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6 Nations 2024 - Exclusif. Maxime Lucu : "Avec Matthieu Jalibert, on est comme un vieux couple, sans la monotonie"

Par Rugbyrama
  • Maxime Lucu s'est longuement confié sur son début de saison et sa relation avec Matthieu Jalibert.
    Maxime Lucu s'est longuement confié sur son début de saison et sa relation avec Matthieu Jalibert. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Rendez-vous avait été pris samedi à l’issue de la rencontre entre l’UBB et le Stade français. Le résultat en faveur des Parisiens nous a fait craindre le pire... Mais cinq minutes après le coup de sifflet final, Maxime Lucu, demi de mêlée du XV de France était ponctuel, sourire aux lèvres "même si j’ai eu envie de casser la télé", disait-il d’emblée au téléphone. Il n’en a rien fait. Surtout, il s’est livré avec sa franchise et sa lucidité habituelles. La succession d’Antoine Dupont dans ce Tournoi des 6 Nations, le poids de ce dernier sur le XV de France, sa personnalité introvertie, son objectif de vivre une seconde Coupe du monde en bleu en 2027 ou encore sa relation avec le sélectionneur Fabien Galthié et son nouveau rôle de leader, le Basque n’a éludé aucun sujet. Entretien.

Le sélectionneur Fabien Galthié a décidé de vous intégrer à son groupe de leader pour suppléer l’absence d’Antoine Dupont. Avez-vous le sentiment d’avoir un nouveau statut en équipe de France pour ce Tournoi des 6 Nations ?
Je suis dans le groupe de l’équipe de France depuis maintenant trois ans. Dès que j’ai du temps de jeu ou pendant les semaines d’entraînement, j’essaie de prendre du poids. De par mon poste, je suis obligé de m’intéresser à la stratégie. Et je l’ai toujours fait avec beaucoup de plaisir. Maintenant, Antoine étant absent durant toute la compétition, je dois prendre encore un peu plus de poids. Avoir le numéro neuf dans le dos, c’est forcément beaucoup de responsabilités. C’est en cela que mon statut a peut-être changé.

Vous avez une personnalité plutôt discrète, comment s’est déroulée votre intégration dans le groupe des leaders ?
Je dois reconnaître que je suis assez timide et discret. Mais de par mon poste, j’ai besoin d’avoir du cran, de prendre mes responsabilités. J’ai dû forcer un peu ma nature. Mais le fait de participer à la stratégie, de trouver des solutions pour mettre à mal les défenses adverses, c’est quelque chose qui me plaît. Ça s’est donc fait assez naturellement. Après, je ne suis pas celui qui parle le plus. Mais dès qu’on fait appel à moi, j’essaie de répondre présent, d’apporter ma pierre à l’édifice.

Paradoxalement, vous êtes un joueur très expressif sur le terrain. Existe-t-il deux Maxime Lucu ?
Le terrain, c’est mon exutoire. J’ai besoin de m’exprimer, de gueuler, de haranguer. Mais vous ne me verrez jamais faire ça dans la rue, ni dans la vie de tous les jours (rires). J’aurais peur de passer pour un fou. Au quotidien, je n’aime pas parler de moi ou me mettre en avant. Mais quand je suis sur un terrain, j’ai besoin de m’exprimer parce que ça bouillonne en moi. C’est mon côté schizophrène (rires). Dans un match, je joue chaque action comme si c’était la dernière. D’ailleurs, je déteste me regarder à la télévision. Quand je revois des actions en séance vidéo ou sur des émissions de télé et que je me vois crier, je me dis : « Mais quel abruti ! ».

À ce point-là ?
Ça me gêne vraiment. En fait, sur l’instant, je ne ressens pas que je suis aussi démonstratif, que je crie autant. Je vis le moment à 100 %. J’oublie qu’il y a les caméras. Et je regrette un peu. Mais bon... Ça fait partie de moi, de ma personnalité.

La succession d’Antoine Dupont est-elle lourde à porter ?
Il y a forcément toujours un peu de pression en équipe de France. Mais quand tu passes derrière Antoine, il y en a un peu plus. C’était vrai lors de ces trois dernières années lorsqu’il était absent ou quand je le remplaçais en cours de match. C’est encore plus vrai probablement aujourd’hui. Mais j’essaie d’apporter autre chose, de faire progresser l’équipe. Je ne suis pas là pour faire du Antoine Dupont. Je me suis préparé mentalement pour ce Tournoi car j’aurai plus de responsabilités.

