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Coupe du monde de rugby 2023 - Angleterre : Steve Borthwick, l’homme qui a trouvé la lumière

Par Jérôme PREVOT
  • Steve Borthwick, sélectionneur de l'équipe d'Angleterre. Nommé fin 2022, il a connu des mois difficiles avant de se retrouver en demi-finale.
    Steve Borthwick, sélectionneur de l'équipe d'Angleterre. Nommé fin 2022, il a connu des mois difficiles avant de se retrouver en demi-finale. PA Images / Icon Sport
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Aussi flegmatique que son mentor Eddie Jones était bouillonnant, Steve Borthwick a réussi sa mission. L'Angleterre est en demi-finale, seuil qu'il n'a jamais vécu en tant que joueur. Il en a tiré des leçons.

Cette place en demie le projette enfin en pleine lumière. Steve Borthwick, 43 ans, a souvent été considéré comme un homme de l’ombre, à l’aise au cœur d’un pack, au second plan des photos, mal à l’aise en revanche quand il faut prendre la parole devant les médias, même si son visage demeure impassible sans être froid. Mais ses propos dépassent rarement la limite du convenu. Joueur, il était "austère et peu communicatif" selon Dylan Hartley, talonneur et capitaine du XV de la Rose (2016-2018), qui jugera le Borthwick technicien comme "probablement le meilleur entraîneur avec qui j’ai travaillé."

Steve Borthwick est originaire de Carlisle, ville mythique tout au nord de l’Angleterre, dernière station avant l’Écosse. On appelle ça la Cumbrie, territoire rural bordé par le mur d’Hadrien, plutôt peuplé de gens laconiques. "J’ai voulu jouer très tôt pour l’Angleterre. J’étais le genre de gamin debout devant son téléviseur, au moment des hymnes, avec les poils qui se dressaient", a-t-il un jour confié. Il a compris qu’il avait un avenir dans le rugby au sein des équipes du collège chic de la Hutton Grammar School, près de Preston. Après le lycée, il trouva une place dans le club civil voisin des Preston Grasshoppers, troisième division, c’est à ce moment-là qu’il fut détecté par les radars du haut niveau, lui qui n’avait pas été pris dans les équipes de jeunes. Si Borthwick semblait abonné aux arrière-plans, c’est aussi parce qu’il a passé sept ans aux côtés d’Eddie Jones avant de lui succéder à la tête du XV de la Rose en décembre dernier. Sept ans à l’ombre d’une personnalité aussi clivante et débordante, ça aurait ravalé au rang de comparse bien d’autres entraîneurs, même plus exubérants que Borthwick.

Pour remplacer le bouillant sélectionneur australien, la RFU est donc allée chercher celui qui fut son adjoint auprès de la sélection japonaise entre 2012 et 2015 puis avec l’équipe d’Angleterre de 2015 à 2020. Difficile de trouver deux personnalités plus différentes, mais apparemment le duo fonctionnait bien, puisqu’à peine nommé à la tête du XV de la Rose, fin 2015, Eddie Jones avait fait des pieds et des mains pour récupérer son lieutenant qui, avant la Coupe du monde, s’était engagé à Bristol comme adjoint chargé des avants, la RFU avait dû mettre la main à la poche pour le libérer de ce contrat. C’est vrai, à la différence d’E.D. Steve Borthwick n’a rien d’un provocateur et d’un roi des formules chocs. Tout au long de sa carrière, il a développé l’image d’un homme tranquille, un deuxième ligne assez performant pour glaner 57 sélections (2001-2010) et même se retrouver capitaine du XV de la Rose en 2008-2009, des années plutôt grises sur le plan des résultats et de la manière et qui n’avaient pas révélé un meneur d’hommes exceptionnel.

Un tournoi coton pour ses débuts

Il faisait figure de deuxième ligne de devoir, sans talent éclatant de porteur de balle. Il devait tout à l’environnement de Bath, le club qu’il avait rejoint à 18 ans en 1998 après son année chez Preston Grasshoppers. Il y avait débarqué avec l’image d’un joueur studieux, mettant un point d’honneur à mener sa carrière en parallèle d’études assez exigeantes à l’université locale. Il en fut récompensé en 2003 avec un diplôme de sciences politiques et d’économie. La même année, l’Angleterre fut sacrée championne du monde, sans lui, Woodward lui avait pourtant donné sa chance dès 2001 après seulement dix-huit mois de pratique au plus haut niveau. Steve Borthwick joua contre la France en match de préparation à Marseille, mais au final, le sélectionneur n’amena que trois deuxième ligne aux antipodes (Martin Johnson, Ben Kay et Danny Grewcock). Il fut tellement déçu qu’il ne vécut pas en direct la finale victorieuse de l’Angleterre.

