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Champions Cup / Top 14 - Will Skelton : "Je devais à tout prix faire évoluer ma défense"

Par Propos recueillis à La Rochelle par Vincent Bissonnet
  • Will Skelton, deuxième ligne du Stade rochelais.
    Will Skelton, deuxième ligne du Stade rochelais. Midi Olympique - Patrick Derewiany - Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Le géant wallaby évoque le défi de la qualification en Champions Cup, sa Coupe du monde avec l’Australie, le cas Emmanuel Meafou, l’évolution de son jeu et ses ambitions à court et moyen terme.

Depuis votre retour en jeu le 2 décembre, on vous voit chaque week-end sur le terrain. Comment allez-vous ?

Ça doit être ma plus longue série de rencontres depuis un bon moment avec ces six matchs consécutifs. C’est bien de pouvoir enchaîner, de sentir que mon corps en est capable.

Que représente à vos yeux la première victoire à l’extérieur de votre saison à Pau, samedi dernier ?

On sait tous la valeur d’un succès à l’extérieur en Top 14, à quel point il est dur de réaliser cette performance. Ce succès a apporté une bonne petite dose de confiance et amène une nouvelle dynamique à notre saison. Il a fallu attendre la moitié du championnat pour enfin gagner en déplacement après avoir ramené beaucoup de bonus jusqu’alors. À nous de lancer une série.

De toute manière, vous n’avez pas le choix en Champions Cup, après les deux défaites d’entrée…

Clairement, nous ne sommes pas dans la meilleure position mais ça n’enlève rien à la confiance que j’ai en ce groupe. Nous n’avons pas montré notre meilleur visage ces derniers temps mais nous avons encore toutes les armes pour revenir à un niveau optimal. En plus, on adore ce genre de défi et cette épreuve.

Vous le premier, d’ailleurs : sur les cinq dernières éditions, vous avez disputé quatre finales et remporté trois titres, avec les Saracens puis le Stade…

J’ai énormément de bons souvenirs avec cette épreuve. J’ai eu la chance de la disputer avec des clubs qui en faisaient un véritable objectif et qui se donnaient les moyens. Il faut à la fois du talent et une grande force collective pour en arriver au bout.

On a l’impression de retrouver enfin le Stade rochelais. Comment jugez-vous votre évolution ?

Il nous a fallu du temps après la Coupe du monde. C’est un peu comme si on avait eu une gueule de bois à ce moment-là, entre la fatigue et l’usure. On est en train de se reconnecter. Nous ne sommes pas encore à 100 % mais ça va aller en s’améliorant, au fil des entraînements et des victoires, j’espère.

Les semaines à venir vont être décisives pour vous permettre d’atteindre vos objectifs…

Nous avons une finale face à Leicester. Et il y en aura une autre face à Sale. Puis il y aura deux matchs de Top 14 avant le début du Tournoi. De nombreux gars vont alors repartir en sélection et ce sera à ceux qui restent d’assumer les responsabilités. C’est pour ces périodes-là aussi que le club a voulu recruter des gars comme Tawera Kerr-Barlow, Dillyn Leyds ou moi : pour garder le cap et encadrer les jeunes. Il faudrait que, lorsque les internationaux reviendront, nous soyons dans une bonne posture pour prétendre aux victoires finales dans les deux compétitions.

Vous avez évoqué la gueule de bois post-Mondial. Comment avez-vous vécu cette étrange période qui vous a vu débarquer en France comme capitaine des Wallabies puis assisté à l’élimination des vôtres en étant blessé ?

C’est sûrement une des pires positions dans laquelle vous pouvez vous retrouver. Quand vous êtes le capitaine, vous êtes censé être le leader. Je le suis par l’action, en plus. Mais quand tu ne joues pas, eh bien tu ne peux pas faire grand-chose. J’ai essayé d’aider les autres, j’ai délégué aux plus jeunes… Dans toutes les aventures que je vis, j’essaye de tirer du positif : j’ai appris beaucoup auprès d’Eddie Jones, Nic White, James Slipper et même Michael Hooper lors des camps d’été. C’était une expérience dure à vivre mais je n’ai aucun regret.

