ce niveau-là, c’est la constance dans l’effort et le travail. Avec les professionnels, il y a beaucoup moins ce problème-là. Au Bassin, j’ai vu un groupe capable de faire de très bonnes choses, même si ça ne se produisait pas en match. Je me souviens avoir croisé Serge Milhas, lorsqu’il entraînait encore Saint-Jean-de-Luz (Nationale 2). Il m’avait dit : “tu vas voir, on ne peut pas traiter les joueurs amateurs comme les professionnels”. Par contre, en tant qu’entraîneur, j’ai appris à beaucoup de joueurs l’exigence. Chez les amateurs, je n’avais pas envie de baisser ce niveau d'exigence. Il était là, le challenge. J’ai dû accepter des choses que je n’aurais jamais acceptées auparavant. Après, j’ai bien apprécié le temps là-bas, où les joueurs étaient très sympathiques.

Quel était le rythme d'entraînement au Bassin ?

L’an dernier, c’était le soir ou le matin, avec quelques joueurs. Cette année, c’était beaucoup mieux. Il y avait 25 joueurs disponibles dans la journée, ça devenait très sérieux. J’ai pris beaucoup de plaisir à former le jeune staff, là-bas.

Y avait-il la même pression, avant un match de Nationale 2, qu’en Top 14 ?

Je ne sais pas si je stressais, mais je voulais que les joueurs soient performants. Tu as beau jouer en Top 14 ou Nationale 2, tu es jugé l’après-midi, lors du match. Personne ne voit le travail qui est fait dans la semaine, toutes les heures que tu passes avec le staff, devant la vidéo, pour analyser les trucs. Il y a juste ces 80 minutes le samedi. Stressé ou pas, je voulais qu’on gagne et tu as la même sensation lorsque tu gagnes en Top 14 ou en Nationale 2. Comme partout, après une victoire ou une défaite, tu bascules tout de suite sur le prochain match. La manière restait la même, l’exigence et la problématique, non. Ma philosophie de jeu, aussi, est restée la même.

Néanmoins, en Nationale 2, un entraîneur n’est pas autant jugé qu’en Top 14 lorsque 15 000 spectateurs regardent le match…

Mais j’ai ma fierté et c’est ma ligne de conduite, ce qui me propulse. Je suis capable de dire, ça c’est bien, ça ce n’est pas bien, mon équipe joue bien ou mal. Le style de rugby pratiqué est souvent à l’image de son manager, et moi je n’ai pas envie d’être un entraîneur pour qui le jeu se résume à des mêlées, des ballons portés, une passe puis un jeu au pied. Ça ne m'intéresse pas ! Même en Nationale 2, je ne voulais pas bosser avec ce genre d’équipe et si nous n’étions pas capables de faire une passe, nous allions bosser pour.

On sent là vos racines néo-zélandaises…

Oui, forcément, c’est notre école de rugby. Je joue dans l’espace. C’est plus marrant que de jouer contre un mur.

À votre avis, jouez-vous gros au BOPB ?

Oui, je ne vais pas le cacher. Si je suis capable, avec le staff, de faire tourner la machine dans la bonne direction…

Il y a une possibilité de prolonger l’aventure ?

Pour l’instant, j’ai fait un match, une dizaine d’entraînements. Je veux montrer que je suis capable d’aligner tout le monde dans le bon sens. Mais je pense qu’il y a pas mal de monde qui va me regarder, pour voir si Mannix est bon ou si c’est juste une grande gueule, qui n’est capable de rien faire.

Ici, vous faites face à un double défi. Sortir l’équipe du bas de tableau et chapeauter un staff de trois jeunes entraîneurs en Pro D2, même si les deux sont plus ou moins liés…

Ils ont du talent, comprennent le rugby, sont bosseurs et très sérieux. Le préparateur physique aussi, les analystes également. Il faut aligner tout le monde pour que ce ne soit pas chacun qui bosse dans son coin. Nous sommes tous alignés et nous allons nous sortir de cette situation, ensemble.

Renaud Dulin étant actuellement absent (pour des raisons médicales, NDLR), vous avez dû prendre momentanément la charge de l’attaque…

La base était là, j’ai juste fait deux ou trois changements. Mais j’ai envie que les joueurs prennent ça en main. Que souhaitent-ils faire ? Ce sont eux qui feront les annonces sur le terrain, ce sont eux qui verront les situations. Moi, je serai juste là pour corriger et les soutenir au maximum, afin qu’ils aient vraiment l’envie de jouer.

L’attaque du BO tourne globalement bien cette année, si on se réfère au nombre d’essais marqués, non ?

Le BO est capable de marquer des essais depuis trois ou quatre ans, cette équipe est capable de jouer. Il faut juste être plus rigoureux dans les moments clés.

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Les commentaires (1)
Avdemuret Il y a 3 mois Le 08/01/2024 à 07:53

Pas très étonnant quand on voit son CV...