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Top 14 - Les datas c'est leur dada (3/3). Recrutement, coaching, entraînement... Les chiffres sont partout

  • Top 14 - Les managers du Top 14 sont inondés de data depuis plusieurs années.
    Top 14 - Les managers du Top 14 sont inondés de data depuis plusieurs années. Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Les data ont inondé le rugby professionnel ces dernières années. De la préparation d'un entraînement au recrutement en passant par l'analyse d'une rencontre, plusieurs acteurs se sont penchés sur les différentes utilisations de ces fameuses données chiffrées. 

  • L'entraînement 

Les data ont transformé les séances d’entraînements. C’est Pierre Mignoni qui le dit dans un entretien avec Tech XV : « Ce qui est primordial, c’est de bien mesurer la charge mentale et physique qu’un joueur est capable de gérer avant d’entamer une séance d’entraînement. Depuis que j’ai démarré ce métier en 2011, c’est probablement le paramètre qui a le plus évolué. Ce sont les data qui nous ont permis de devenir de plus en plus précis et d’individualiser le travail. » Le GPS a aussi son importance en temps réel pour Geoffrey Cottereau : « Grâce à toutes les informations emmagasinées, on connaît maintenant nos standards sur nos séances et sur leurs constructions, sur la durée, l’intensité, le rythme sur certaines situations. Après il y a toujours une part de régulation en direct, sur ce qui se passe vraiment, pour pousser ou freiner tous les joueurs ou seulement certains. La séance de la veille peut avoir une influence sur celle du lendemain, si jamais nous n’avons pas été dans nos objectifs. Mais la majorité du temps, tout se passe comme nous avions prévu. Mais si on voit qu’une séance a eu des résultats meilleurs qu’attendu on va faire attention le lendemain et alléger la charge. »

  • La santé

« Améliorer la prédiction des blessures est un objectif, pour ne pas dire le rêve absolu. On n’arrivera jamais à la perfection mais l’ambition de tous les clubs est d’améliorer la prédiction de ce genre d’événements », explique Geoffrey Cottereau. « Ces dernières années, plus de protocoles ont été mis en place pour aller chercher plus d’informations, par exemple nous faisons maintenant des prélèvements sanguins hebdomadaire sur les joueurs pour avoir des marqueurs de détériorations musculaires. » Le protège-dents connecté est la dernière innovation technologique pour apporter de nouvelles données sur la santé des joueurs, avec la promesse de mesurer l’intensité de l’impact à la tête. Les capteurs permettent d’enregistrer les phénomènes d’accélération de la tête, pour sortie des données en nombre de G. Pour l’instant, tous les joueurs de Top 14 ne sont pas équipés alors que c’est la multiplication des données qui va permettre dans l’avenir d’avoir des résultats concluants sur cette avancée technologique.

  • Préparer le match 

Chaque manager du Top 14 se voit remettre un rapport sur l’adversaire de la part de sa cellule data. C’est le travail de Briac Pouyé pour la Section paloise : « On peut prédire certaines choses mais on ne sacralise pas ces données. On échange avec le staff le vendredi, soit huit jours avant la confrontation face à l’équipe ciblée. Si on trouve des chiffres flagrants dans certains secteurs, on adapte la stratégie de la semaine d’entraînements. Je dois faire un vrai tri pour ne pas délivrer 150 informations dans les pages de ce rapport. Les chiffres en conquête, et l’étude du jeu au pied sont des impondérables et après c’est une boite à outil pour piocher en fonction de l’adversaire. Par exemple, La Rochelle rentre dans les 22 mètres majoritairement par un jeu au pied après pénalité, alors que Toulouse rentre majoritairement dans cette zone par un jeu à la main, donc ça peut influencer le message délivré dans la semaine. Mais généralement, nous savons ce que nous allons trouver en analysant le jeu de nos adversaires. »

Sébastien Piqueronies, le manager de la Section paloise, évoque sa relation avec sa cellule en charge des data et l’utilisation des données au quotidien.

