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Coupe du monde de rugby 2023 - "Le climat entre les joueurs et l’arbitre est devenu délétère" : Romain Poite revient sur l'arbitrage du Mondial

  • Romain Poite.
    Romain Poite. Icon Sport
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Au lendemain de la finale et au terme d'une édition 2023 de la Coupe du monde marquée par les nombreuses polémiques d'arbitrage, notre consultant Romain Poite, ancien arbitre international, revient sur les évolutions négatives du relationnel joueurs-arbitre.

Son regard sur l’arbitrage de la Coupe du monde : "Notre arbitrage a été fortement heurté, challengé, critiqué"

Très souvent, trop souvent au cœur des discussions, l’arbitrage a été le grand animateur de cette Coupe du monde 2023 en France. Un événement qui devra marquer un point de réflexion pour son avenir et son évolution. « La Coupe du monde a démontré cette limite : à vouloir faire du détail dans le détail, notre arbitrage a rencontré des difficultés dans sa compréhension, sa lecture et son approbation. Il est presque devenu plus important que le jeu développé, trop souvent au cœur des commentaires et des réflexions. C'est comme si nous perdions de vu la beauté du jeu ou de l'adversité saine entre les deux équipes, en attendant la décision polémique qui ferait plus parler que la beauté du geste ou de l'action qui allait amener une marque pour l'une ou l'autre équipe. Même les acteurs étaient dans l'attente de la décision avec une certaine schizophrénie. Cette atmosphère, ce contexte, le public les a ressentis. » Et le public, justement, a accentué le focus mis sur l’arbitre. « Cela a gâché les phases finales. Le public ne regardait que ça et n’attendait plus que ça, le coup de sifflet de l’arbitre qui allait provoquer la polémique car pas dans le sens attendu pour son équipe ou celle que l'on voulait voir gagner à n'importe quel prix. »

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Ce climat qui a créé une bulle de tensions autour des arbitres. « C’est ce qui m’a le plus choqué dans les phases finales de cette Coupe du monde : l’ambiance sur les terrains et le climat délétère qui s’est instauré entre les joueurs et l’arbitre. Nous n'étions plus dans la construction commune ou l'accompagnement mais dans la simple adversité. J’ai vu des comportements déviants qui n'existent habituellement pas dans notre sport. Il y avait beaucoup trop de discussions et de contestations, c’est quelque chose qu’on ne voyait plus depuis longtemps et c’est un relationnel dangereux pour notre sport. Les arbitres se sont trouvés contraints d’être toujours dans la justification. Il fallait tout justifier, tout le temps, même les non-décisions pour éteindre les incendies. C’est un niveau de tension beaucoup trop important, qui pollue le déroulement des matchs. Nous sommes sortis du cadre. Jusque-là, seul le capitaine pouvait parler à l’arbitre, et pas à chaque action. Désormais, tous les joueurs parlent trop souvent à l’arbitre, pour mettre la pression ou pour réclamer des explications. Mais ces justifications ne sont pas un dû ! Est-ce qu’un arbitre se permet de juger ou de porter des commentaires sur un joueur qui exécute mal une action ? Et ce climat a transpiré dans le public qui s’est mis à ne regarder que l’arbitrage, plus du tout le jeu et la technique, ou attendre la décision qui porterait la polémique. Je le déplore. Les commentaires sont devenus virulents : on n’attaque plus seulement la fonction, on attaque désormais l’homme. C’est grave. »

Son regard sur l’arbitrage de la finale Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud : "L'arbitrage de Wayne Barnes a été performant"

Énormément sollicité sur cette finale de Coupe du monde et amené à distribuer quatre cartons (un rouge et trois jaunes), l’arbitre anglais Wayne Barnes a dirigé une rencontre très intense, forcément tendue et piégeuse. Romain Poite livre son sentiment global : « J’ai trouvé un arbitrage performant de Wayne Barnes mais aussi de ses assistants. C’était un véritable arbitrage à quatre, précis, équilibré et une excellente connexion de toute l’équipe et notamment avec le TMO, Tom Foley, que j’ai trouvé très à propos sur ses interventions. Sur l’essai d’Aaron Smith (finalement annulé), c’est lui qui interpelle Wayne Barnes sur l’en-avant initial, lors du maul constitué autour de Ardie Savea. Il fallait le voir, ce n’était pas simple… Dans l’ensemble, les décisions ont été très compréhensibles et bien expliquées, y compris sur les situations de carton. »