Maxime Lucu devrait prendre la suite d'Antoine Dupont avec les Bleus.
Maxime Lucu devrait prendre la suite d'Antoine Dupont avec les Bleus. Icon Sport - Icon Sport

Comment avez-vous vécu la confiance du sélectionneur qui a très vite clarifié le « ranking » au poste de demi de mêlée ?
Je n’ai pas eu de discussion particulière avec Fabien. En sortant de la Coupe du monde, c’était très clair : mon histoire avec l’équipe de France n’était pas terminée. Hors de question pour moi de conclure mon histoire en bleu sur un tel échec. Je voulais être performant en club pour jouer le Tournoi des 6 Nations. J’ai aujourd’hui plus de maturité qu’il y a trois ans et mentalement je ne me suis jamais senti aussi bien. Certes, j’ai 30 ans et la question de mon âge est légitime. Quand Fabien a pris en main la sélection, des mecs comme Maxime Machenaud ou d’autres n’ont plus été appelés en bleu alors qu’ils avaient 30 ou 31 ans. C’est mon âge aujourd’hui. Seulement, en l’absence d’Antoine, je me suis dit que j’avais une belle opportunité. Et puis, quand je vois que les Boks ont été champions du monde avec une quinzaine de mecs qui ont plus de 30 ans, je ne me suis pas posé de question. Tout se joue au niveau de la performance. J’ai donc tout fait pour être là.

Est-ce que cela explique aussi votre niveau de performance depuis le début de saison avec l’UBB ?
Oui, c’était une vraie motivation. Je ne m’en cache pas. Je n’ai pas eu une trajectoire toute tracée comme d’autres qui ont connu l’équipe de France depuis leur plus jeune âge. J’essaie donc de profiter et de montrer que je peux encore être au niveau du XV de France.

Comment avez-vous vécu d’être considéré comme celui qui a accepté d’être l’éternelle doublure d’Antoine Dupont ?
C’est un sentiment étrange car je suis comme tout le monde : je lis les réseaux sociaux, la presse… J’ai lu tous ces commentaires. Je me souviens m’entendre dire : "Mais bordel, personne ne me respecte". C’est très dénigrant. Mon entourage a forcément été touché. Mais la perception est très différente dès lors que je suis en équipe de France. Je ressens beaucoup de confiance en interne. Dès le début, le staff a été très clair sur mon rôle. Avoir Antoine Dupont à son poste, c’est comme pour les ouvreurs néo-zélandais à l’époque de Dan Carter : on sait qu’on ne va avoir que des bribes de matchs. Pour moi, au lieu de me poser dix mille questions, j’ai préféré chercher à comprendre ce que j’allais pouvoir apporter sur ces bribes de matchs.

Tout le monde se posait la question de savoir si l’équipe de France serait capable de jouer sans "Toto"

Comment avez-vous perçu le battage médiatique fait autour d’Antoine Dupont durant le Mondial ?
Là, pour le coup, j’ai eu un peu de peine pour Antoine. Le connaissant et le côtoyant au quotidien, je sais que ce n’est pas son truc. Il se sert de sa notoriété médiatique et il a raison, mais ce n’est pas dans sa nature profonde. Tout ce battage médiatique autour de sa blessure lui a mis beaucoup de pression. Beaucoup trop. Entre le match de l’Italie et celui de l’Afrique du Sud, on a quand même vécu un truc de dingue. Il faudrait lui poser la question, mais je suis convaincu que cela ne lui a pas rendu service, ni au groupe. Tout le monde se posait la question de savoir si l’équipe de France serait capable de jouer sans "Toto".

N’est-ce pas pesant ?
(Il souffle longuement...) Ça fait partie du jeu. En 2011, les Néo-Zélandais ont vécu la même situation quand Carter s’est blessé. Et pourtant, ils ont été champions du monde sans lui. On nous avait préparés à ça, on avait déjà eu un avant-goût avec la blessure de Romain (Ntamack). À la fin, on n’y prêtait même plus attention. Sinon qu’on était gêné pour « Toto ».

Ne pas être entré en jeu contre l’Afrique du Sud en quart de finale, est-ce une frustration ?
Comme pour tous les matchs, j’aurais aimé jouer. Mais, j’aurais surtout préféré qu’on gagne, que je rentre sur le terrain ou non. Avant ce match, c’était déjà arrivé deux ou trois fois et personne n’en avait fait un fromage.

N’êtes-vous pas trop altruiste ?
Il faut l’être ! C’est indispensable, même si je sais que tout le monde ne raisonne pas ainsi. Mais c’est comme ça qu’on gagne une Coupe du monde. Qui pensait que Faf De Klerk débuterait le quart de finale sur le banc des remplaçants ? Il aurait pu mal le prendre et faire chier le groupe. Résultat : quand il entre en jeu, il est décisif et fait gagner son équipe.

