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Coupe du monde de rugby 2023 - Les diamants néo-zélandais sont éternels et c'est l'Irlande qui le paye

Par Vincent BISSONNET
  • Sam Whitelock vient de gratter le dernier ballon du match, les Néo-Zélandais sont en demi-finale au terme d’un match dantesque !  Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
    Sam Whitelock vient de gratter le dernier ballon du match, les Néo-Zélandais sont en demi-finale au terme d’un match dantesque ! Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Ce quart de finale tant attendu a été un bijou de rugby et d’émotions, un sommet de ce jeu. Les All Blacks, portés par leur talent et par une défense incroyable de résistance, en sont sortis vainqueurs. Les voilà plus que jamais candidats au sacre.

Pour obtenir un grand match de rugby international, il faut deux grandes sélections. Pour en avoir un d’anthologie, il en faut deux majestueuses. Samedi, Irlande et Nouvelle-Zélande ont offert à tous les amoureux de ce jeu un orgasme de 80 minutes et un souvenir pour la vie. De splendides essais, une bataille tactique de haut vol, une passionnante confrontation de styles, de l’engagement à tout-va, un suspense total et de la dramaturgie avant même le coup d’envoi et jusqu’au bout de la nuit : le peuple ovale n’aurait rien pu demander de plus, espérer de mieux.

Si aucune des deux nations n’aurait dû perdre samedi, les Blacks méritaient sans doute un peu plus de l’emporter, pour ce petit truc en plus qu’ils ont depuis toujours et que les Irlandais cherchent encore désespérément. Appelez ça du flair, de la magie, comme vous voulez… Cette part des anges, invisible, indécelable, est justement ce qui sépare les très bonnes équipes des meilleures ; ce qui finit par vous propulser au septième ciel ou vous plonger en enfer. "C’était un match incroyable mais le rugby est parfois cruel, et c’est sans doute pour ça qu’on l’aime", philosophait, mâchoire serrée, Andy Farrell après avoir rejoint le royaume des damnés. Quelle autre sélection que celle à la fougère argentée pouvait à ce point sublimer ce sport ? Qui mieux que les Néo-Zélandais, également, pouvaient changer le scénario d’une histoire écrite à l’avance ?

Ardie Savea, élu homme du match, célèbre après avoir inscrit le 2e essai des Blacks (34e).
Ardie Savea, élu homme du match, célèbre après avoir inscrit le 2e essai des Blacks (34e).

Si la soirée a été aussi magnifique, c’est qu’elle a basculé dans la folie, l’irrationnel. Ce devait être le jour du déclic pour les Verts. C’était censé être celui du déclin pour les Tout Noirs. Les numéros 1 mondiaux, invaincus depuis quinze mois et une tournée victorieuse au pays du long nuage blanc, avaient tous les chiffres en leur faveur. Au Stade de France, encore, les astrophysiciens du rugby mondial, qui aiment tout planifier, tout calculer, ont dominé toutes les stats du jeu ou presque – mètres ballons portés, courses, franchissements, passes (322 à 135 !), défenseurs battus, passes après contacts, mauls gagnés, rucks, pourcentage de plaquages réussis… – sauf la plus importante : celle du tableau d’affichage, où ils n’ont d’ailleurs jamais eu l’avantage du nombre… CQFD.

A lire aussi : Coupe du monde de rugby 2023 - Les statistiques de la victoire des All-Blacks face aux Irlandais

"Vous n’allez pas oublier ce qu’on a fait devant ?"

Le tour de magie néo-zélandais du jour restera dans toutes les mémoires. Ses trois numéros les plus mémorables sont fixés sur les rétines : l’inspiration géniale du par-dessus de Beauden Barrett, joueur que l’on aimerait ne jamais voir raccrocher les crampons ; la voltige en bout de ligne d’Ardie Savea, auteur, d’après la vieille gloire sud-africaine Bobby Skinstad, de la plus belle performance de l’histoire de la part d’un troisième ligne centre ; et la mystification "tu me vois, tu me vois plus" de Richie Mo’unga sur l’ex-meilleur joueur du monde Josh Van der Flier, rien de moins. "Oui, nos trois-quarts ont été incroyables et ont marqué de superbes essais mais vous n’allez pas oublier ce que l’on a fait devant, aussi ?", nous intimait Brodie Retallick, depuis les entrailles du Stade de France. Sans souci "Bro" ! Et comment pourrait-on d’ailleurs mésestimer tout le travail accompli par ailleurs ? Les trois réalisations du jour ne sont que la surface immergée d’un bloc rugbystique considérable. Le talent seul n’aurait à coup sûr pas suffi pour vaincre l’armada irlandaise. La préparation tactique, l’organisation défensive (226 plaquages assénés), l’intelligence situationnelle, la lecture du contre en touche ou encore et surtout le jeu au sol – sept contre-rucks gagnants face aux spécialistes du genre ! – ont été autant de leviers d’une performance trois étoiles, comme celles qu’ils ont décrochées par le passé. Plus que des beaux joueurs de rugby, les Blacks sont et seront sans doute toujours des vainqueurs dans l’âme. La fierté et le soulagement ont même tiré des larmes à la légende Aaron Smith au coup de sifflet final. On n’avait plus vu des Blacks pleurer après un quart de finale depuis 2007, c’est dire…

Aaron Smith, ému après la qualification des Néo-Zélandais, aux côtés de Will Jordan.
Aaron Smith, ému après la qualification des Néo-Zélandais, aux côtés de Will Jordan.

La séquence émotion sur la pelouse, à la libération, disait beaucoup de la valeur de cet accomplissement pour Sam Cane et ses partenaires : "On est trop heureux, hallucinait le digne successeur de Richie McCaw. C’était un match de dingue, un vrai combat pendant 83 ou 84 minutes." Un des meilleurs, tout simplement, aux yeux de Ian Foster : "Je dirais que cette victoire fait partie des plus belles. C’est un jour historique pour nous." À ce point ? "C’est énorme pour diverses raisons, la première étant que tout le monde nous voyait perdre", savourait, en exagérant un tantinet, Richie Mo’Unga tandis que Ardie Savea ne parvenait pas à reprendre son souffle ni ses esprits après la folle séquence défensive finale de 5’17" : "Il faudra que je revoie tout ça parce que j’étais tellement dans le feu de l’action que je ne me souviens de rien d’autre que du grattage de "Sammy" Whitelock. Là, j’étais comme un dingue."

Si ce quart avait tout d’une finale – et encore, jamais une finale n’a atteint un tel niveau à la fois rugbystique et émotionnel, l’aventure ne s’arrête pas là. Après l’exceptionnel, les troupes de Ian Foster vont revenir à l’ordinaire avec une demi-finale face à un rival du "Four-Nations" : l’Argentine, parvenue à ce stade de la compétition on ne sait comment. "J’ai vu pas mal de leurs matchs et c’est une équipe très dure, très physique", se projetait brièvement Ian Foster. Deux mois après avoir dominé les Pumas de la tête et des épaules à Mendoza (12-41), les Blacks retrouveront, pour l’occasion, leur habituel statut d’hyperfavoris. Vendredi, au moment de les voir revenir dans le théâtre de leur exploit, les images du 14 octobre défileront à coup sûr à l’esprit. Comment pourrait-on jamais les oublier, d’ailleurs ? Cette rencontre était un bijou. Et, comme nous l’ont si bien rappelé les Barrett, Smith, Whitelock et compagnie, les diamants sont éternels.

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