Vous avez eu de grands succès et accomplissements dans votre carrière mais il y a comme une malédiction sur vos Coupes du monde : lors des trois éditions que vous avez connues, vous vous êtes blessé et n’avez disputé que trois matchs au total…

Oui, c’est vrai. Que voulez-vous ? J’ai été malchanceux. C’est la vie (en français). Dans la vie d’un rugbyman, il y a des blessures. Vous ne pouvez pas avoir que des bons moments, il faut aussi accepter les moins bons. C’est dur quand j’y repense mais ça ne m’a pas empêché de vivre des choses très fortes, notamment lors des rassemblements. Cette année, le groupe était jeune, il s’est entraîné dur. Nous n’étions juste pas assez bons à ce moment-là.

La suite va s’écrire avec vous comme vous l’avez annoncé dès la fin de la Coupe du monde…

Oui, je l’espère. Vous savez, la seule chose sur laquelle j’ai un contrôle, ce sont mes performances avec La Rochelle. Si je joue à un bon niveau, peut-être que je serai de nouveau appelé ; si je ne suis pas performant, le coach ne me prendra sûrement pas. Il y a ce que l’on maîtrise et ce qui n’est pas de notre ressort.

Il y a la tournée des Lions britanniques et irlandais en 2025 puis la Coupe du monde 2027 à domicile à l’horizon. On ne peut imaginer plus belles sources de motivation, non ?

Il y a de très belles échéances à venir, effectivement. Ce sera de grands défis à relever. Je sais que le potentiel est là mais la transformation ne se fera pas par un tour de magie. Il faudra du temps et beaucoup de travail pour que les Wallabies retrouvent le niveau qui doit être le leur. Je sais que nous sommes capables de rebâtir une équipe forte. Tous les gars qui ont 22, 23 ans aujourd’hui en auront 26, 27 lors de la prochaine édition. Ils seront plus forts alors. L’expérience collective de ce Mondial servira aussi.

Concrètement, 2027 est-il dans un coin de votre tête ?

Pour la Coupe du monde ? Oui, je n’aurai que 35 ans. Si je prends bien soin de mon corps, je pense que je peux le faire. Mais c’est dans trois ans, c’est loin.

Il est toujours bon de se fixer des objectifs, non ?

Oui mais il y en a d’autres avant. Cette année, je veux tenter de gagner les deux trophées avec La Rochelle. Et après, si mes performances me le permettent, je retrouverai les Wallabies. Chaque chose en son temps.

Vous parlez de prendre soin de votre corps. Si vous avez eu votre lot de pépins, vous restez sur trois saisons à plus de vingt-cinq matchs. Quel est votre secret ?

Il y a des gars au club qui dépassent même les trente rencontres par an… C’est ce pourquoi j’adore évoluer en Europe : vous pouvez jouer beaucoup. J’adore les longues saisons. S’entraîner est dur mais c’est génial d’avoir un match chaque week-end. J’ai eu une forme de chance. Sur mes premières années au club, j’ai eu des cartons rouges et des suspensions qui m’ont permis de souffler ; l’année dernière, j’avais eu des semaines de repos forcé, aussi, après une blessure. Sinon, il n’y a pas de secret, je m’efforce de prendre bien soin de moi. Vous n’avez pas le choix de toute manière si vous voulez durer. Encore plus en France car une saison de Top 14 équivaut à trois de Super Rugby.

Le Top 14 est réputé pour être le championnat le plus rugueux devant. Est-ce le plus attractif et appréciable pour un deuxième ligne ?

Oui, c’est ce que je pense. Il y a de sacrées rivalités au poste : vous affrontez Emmanuel Meafou, Tomas Lavanini, Marcos Kremer… Il y a beaucoup de stars et il y a tous les jeunes Français également : ils sont physiques mais aussi intelligents. Elle est loin l’époque où l’on percevait les Français comme des mecs rugueux. Vos gars savent jouer au rugby.

Vous avez parlé d’Emmanuel Meafou qui s’apprête à découvrir le niveau international avec les Bleus et qui vous considère comme un modèle à suivre. À quoi vous attendez-vous de sa part ?

Il est énorme. Le ciel est la limite pour un gars comme lui. Quand je vois tout ce qu’il sait faire avec la balle, son boulot en défense et dans les rucks, sa manière de casser les mauls… Quand j’ai débuté, il n‘y avait pas vraiment de joueurs de notre profil qui savaient en faire autant et dont je pouvais m’inspirer. C’est flatteur de savoir qu’il me voit comme ça. Vous savez, les joueurs de notre physique ne sont pas perçus comme des deuxième ligne modèles en Australie. On a tendance à être mis de côté… Pour Manny, le fait d’arriver en France, d’être accueilli à bras ouverts, d’avoir la chance de jouer dans un championnat si compétitif et bientôt de représenter la France, c’est un grand honneur. Il sera performant sur la scène internationale, je n’en doute pas. C’est le genre de joueur que le rugby mondial attend. Il est en train de changer le jeu et la perception que les gens ont des joueurs de rugby. On a l’habitude de dire qu’au rugby, il y a une place pour tous les physiques ; il y a même une place pour un gars comme Manny. La manière dont il est intégré à un collectif et ce qu’il apporte en tant qu’impact, ce sont des choses très intéressantes.