Antoine Dupont vous a-t-il fait passer un message avant ce Tournoi des 6 Nations ?
Non, il sait que je suis et que nous sommes des grands garçons. Quand il s’est blessé durant la Coupe du monde, il n’est pas non plus venu toutes les cinq minutes pour me dire : « ça va bien se passer. » Antoine sait rester dans son coin, à sa place. Il ne cherche pas à être omniprésent. J’apprécie vraiment son attitude dans ces moments-là.

Maxime Lucu a confirmé son statut de leader à l'UBB.
Maxime Lucu a confirmé son statut de leader à l'UBB. Icon Sport - Icon Sport

La Coupe du monde 2027 en Australie est-elle un objectif pour vous ?
Oui ! Sans aucune hésitation. Évidemment, la question de mon âge traversera forcément l’esprit du staff à un moment ou un autre, mais je veux tout faire pour rester performant.

Votre capitanat à l’UBB a-t-il changé quelque chose dans votre approche ?
Je crois que je m’ouvre davantage aux autres. Je savais que ma timidité pouvait être un handicap dans le monde du haut niveau professionnel, j’ai donc fait des efforts de ce point de vue. Mais ce n’est pas forcément mon capitanat à Bordeaux qui m’a fait prendre conscience de tout ça, ce sont plutôt mes passages en équipe de France.

Pourquoi ?
Parce que tu es confronté aux meilleurs joueurs de France. Des mecs qui ont de l’expérience, qui ont gagné des titres, qui ont de fortes personnalités. J’ai compris que pour être un meilleur joueur, il faut du caractère. Et quand Yannick (Bru) a commencé à me parler du capitanat, je savais qu’il fallait que je m’investisse. Nous n’avons pas de star dans l’équipe, le groupe est homogène. Nous avions besoin que des leaders émergent. J’ai donc essayé, à travers mes performances, d’être un de ceux-là.

Justement, on dit souvent que la charnière Lucu-Jalibert symbolise l’eau et le feu. Est-ce si vrai que ça ?
Les gens ne savent pas tout. Sur un terrain, je peux vous assurer qu’entre Matthieu et moi, c’est parfois chaud. Je râle, je peste et il m’arrive de l’insulter en plein match, comme lui peut le faire aussi. Je suis peut-être plus calme que lui mais notre association est une force. Son caractère m’oblige à sortir de ma réserve. Au contraire, il a parfois besoin de mon calme pour tempérer ses ardeurs. Et ça nous fait progresser, ça rend l’équipe plus forte.

Sans jamais "clasher" ?
Franchement, ce n’est jamais arrivé. On en rigole même entre nous. On est un peu comme un vieux couple, mais sans la monotonie (rires).

Il y a cinq ans, vous jouiez encore en Pro D2 à Biarritz. Vous imaginiez-vous un jour être un des leaders du XV de France ?
Je rêvais de l’être avec Biarritz, de monter en Top 14, mais certainement pas en équipe de France. Même en arrivant à Bordeaux, je ne me voyais pas faire une Coupe du monde quatre ans après.

Vous allez affronter l’Irlande, autre grand favori de la compétition, dès la première journée du Tournoi. Est-ce la meilleure façon de remonter à cheval après votre chute en quart de finale du Mondial ?
C’est le match qu’il nous fallait pour évacuer notre frustration. Le contexte sera idéal : recevoir l’Irlande à Marseille devant un public chaud bouillant, on ne pouvait pas espérer mieux.

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Les commentaires (5)
envoituresimone Il y a 2 mois Le 30/01/2024 à 11:40

Attention mais contre les Irlandais c'est un match piège pour lui et personnellement je pense qu'il faudra qu'il fasse un exploit pour s'en sortir.

LoneWolfe Il y a 2 mois Le 29/01/2024 à 13:38

Je trouve que c'est un très bon numéro 2 qui endossera très bien le rôle de numéro 1. J'ai trouvé dommage qu'il ne soit pas titulaire contre les Sud Africains. Dupont aurait pu juste rentrer 20 mn et ça aurait pu être bénéfique. Dupont est évidemment un cran au-dessus mais pour moi Lucu est vraiment pas mal. Bien sûr ça n'engage que moi et je suis loin d'être sélectionneur.

Gcone1 Il y a 2 mois Le 28/01/2024 à 23:23

On lui fait pas dire ! Vieux et Prévisibles !

LoupVert Il y a 2 mois Le 29/01/2024 à 10:14

@GdéCONE1 Je te ressers une de mes citations préférées :
"Parfois, discuter avec un con, c'est comme essayer de jouer aux échecs avec un pigeon. Tu as beau être très fort aux échecs, il arrive, renverse les pièces, chie sur l'échiquier et s'en va avec l'air supérieur comme s'il avait gagné."

Sudiste Il y a 2 mois Le 29/01/2024 à 22:10

Très bon LoupVert...je déteste ces commentaires de pseudo connaisseurs qui n'apportent rien que la mise en lumière de la médiocrité de leur auteur