Cette finale a toutefois été marquée par une ultime décision litigieuse, dans les dernières minutes, avec la dernière possession des All Blacks grattée au sol par le troisième ligne sud-africain Kwagga Smith. Une intervention visiblement illégale, le Springbok posant la main gauche au sol avant d’intervenir sur le ballon. « Effectivement, on voit qu’il pose la main gauche au sol pour garder son équilibre en se posant la question du maintien du poids de corps ou non. Mais cette intervention est hyper rapide, il ressort très vite avec le ballon. Sur ce coup, Wayne Barnes est placé de l’autre côté et ne peut pas le voir. » Malgré tout, la faute peut paraître claire. « Bien sûr que cette action est contestable, qu’elle peut faire parler. Mais résumer l’arbitrage de cette finale à cette action serait malvenu. On ne peut pas demander à un arbitre la perfection pendant quatre-vingts minutes. Comme un joueur, il est sujet à la fatigue, à la tension de la fin de match. Il faut aussi comprendre que pour prendre une décision qui va faire basculer un match avec autant d’enjeux, la faute doit être grossière et évidente. L’arbitre doit être sûr de lui à 100 %, sinon il s’abstient. Placé où il est, Wayne Barnes ne pouvait pas être sûr à 100 %. Mais je le répète : la manière dont il a arbitré cette finale est remarquable »

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Pourquoi, alors, le TMO (arbitre vidéo) n’est pas intervenu pour l’aider sur ce coup ? « C’est un fait technique et le TMO ne peut donc pas intervenir. Ce serait hors protocole. Dans la relation TMO-arbitre central, la recherche de la vérité est importante mais sur tous les aspects techniques, il faut qu’il y ait un détachement. Sinon, on se met tous dans un fauteuil et on laisse faire le TMO, mais cela ne servira pas le rugby. Je prends souvent cet exemple : plutôt qu’un arbitre humain, mettez au milieu du terrain un robot qui a appris toutes les règles par cœur. En 5 minutes, il aura vidé le stade ! Le rugby est tellement légiféré que le robot sifflera tout, tout le temps. Des fautes, il y en a à chaque ruck ou presque. Le propre de l’arbitrage de haut niveau, en rugby, c’est de trier, de prendre la faute qui a une réelle incidence sur le jeu. On en vient au sujet de l’interprétation : l’arbitre doit donner de la cohérence dans sa conduite du match. Il ne peut pas tout siffler. »

Les chocs à la tête, un enjeu pour le futur

Concernant les situations de chocs épaule-tête ou tête-tête, qui ont été la source de nombreux cartons durant cette Coupe du monde, Romain Poite plaide pour une solution plus radicale, qui rendrait de la lisibilité à la règle pour le grand public. « Il y a quelques années, nous avions milité pour imposer la limite de hauteur des plaquages au niveau du plexus, pas de l’épaule. En faisant cela, nous aurions éloigné le point d’impact de la zone sacralisée, la tête. Au joueur, ensuite, de s’organiser en conséquence mais les choses auraient ainsi été beaucoup plus claires. Cette solution n’a pas été retenue et en gardant la limite à l’épaule, on reste proche de la tête. Cela crée une zone grise, avec des impacts à la limite et ce n’est pas toujours compréhensible pour le public. »

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Les commentaires (50)
envoituresimone Il y a 5 mois Le 31/10/2023 à 10:21

Moi je vais vous parler de druides et de chamanes pour vous élevez ce débat. Parce que la malédiction va s'abattre sur cette équipe d'Afrique du Sud, surtout quand les affaires de dopage vont éclater au grand jour.

Bokke2023 Il y a 5 mois Le 31/10/2023 à 13:47

On les attend, au moins cette diffamation permanente et sans fondement à ce jour, trouverait un sens. En attendant les joueurs sud-africains sont testés comme les autres et pour l'instant RIEN !

Belharra Il y a 5 mois Le 31/10/2023 à 09:11

Il n'y a pas si longtemps, si un joueur contestait, il prenait 10 m de plus et ainsi de suite....moi ça m'a calmé vite fait....pourquoi les arbitres ne l'utilise plus ? Il y a des règles pour régler les problèmes. O'keefe avait les outils et il ne les a pas utilisés....pourquoi ?

Jacquot56 Il y a 5 mois Le 30/10/2023 à 22:00

Quelques remarques:
1- Nous étions nombreux à constater sur les grands écrans les fautes manifestes des sud-africains non sanctionnées.
2-L'arbitre n'a pratiquement jamais utilisé la vidéo pour vérifier malgré les suppliques d 'Antoine Dupont.
Dans tous nos matchs de top 14, les arbitres utilisent constamment la vidéo pour prendre la bonne décision.
Mais, pour un quart de finale d'une coupe du monde, Mr Ben O' Keffe s'en est dispensé et les arbitres vidéo, particulièrement incompétents ou timides, n'ont rien vu non plus alors que les écrans montraient le contraire aux 70 000 français présents et aux 17 millions de téléspectateurs.
3-Tous les joueurs français ont vu de visu les fautes sud-africaines qui n'ont pas été sanctionnées , en particulier le grattage sudaf avec une main au sol. L'arbitre , au contraire, a donné la pénalité au buteur sud-africain, pénalité réussie qui a donné la victoire.

Comment voulez-vous que l'on appelle pas cela une escroquerie !

Je comprends bien qu'un arbitre doit s'abstenir de critiquer un confrère mais, le 15 octobre dernier, les arbitres ont été lamentables, irresponsables même. Ils nous ont volé notre victoire.
Jacques Stosskopf