L'entretien complet > https://t.co/TWpDDCa5hr pic.twitter.com/74u0AETwqy

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) April 2, 2024
  • Le jour du match

Il suffit d’avoir regardé un match à la télévision pour apercevoir les staffs techniques avec les yeux rivés sur leurs ordinateurs mais Geoffrey Cottereau prévient : « La qualité de la donnée en directe est assez variable, en fonction notamment de la configuration des stades, de la distance entre l’antenne qui va transmettre et l’ordinateur. Nous avons des données qui arrivent mais elles vont surtout nous servir pour réaliser une analyse après coup, notamment parce qu’il faut aussi dégager les données quand le ballon est en jeu. Les appels à la vidéo ou une succession de mêlée doivent être pris en compte car cela va faire baisser les données. » En revanche, les données sont présentes surtout lors de l’échauffement. « On va avoir des exigences sur la partie individuelle. On veut qu’ils atteignent une certaine intensité avant de passer à l’entraînement collectif. Nous avons les données en direct et je communique avec mes collègues pour leur dire que tel ou tel joueur doit pousser un peu plus pour atteindre sa zone de sprint. Ils doivent se rapprocher de leur vitesse maximale avant de passer à l’échauffement collectif. » Depuis deux ans, les data ont poussé la Section paloise a changé ses habitudes dans l’avant-match : « Les joueurs sortaient trop tôt du vestiaire. Nous avons observé leurs habitudes sur une longue période et nous avons vu que certains effectuaient l’équivalent d’une mi-temps en terme de volume et d’intensité. Nous avons changé les comportements même si certains ont fait un peu la gueule au début (rires). Nous avons maintenant un échauffement qui dure entre 35 et 40 minutes. »

  • Le coaching 

Les data influent-elles les changements opérés par les managers pendant un match ? « Je pense que ça se fait un peu moins maintenant d’agir sur le coaching, prévient Geoffrey Cottereau. Dans le passé, j’ai vu des comportements où l’on disait : «Ce joueur court moins, il faut le sortir». Mais je crois que l’on a fait un peu n’importe quoi avec ces données. On a voulu leur donner trop d’importance en prenant des décisions avec, sans les remettre dans le contexte. Actuellement, les données en direct ne sont pas encore très fiables. Au-delà de ça, les logiciels GPS ne sont pas encore assez performants pour avoir une analyse très poussée en direct, avec les différences significatives au rugby entre les joueurs. Les données en direct manquent de contexte. Il faut prendre du recul sur la donnée et nous n’avons pas encore les outils pour la traiter en direct. C’est différent pour les données de fréquence cardiaque, à condition de les avoir de bonnes qualités, là c’est plus facile d’avoir un jugement car cela donne une vraie information sur ce que vit le joueur. Si un joueur est dans des hauts pourcentages, donc dans sa zone rouge depuis dix minutes, on peut anticiper, en se disant qu’il y a une chance qu’il baisse un peu le pied bientôt. Mais la technologie n’est pas encore parfaite. » Néanmoins, à la mi-temps, la cellule data communique des informations sur le rythme, les courses et l’intensité générale. Si les données sont hautes, le staff peut alors décider d’avancer son coaching ou de le retarder dans le cas contraire.

  • L'analyse 

C’est dans le travail d’après-match qu’apparaissent alors les fameux « expected points » (points marqués attendus», en français), qui servent à mesurer l’efficacité d’une équipe.« On va générer un score attendu, pour objectiver notre domination », explique Briac Pouyé. C’est un modèle statistique, généré par un algorithme. On fait ce travail sur nos matchs mais aussi sur toutes les équipes. Cela permet de voir que le Stade français a cette capacité à dévaloriser les possessions adverses, c’est-à-dire à ne pas prendre de points quand l’adversaire est en position favorable, c’est aussi le modèle sud-africain. » Le travail d’après-match est phénoménal en raison du nombre de données pour décrypter les performances individuelles et collectives. Cela permet aussi de situer objectivement son équipe par rapport aux autres : « On va collecter des données de tous les matchs, pour bien nous évaluer et définir les tendances de notre jeu, avec ce qu’elles génèrent de très positif ou de très négatif par rapport aux autres équipes. Par exemple, c’est 25 à 26 % d’essais sur une touche à 5 mètres, donc est-ce que l’on va être en dessous ou en dessus ? Ce sont ces choses-là que l’on doit regarder sur plusieurs matchs. »

C’est un outil prédominant dans le rugby moderne mais, au-delà des éléments de communication et des effets de mode, en quoi les data aident réellement à la performance au quotidien.https://t.co/794dQBk08z

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) April 2, 2024
  • Le joueur

