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6 Nations 2024 - "L’intensité combattue ? Je n’ai pas trop compris... " : Imanol Harinordoquy (consultant Midi Olympique) débriefe France-Irlande

Par Rugbyrama
  • Imanol Harinordoquy est revenu sur la défaite de l'équipe de France.
    Imanol Harinordoquy est revenu sur la défaite de l'équipe de France. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Imanol Harinordoquy, consultant Midi Olympique, est revenu sur la gifle reçue vendredi soir à Marseille par le XV de France face à l'Irlande. Du haut de ses 82 sélections en bleu, il porte un regard éclairé sur les raisons de cet échec majuscule.

Êtes-vous déçu de la performance du XV de France ?
Sans aucune surprise, les Bleus sont tombés sur une équipe qui a pratiqué un très bon rugby, très juste, très costaud dans tous les compartiments du jeu. C’est la marque de fabrique de cette équipe. Et dès lors qu’elle a pris l’avantage au score, le XV de France s’est désorganisé. Je n’ai pas vraiment vu d’action collective, pas d’enchaînement. Il y a eu beaucoup de déchets. C’était poussif.

En quoi le carton rouge a-t-il contribué à la désorganisation du XV de France ?
Le scénario du match a forcément compliqué la tâche des joueurs. À 14 contre 15, au regard du rugby pratiqué, c’était mission impossible. Pour battre les Irlandais, il faut être au top de notre forme et de notre maîtrise rugbystique. Le carton rouge a impacté d’abord la présence dans les rucks. À un de moins, on ne peut pas se permettre de se consommer autant dans les phases de combat au sol. Il faut alimenter la ligne, mais le revers de la médaille, c’est que ça offre à l’adversaire des libérations de balles plus rapides. Ensuite, en perdant Willemse, les Bleus ont perdu leur meilleur défenseur sur les ballons portés. Ses larges épaules ont fait cruellement défaut et les Irlandais ont marqué deux fois sur des mauls. Même constat en touche. Willemse est de toutes les combinaisons car c’est le "lifteur" prioritaire. Il a donc fallu se réorganiser. Sans même parler du coaching qui a été chamboulé.

Justement, le secteur de la touche n’a-t-il pas souffert d’un manque d’équilibre ?
Le staff a fait le choix de se priver de Woki au coup d’envoi, ce qui explique probablement le manque de variété dans les annonces en touche. Et qui s’est amplifié avec le carton rouge de Willemse. Un garçon comme Woki a manqué notamment en contre. Il nous a toujours manqué 50 centimètres pour contester les ballons irlandais. Charles (Ollivon) a bloqué le fond de l’alignement mais dans la zone entre le premier et le deuxième sauteur, les Irlandais ont su utiliser l’espace.

Avez-vous senti un manque d’énergie de la part des joueurs français ?
Oui, mais quand tu passes ton temps à défendre, tu te fatigues plus vite. C’est inévitable. Or, les Bleus ont pris des vagues successives et ont défendu sur les talons. À la mi-temps, on a bien senti que cette équipe de France était dans le dur physiquement.

Le choix d’avoir fait confiance à de nombreux trentenaires est-il coupable ?
Ça ne m’a pas choqué. Avoir des trentenaires dans une équipe n’est pas le problème. Ce sont des joueurs qui ont une expérience collective commune importante. Ça doit être une force. Sur ce match, ça s’est mal passé. Mais il y a des circonstances atténuantes. Il y a eu pas mal de bouleversements en amont de la rencontre. Sans oublier que le premier match du Tournoi n’est jamais le plus simple à gérer. C’était une finale avant l’heure, ce qui a mis beaucoup de pression sur les joueurs. Digérer cette gifle ne va pas être simple, on a vraiment pris une leçon.

Mais les trentenaires pourront-ils viser l’objectif de la coupe du monde en Australie en 2027 ?
Au regard des calendriers du rugby français, on ne verra jamais un joueur de 37 ans dans le squad du XV de France pour une coupe du monde, comme ont pu le faire les Sud-Africains avec Deon Fourie. À mon sens, il y a en France une surcharge d’entraînement. On ne laisse pas le temps aux joueurs de se régénérer. Certains n’ont plus grand-chose à apprendre rugbystiquement mais on les fait s’entraîner toute la semaine. Une réflexion devait être menée à ce sujet, notamment pour des joueurs trentenaires. Pour l’instant, ça se fait dans certains clubs mais vraiment à la marge.