Steve BORTHWICK, sélectionneur de l’Angleterre

Je me penche souvent sur cette période et je regrette pas mal de choses que je n’ai pas faites

En 2007, il fut du voyage en France, mais ne connut qu’une seule titularisation contre le Tonga en poule. Ashton et les joueurs cadres qui avaient pris le pouvoir ne le considéraient pas comme un cador. En 2011, il était blessé à un genou, mais en tant qu’ancien capitaine, il se lança dans une course contre la montre espérant que Martin Johnson lui ferait la fleur de l’embarquer in extremis. Las, la montée en puissance de Courtney Lawes eut raison de son ambition et alors qu’il était en pleine lune de miel, il reçut l’appel fatal de Martin Johnson qui lui signifiait son congé de l’équipe nationale. "Je me penche souvent sur cette période et je regrette pas mal de choses que je n’ai pas faites, avait-il admis sur le sujet. Il y a beaucoup de choses que je voudrais avoir faites différemment et beaucoup de choses que je veux faire, de sorte que mes joueurs fassent mieux." Son sens de l’organisation de la méticulosité s’en trouva raffermi. La phase finale 2023 est donc la première qu’il a pleinement vécue avec l’Angleterre. Son année civile ne fut pas une promenade de santé, il a dû accepter la victoire record des Français à Twickenham 53 à 10, un mois d’août horrible avec la victoire des Fidji à Twickenham, deux prestations médiocres face aux Gallois, puis les suspensions de Farrell et de Vunipola.

On le crut longtemps attaché ad vitam aeternam à Bath en homme d’habitude. Mais en 2008, il avait surpris son monde en répondant aux sirènes des Saracens, qui lançaient les prémices de la machine de guerre des années 2010. C’est sous le maillot des Londoniens qu’il remporta son premier titre de champion d’Angleterre, à 32 ans en 2011 et qu’il joua son dernier match professionnel face à Toulon en 2014. Il y occupa aussi son premier poste d’entraîneur adjoint chargé des avants avant d’être appelé par Eddie Jones. Pourquoi ce choix ? Parce qu’en 2008, Eddie Jones était l’entraîneur des Saracens qui le fit déménager de Bath et le nomma très vite capitaine. "Tous les rapports suggéraient qu’en plus d’être très intelligent, Steve était loyal et dévoué. On disait que son personnage était exemplaire, expliqua un jour Eddie Jones au Guardian. Il était plus organisé que n’importe quel joueur de rugby que j’ai jamais rencontré."

Passage décisif à Leicester

Le duo glana un Grand Chelem (2016) deux victoires simples dans le Tournoi et joua une finale de Coupe du Monde. Mais auparavant, les deux hommes avaient réussi l’impensable offrir au Japon, une victoire sur l’Afrique du Sud durant le Mondial 2015 (34-32), le miracle de Brighton. En 2020, Borthwick avait décidé de voler enfin de ses propres ailes, à 39 ans, il avait pris les rênes de Leicester, une référence, le club le plus titré d’Angleterre qui vivait une période de déclin et qu’il sut remettre sur le droit chemin jusqu’au titre 2022 en donnant par exemple sa chance à Ollie Chessum. Ces deux ans dans les Midlands, c’était le chaînon manquant qui a séduit Bill Sweeney, président de la RFU pour faire l’effort financier de délivrer Borthwick d’un solide contrat à Leicester. Il lui en a coûté 528 000 euros et dans la foulée, l’homme de la Cumbrie a s’est engagé pour cinq ans avec la fédération, signature bien ficelée, car juste avant la Coupe du Monde, un journal anglais avait révélé que même en cas d’échec retentissant, Borthwick aurait du mal à être limogé. Le prix de son licenciement est estimé à 3,5 millions d’euros (3 millions de livres), et la fédération s’était déjà délestée d’1, 6 millions d’euros pour se séparer d’Eddie Jones. Deux sommes énormes qui, si elles se cumulent, seraient dures à assumer par Twickenham. De toute façon, la RFU avait annoncé que le recrutement de Borthwick s’inscrivait dans la durée, comme "la clé d’un processus de reconstruction à long terme vers la Coupe du monde 2027 en Australie." Le genre de formule un peu creuse dont raffolent les décideurs sportifs. Mais cette place dans le dernier carré a balayé tout risque de polémique.

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Les commentaires (2)
thegus Il y a 6 mois Le 21/10/2023 à 17:00

Article ridicule, la seule lumière qu'il a trouvé vient du tirage au sort!!!! Restez sérieux svp

pasali Il y a 6 mois Le 21/10/2023 à 03:54

Gros coup de bol avec ce tirage surtout, Borthwick n' a pas eu à faire grand chose...C'est risible