Dans le genre costaud qui sait tout faire, vous avez été un précurseur. On a même l’impression que vous progressez encore…

Les vieux chiens n’apprennent pas de nouveaux tours, c’est ce que l’on dit, non (sourire) ? Ici, je suis entouré d’entraîneurs et de mecs dont j’essaye de m’enrichir, comme Pierre Bourgarit, Tawera Kerr-Barlow, Uini Atonio ou Greg Alldritt. Je mets toutes les chances de mon côté pour évoluer positivement.

Qu’aimez-vous le plus faire sur un terrain ?

Je dirais porter le ballon, défier l’adversaire. Et, de manière globale, tout ce qui touche aux collisions, que ce soit dans les mauls ou en défense. C’est la partie la plus dure du jeu mais c’est ce qui permet de mettre l’équipe dans l’avancée.

Vous faisiez référence à vos cartons rouges. Depuis un an et demi, vous n’avez reçu qu’un jaune. Avez-vous travaillé spécifiquement la discipline ?

La première des choses que je peux faire pour aider mon équipe est de rester en jeu. Sur les deux premières années à La Rochelle, j’avais eu deux rouges en club et un avec les Barbarians. Après coup, je m’étais dit : "Stop." Je devais à tout prix faire évoluer ma défense. J’ai donc revu ma technique de plaquage. Je ne peux plus y aller à 100 % en pensant à écraser le mec d’en face comme je le faisais avant. Désormais, je m’engage à 60-70 % et de manière plus réfléchie. Si je ne faisais pas cet effort, vu ma taille, ça pourrait être rouge à chaque impact.

Pouviez-vous imaginer, en signant à La Rochelle, que ce club serait double champion d’Europe trois ans après ?

L’imaginer, non. Mais dès que j’ai signé, j’ai eu de bons pressentiments sur la valeur de cet effectif et de ce groupe. Nous avons tendance à démarrer lentement nos saisons mais c’est le temps de se connecter, de se mettre en route. Dès que les matchs importants arrivent, on se met au niveau. Je me souviens de ma première année : il fallait gagner à Gloucester en huitièmes, on l’a fait ; il y avait eu Sale ensuite puis le Leinster et on l’avait encore fait. Nous les premiers ne connaissons pas notre potentiel, on ne mesure pas tout ce qu’on peut faire Nus avons encore l’ambition de gagner. On n’est pas dans l’optique de se congratuler. Dans dix ans, ce sera le moment de se retourner et de se dire : "Ouah, c’était énorme la finale à Dublin." Mais là, on ne pense qu’au prochain défi. Il y a tellement de leaders dans ce groupe. Quand un mec comme Greg Alldritt prend la parole et dit : "ça va aller les gars", vous ne pouvez que le croire.

Le premier à avoir été convaincu que ce groupe pouvait être au sommet est Ronan O’Gara…

C’est le manager qui donne son identité à une équipe. Si c’est un gagneur, il vous inspirera la gagne. Ronan fixe des standards de très haut niveau. Les semaines d’entraînement ne sont jamais assez bonnes pour lui. Et là, même si on vient de gagner à Pau, il a mis en avant toutes les occasions que nous avons manquées, les essais que nous n’avons pas su empêcher. Il nous demande plus chaque semaine, ça nous incite à donner le meilleur de nous-mêmes.

Vous êtes engagé jusqu’en juin 2025. Savez-vous déjà ce que vous voudrez faire après ?

Il me reste dix-huit mois. On verra, le club va peut-être me parler prochainement d’une prolongation. En tout cas, je suis heureux ici et j’ai encore envie de gagner des titres avec ce club. Ma femme se sent bien, mes enfants sont nés ici. Et je me sens encore jeune.

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Les commentaires (1)
lerital Il y a 3 mois Le 12/01/2024 à 08:50

Superbe joueur et bonhomme!