Fabien Galthié a justifié certains choix par sa volonté de privilégier "l’intensité combattue" à "l’intensité courue". Est-ce un pari perdant ?

Franchement, je n’ai pas tout compris (rires). Surtout, l’intensité combattue, je ne l’ai pas vue à Marseille. Pour moi, sur un terrain de rugby, il faut courir et combattre en trouvant le bon équilibre. Résultat, l’équipe de France a été prise sur ces deux paramètres.

N’avez-vous pas le sentiment que l’échec du quart de finale de la Coupe du monde n’a toujours pas été digéré ?
C’est la question que je me posais avant le match. J’ai eu la réponse. Pour moi, les joueurs n’ont toujours pas digéré cette défaite. Ce n’est pas simple. C’est même éprouvant. J’espérais qu’il y ait plus de fraîcheur mentale à l’idée de se retrouver, de débuter un nouveau cycle, de marquer vite les esprits. J’ai finalement vu des joueurs sans solution, vite se désunir.

L’équipe de France ne souffre-t-elle pas d’une absence de véritable identité de jeu ?
Ne crachons pas sur tout ce qui a été fait pendant quatre ans. C’est un nouveau cycle qui commence avec de nouveaux entraîneurs. Il y a donc forcément un changement de discours, de méthode d’entraînement, de plans de jeu. Il y a de la continuité, mais pas uniquement. Les cartes ont été redistribuées. Le staff doit trouver son équilibre en interne.

Comment imaginez-vous la prochaine rencontre en Écosse ?
(Il souffle longuement) Ça ne va pas être simple… Le challenge sera costaud. Comme l’a dit Grégory Alldritt, les joueurs vont devoir se regarder dans le miroir et qu’ils se disent leurs quatre vérités. Tout le monde attend une réaction. J’ai été joueur, je sais comment ça se passe. Ce sont eux les premiers déçus, les premiers insatisfaits de la copie rendue. Je suis sûr qu’il y a de la colère en eux. Ils savent aussi qu’ils ne pourront pas faire plus mal que vendredi soir. Ils montreront un autre visage, j’en suis convaincu.

Ne craignez-vous pas, qu’après l’état de grâce, le début d’une période difficile pointe le bout de son nez ?
Avant même ce premier match, c’est ce que je redoutais en raison de la réduction des moyens mis à disposition du XV de France. Jusque-là, tout était mis en œuvre pour qu'il soit dans les meilleures dispositions pour gagner la Coupe du monde en France. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mais je crois en l'avenir de cette équipe.

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Les commentaires (5)
envoituresimone Il y a 2 mois Le 06/02/2024 à 12:51

L'intensité combattue c'est un leurre intellectuel dans lequel les zhommes en verts ne sont pas tombés. Ils sont trop simples et directs pour s'encombrer de salamalecs. Par contre il faudra que la Galette se tâte plus le melon, il est trop mûr à mon avis.

Vandaly Il y a 2 mois Le 06/02/2024 à 12:46

Le management de Galthié n'a pas l'air très inclusif, et les U20 d'aujourd'hui s'en apercevront sans doute comme les trentenaires d'hier. Comme eux ils se demanderaient alors comment suivre quelqu'un qui ne se trompe jamais, prend "la défaite pour lui" contre l'Af sud mais n'explique rien du tout.

Aberwrach Il y a 2 mois Le 05/02/2024 à 12:45

Pourquoi il y a-t-il une fixation sur les trentenaires ? Cette obsession de vouloir ne mettre que des U20 partout en Top14 et en EdF comme s'ils avaient toutes la science des matches. Comme dans une entreprise les "vieux" transmettent aux jeunes et combien d'entreprises se sont mordus les doigts d'avoir mis les "vieux" dehors.
Le traumatisme de la CdM me parait trop facile; si les joueurs continuent de pleurer le 1/4 de final il faut les remplacer. Dans la vie active si nous devions nous arrêter aux échecs nous ne serions plus beaucoup à travailler.
Redescendons sur Terre.
Mais peut-être que le discours de F. Galtier ne passe plus pareil.