Les joueurs ont accès à de plus en plus d’informations même si la cellule data des clubs effectue un travail de filtrage, pour éviter un éparpillement. Mais, Nicolas Buffa reconnaît que la nouvelle génération a grandi avec les data : « Depuis le centre de formation, ils vivent avec la vidéo, les données chiffrées, etc. Ils sont donc calibrés pour le haut niveau. Du coup, il faut qu’on soit à la hauteur face à eux, de leurs besoins, de ce qu’ils sont capables d’absorber. L’enjeu est là. Voilà pourquoi il faut parvenir à synthétiser les données et arriver à sortir les bonnes informations. Car eux peuvent les assimiler [...] Ces garçons qui sont en demande, on appelle ça « être maître du projet. » C’est ce qu’on voulait, que les joueurs soient leaders sur ce plan, parce que ce sont eux sur le terrain. Tous sont aujourd’hui très à l’aise avec ce travail mais on a aussi pas mal d’interactions avec eux. Ils fournissent de leur côté du travail sur l’analyse stratégique collective pour la préparation des matchs. Sur l’attaque, la défense, le jeu au pied… Ce sont les joueurs qui produisent, qui présentent, qui participent aux choix. Et nous amenons la brique technologique autour, pour permettre aux coachs et aux joueurs d’être plus confortables, de travailler encore mieux. Maintenant, c’est devenu naturel. C’est pleinement intégré dans la construction collective [...] Un mec comme Thomas Ramos sera entraîneur, c’est évident au vu de ses compétences. Lui, comme certains autres, savent très bien se servir des outils. Du coup, quand ils préparent un travail sur un adversaire direct, ils sont à l’aise. »

  • Le recrutement

Il est certain que les data n’ont pas la même importance au rugby qu’en football par exemple, comme l’explique Briac Pouyé : « Le marché est restreint car nous ne pouvons pas chercher un joueur de D3 anglaise car l’écart de niveau est trop importante. Mais on va pouvoir sur X années analyser le comportement du joueur, son évolution. Comparer les données avec les joueurs déjà présents dans notre effectif et cela va permettre de le « ranker » de manière un peu plus objective. C’est une information pour bien décider, même si d’autres choses entrent en compte. Tout le monde connaît les bons joueurs mais ça permet de repérer les joueurs un peu sous-évalués par le marché. »

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Les commentaires (4)
CasimirLeYeti Il y a 25 jours Le 04/04/2024 à 18:08

Thomas Ramos, je me souviens l'avoir vu en EdF (22 minutes de temps de jeu sur 3 bouts de matchs) pendant le Tournoi 2020, sur des images. Ben, c'était lui qui expliquait où les mecs devaient se positionner et comment réagir sur des situations terrains à la vidéo ! Il était remplaçant de chez remplaçant et avait découvert l'EdF, pendant le tournoi juste un an plus tôt, en plus, il y avait eu des frictions et des accrocs en CdM 2019... Là, tu vois direct l'étoffe d'un futur coach !

Djive-ST Il y a 25 jours Le 04/04/2024 à 02:01

Les datas confirment « Toulouse rentre majoritairement dans cette zone par un jeu à la main, » jeux de mains jeux de Toulousains ! Mais j'aimerai que l'on m'explique comment les datas qui sont des données objectives peuvent analyser la « charge mentale ». Et puis les datas c'est un grand pour dire données ! Données statistiques ! Donc analyse et interprétation ! Ce qui fait le charme des « Datas » c'est que ce sont des données tirées d'êtres humains et donc les données obtenues sont variables en fonction du mental et le mental les « datas » sont incapables de les analyser avec un capteur !

PRESIDENT Il y a 26 jours Le 03/04/2024 à 18:03

Quelques bas du front ont critiqué Galthie pour son amour des datas et des expected points...tiens on ne les lit pas ici !!

DARTAGNAN Il y a 26 jours Le 03/04/2024 à 19:07

Bonjour,
Effectivement les datas prennent de plus en plus d'importance dans la préparation et ensuite dans l'analyse des matchs. Mais pendant les matchs c'est quand même sur le terrain que cela se passe et je ne pense pas que les joueurs pensent aux datas quand ils jouent. J'ai en mémoire une réflexion d'Ugo Mola après la dernière finale de Top14 à propos de Ntamack : les datas le donnaient "cramé" et il aurait du le sortir s'il avait écouté les datas... Heureusement il ne l'a pas fait et le ST a gagné sur une fulgurante de Ntamack...
il faut donc considérer, ce n'est que mon humble avis, les datas comme un outil complémentaire à la disposition des staffs, mais surtout pas comme l'alpha et l'omega du rugby. Quant aux "bas du front" qui ont critiqué Galthié, ils l'ont certainement fait de bonne foi car ils voulaient entendre parler de rugby comme au café du commerce et non pas comme on disserte dans un amphithéâtre de fac de maths ! Mais cela n'enlève en rien que les datas prennent une vraie part dans le monde du sport de haut niveau.