Carnet noir - "C’était un personnage de roman" : Richard Astre, Jo Maso et Pierre Villepreux réagissent au décès d'Alain Estève

Par Paul Arnould et Loïc Bessière
  • Alain Estève en 2021, dans le mythique stade de Sauclières.
    Alain Estève en 2021, dans le mythique stade de Sauclières. Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Ce mardi, Alain Estève nous a quittés à l'âge de 77 ans. Richard Astre l'a côtoyé à Béziers et en équipe de France ; Jo Maso et Pierre Villepreux l'ont connu chez les Bleus et l'ont affronté avec leurs clubs respectifs. Ils racontent un deuxième ligne hors du commun, tant physiquement que techniquement, et à la vie unique.

  • Richard Astre, son coéquipier à Béziers : "Il avait une intelligence de jeu que les gens ignoraient"

C’est un frère d’armes ! C’était un être assez exceptionnel. Il était démesuré pour tout, par sa taille, par la vie qu’il a pu mener. Mais en même temps, c’était l’eau et le feu ! Il pouvait être très doux, affectueux. Il a eu une enfance et une adolescence particulièrement difficile, comme il l’a écrit dans son livre, avec de la souffrance. Il avait de la timidité, il cachait beaucoup de souffrances des premiers temps de sa vie. Grâce au rugby il s’est découvert, il s’est fait des amis. Le rugby lui a permis de découvrir beaucoup de choses et de se découvrir lui-même car il ne connaissait pas ses limites. C’était un joueur craint de tout le monde ! Quand il est arrivé à Béziers, Raoul Barrière a entrepris de le faire évoluer physiquement, techniquement. Il avait le prototype du joueur qui a profité de la richesse du coaching de Raoul Barrière. Il était très généreux, il ne s’échappait pas. Il était très grand mais il avait une intelligence de jeu que les gens ignoraient. C’était un partenaire très discipliné, à l’écoute, très collectif.

  • Jo Maso, son coéquipier chez les Bleus et son adversaire avec Narbonne et Perpignan : "Il était craint par tous ses adversaires, et même ses partenaires"

Il était un joueur extraordinaire, avec sa taille mais surtout car il avait de bonnes mains. Il savait jouer au ballon, c’était un magnifique joueur ! Avec Claude Sapnghero, ils étaient des deuxième ligne modernes, ils savaient tout faire. Alain Estève pouvait jouer troisième ligne aussi d’ailleurs. Quand on s'affronte en finale du championnat, en 1974, il joue troisième ligne aile. J’étais ouvreur donc il défendait sur moi. Il valait mieux l’avoir avec soi que contre soi ! C’était un joueur d’une qualité extraordinaire ! Il savait tout faire ! Mais il n’aimait pas trop sauter en touche alors qu’il faisait deux mètres… Ou alors, il fallait qu’il saute en deuxième sauteur, ce secteur ne l’intéressait pas. Mais il était intelligent, il avait une bonne technique individuelle. Il a été international sur le tard, mais on est parti en tournée en Afrique du Sud ensemble, on a mis 35 points aux Anglais à Colombes…Il était rude sur le terrain, il était craint par tous les adversaires, et même ses partenaires. Quand il parlait, il en imposait.

C’était un personnage de roman ! Il était toujours heureux de nous recevoir. Quand il nous voyait, c’était toujours de grandes embrassades, des tapes dans le dos… C’était un grand bonhomme qui avait beaucoup de complicité et de sympathie avec les trois-quarts. Malheureusement, nous nous sommes perdus de vue après nos carrières. Je suis très ami avec Richard Astre, qui, comme moi, était directeur régional chez Adidas dans le Sud. Je lui demandais tout le temps des nouvelles du "Grand". On l’appelait comme ça, "Le Grand Estève". C’était le premier joueur à faire plus de deux mètres ! Je parle de lui avec grand plaisir. Il était d’un seul bloc. Il disait : "Celui-là, il ne me plaît pas trop…" Il était curieux. Quand on partait en tournée, il aimait voir comment les gens vivaient etc. Mais il était taiseux. Il fallait être ami avec lui pour dialoguer. Il a été chef d’entreprise, il a eu des boîtes de nuit. On a perdu un grand joueur de rugby et aussi un bon gars. Quand il donnait son amitié à quelqu’un c’était pour la vie. Je l’aimais beaucoup…

  • Pierre Villepreux, son coéquipier et équipe de France et son adversaire avec le Stade toulousain : "Alain Estève n’était pas qu’un physique"

Je n’ai pas très souvent joué en équipe de France avec lui, je l’ai plutôt affronté : lui avec Béziers, et moi avec le Stade toulousain. C’était un personnage. C’était un joueur, je dirais, qui ne rentrait pas dans les critères physiques des rugbymen de l’époque. Il mesurait deux mètres, il était solide. Il le savait, et parfois il en abusait (sourire). Aujourd’hui, on a dû mal à s'en rendre compte, mais à l'époque des mecs à deux mètres c'était rare... Il avait en plus cette capacité à dire les choses qu’il ressentait, sans filtre.

Alain Estève nous a quittés à l'âge de 77 ans. Symbole du grand Béziers, il laisse un immense héritage au rugby français. pic.twitter.com/orVnAywaWX

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) November 7, 2023

Moi, j’entendais surtout ce que me disaient mes partenaires qui jouaient devant. Par chance, je ne l’ai pas beaucoup croisé sur le terrain, c’était l’époque où il y avait une grande différence au rugby entre les avants et les trois-quarts. Mais Alain Estève n’était pas qu’un physique, il était aussi un bon joueur de rugby. La finale 1971 ? Même nous, personne n’a jamais su. J’étais au match car nous partions ensuite en Australie il me semble pour une tournée. On avait vu la finale, et personne n’a jamais vraiment su la vérité.

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Les commentaires (6)
Prothea Il y a 5 mois Le 10/11/2023 à 19:04

A en lire les commentaires de Maso et Villepreux, c'était un phénomène, un grand joueur et un Grand Rugbyman. Bon vent à toi l'Homme.

zobozebo Il y a 5 mois Le 08/11/2023 à 18:23

Violent, méchant, sournois , vicieux...on enterre le rugby de papa.

jo2608 Il y a 5 mois Le 08/11/2023 à 16:43

un grand Monsieur
j'ai eu la chance de le rencontré a Vias avant un match Reichel
Il était une légende surtout moi demi de mêlée.
UN VRAI SECOND LIGNE
RIP