Histoire - 100-0, des records, un entraîneur précurseur... Le Grand Béziers en cinq dates

Par Loïc Bessière
  • Raoul Barrière, entraîneur du Grand Béziers
    Raoul Barrière, entraîneur du Grand Béziers Archives Midi Olympique
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Ce lundi, la cité biterroise pleurait les trente ans de la disparition d'Armand Vaquerin. Le pilier gauche était un des symboles du Grand Béziers, une équipe en avance sur son temps qui a largement dominé le rugby français entre 1971 et 1984. Retour sur cinq moments marquants.

  • 16 mai 1971 : le premier d'une longue série

En 1971, Béziers n'est pas encore le Grand Béziers. Créé en 1911, le club a alors vécu sa période la plus faste au début des années 1960. Vainqueur du championnat en 1961 en restant invaincu toute la saison, l'ASB est malheureux finaliste en 1960, 1962 et 1964. Retour en 1971. L'entraîneur Raoul Barrière s'est appuyé sur une majorité de joueurs qu'il a déjà conduits au titre de champion de France Junior Reichel en 1968. Après avoir écarté le Stade poitevin, Dijon, le Stade bagnérais et Agen en phase finale, les Rouge et Bleu croiseront, en finale, Toulon. Les côtes cassées d'André Herrero, la cravate sur Jack Cantoni en pleine relance folle qui amène l'essai de René Séguier... Ce match restera dans les mémoires. Les Biterrois l'emportent au Parc Lescure de Bordeaux, 15-9 après prolongation. Armand Vaquerin, Richard Astre et consorts ont ramené le premier Bouclier de Brennus d'une longue série sur les Allées Paul Riquet.

  • 1978 : le départ du Sorcier de Sauclières

Pilier gauche de l'équipe championne en 1961 et membre de l'équipe de France partie en Afrique du Sud pour la mythique tournée de 1958, Raoul Barrière a commencé, donc, par entraîner les jeunes à l'ASB. En 1968, le prof de sport a pris en main l'équipe première. Il est devenu l'architecte du Grand Béziers. Précurseur, visionnaire, il changera à tout jamais l'histoire de Béziers, créant une armada avec beaucoup de joueurs du cru. C'était lui qui a fait des avants les premiers attaquants. C'était aussi lui qui leur a demandé de faire des passes après contact, stratégie payante tant les Vaquerin ou Estève étaient des formidables joueurs de ballon. Au-delà du terrain, Raoul Barrière était un éducateur mais aussi en recherche permanente de nouvelles méthodes pour améliorer les performances de ses joueurs. Il est le premier à avoir introduit les entraînements quotidiens, les tests sanguins, les votes à bulletins secrets ou la sophrologie. Il a quitté le club en octobre 1978, après une brouille avec Alain Estève.

Longtemps, le Sorcier de Sauclières et son équipe ont été critiqués et haïs pour leur différence. Mais force est de constater, quarante-cinq ans après le départ de l'entraîneur, que les Biterrois ont toujours plusieurs records, dont certains ne seront jamais battus. Du 1er septembre 1970 au 18 février 1973, soit deux ans, 4 mois et 17 jours, Béziers a signé un record d'invincibilité, toutes compétitions confondues. Lors de la saison 1978, Béziers a marqué 124 essais soit 6,52 essais par match. Béziers a terminé cinq saisons invaincu en championnat : 1961, 1971, 1972, 1975, 1978. C'est d'ailleurs un record de France tous sports collectifs confondus. Trois saisons, en 1972, 1975 et 1977, l'ASB a fait le grand chelem, remportant toutes les compétitions dans laquelle elle était engagée : le Bouclier d'automne, le Challenge Jules-Cadenat, le Challenge Yves-du-Manoir et le championnat. En 1978, Roger Couderc, au commentaire de la finale ASB-Clermont, a eu cette phrase : "Béziers joue déjà le rugby de l'an 2000". Raoul Barrière n'y était pas étranger.

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En ce jour anniversaire de sa disparition, l'ensemble du club a une pensée pour lui et pour ses proches. pic.twitter.com/I1qqz9eKYD

— ASBH Officiel (@ASBHOfficiel) July 10, 2023
  • 11 octobre 1981 : la forteresse de Sauclières cède

Ce jour-là, Béziers s'est incliné dans son stade de Sauclières contre La Voulte, 10-19. Anodin peut-on penser. Mais non. Une des plus grandes séries de l'histoire du sport venait de se briser. Durant onze ans et neuf mois, l'ASB n'a pas perdu une rencontre à domicile. Durant onze ans et neuf mois, les supporters biterrois ne sont jamais ressortis du stade situé entre l'Orb et le Canal du Midi déçus. Durant onze ans et neuf mois, chaque équipe se rendant à Béziers est repartie sans s'imposer. La dernière défaite des Rouge et Bleu remontait alors au 5 janvier 1969, face à Brive (8-9). Cette longévité est un record en France, toutes disciplines confondues. Serait-ce même un record du monde ?

  • 16 décembre 1979 : le 100-0 et les onze essais de Fabre

De nombreux records ont été cités dans les paragraphes précédents. Cet après-midi de décembre, deux ont été battus. Le premier, celui du nombre de points inscrits dans un match. Béziers s'impose contre une équipe de Montchanin remaniée sur le score sans appel de 100-0 ! Et c'est précis car les joueurs ont calculé pour que le score soit pile de 100 points marqués. Pas 99, pas 101, l'objectif était 100, l'ouvreur Patrick Fort manquant volontairement la dernière transformation. Avec des adversaires incapables de marquer le moindre point, cela se transforme en une véritable démonstration. La motivation des Biterrois à pulvériser les Bourguignons se trouve dans un déplacement à Montchanin, en septembre 1975. Les Héraultais, invaincus en championnat depuis vingt mois, étaient alors tombés 16-12. Cinq ans plus tard, on pouvait dire que la vengeance était un plat qui se mangeait froid.

Si ce match a été un succès collectif, un homme est ressorti du lot : Michel Fabre. L'ailier a inscrit... onze essais, aux 4e, 29e, 35e, 40e, 45e, 50e, 55e, 60e, 64e, 75e et 78e minutes. Il a effacé le record du Briviste Michel Puidebois et ses huit essais en 1973. En deuxième mi-temps, ses coéquipiers ont tout fait pour qu'il inscrive le plus d'essais possible. À l'époque, un essai ne valait que quatre points. Aujourd'hui, le score serait de 121 à 0 !

  • 26 mai 1984 : la dernière séance

Un dernier voyage à Paris, au Parc des Princes. Un suspense haletant, 21 partout. Un dénouement aux tirs au but, pour la seule fois en Top 14. Un ultime retour festif dans le sud et une dernière présentation du bouclier de Brennus sur les allées Paul-Riquet. Béziers a remporté son onzième championnat contre Agen. Le dernier du club à ce jour. C'est la fin de l'époque dorée, du Grand Béziers, une des plus grandes équipes de l'histoire du rugby, voire du sport en général. Le débat peut être ouvert tant cette équipe a dominé sa discipline - dix titres, onze finales en quatorze saisons - et a établi nombre de records qui semblent inatteignables dans notre rugby moderne.

En 1986, le capitaine de Béziers Pierre Lacans décède dans un accident de voiture. En 1993, c'est la disparition d'Armand Vaquerin qui émeut la cité biterroise. Puis vient le déménagement de Sauclières au Stade de la Méditerranée, le professionnalisme, les moyens qui se font rares, les relégations... Et la nostalgie d'une époque dorée.

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