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Coupe du monde de rugby 2023 - Angleterre - Fidji : la surprise en quart de finale

Par Jérôme Prévôt
  • Un quart brinquebalant
    Un quart brinquebalant
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Difficile d’y voir clair dans ce quart de finale entre deux équipes finalement très imprévisibles. L’Angleterre demeure favorite au nom de l’histoire, même si l’on a rarement vu une nation qualifiée remettre à ce point son capitaine en cause.

C’est le quart de finale le plus brinquebalant qui soit. L’Angleterre, une "grande" nation pleine de doutes et couvertes de critiques qui affronte les Fidji, un outsider qui s’est extrait des poules malgré deux défaites. Les Fidjiens chouchous du grand public, ont fini le premier tour par une défaite totalement imprévisible face aux Portugais : le genre de performance qui ne pourra que conforter les clichés qui collent à la peau des Mélanésiens ; capables du meilleur comme du pire. La preuve, le 26 août dernier, ils se sont imposés à Twickenham (30-22), pour la première victoire de l’archipel face à son ancienne puissance coloniale. Ce fut peut-être la "semaine zéro" du XV de la Rose, critiqué de toutes parts, perclus de deux suspensions mal venues. Une révision du match montre une deuxième mi-temps qui tourne à la catastrophe pour la défense anglaise, transpercée par les flèches fidjiennes et notamment Selestino Ravutaumada. Mais les Anglais ne se limitent pas aux images d’Epinal, ils ont identifié d’autres forces chez les Fidjiens que leur inspiration offensive. Ils ont pas mal parlé de la science des grattages, et notamment Levani Botia identifié comme la menace numéro 1. Billy Vunipola s’est exprimé à ce sujet : "Je l’ai affronté sous le maillot de La Rochelle avec les Saracens. Il a une énorme technique, il a un centre de gravité très bas et bien sûr, il est très rapide. C’est un ancien centre repositionné en avant-aile et il sait prendre des décisions très rapidement. Il sait s’il doit venir mettre les mains ou pas. Mais attention, ce n’est pas le seul excellent dans cet exercice (Jackall turnover en anglais). Mais attention, ils n’ont pas que lui. Ils ont aussi Tuisova et leur demi de mêlée Frank Lomani qui excellent dans cet exercice."

Farrell en prend pour son grade

Mais un mois et demi après le couac du 26 août, on pourrait penser que tout s’est arrangé. Les Anglais, revivifiés par l’atmosphère balnéaire du Touquet ont gagné quatre matchs sur quatre, ils étaient même sûrs d’être premiers avant de jouer leur dernière rencontre. Et pourtant, l’équipe est entourée d’une atmosphère d’incertitude, presque de contestation. On se demande si à la veille d’un quart de finale, mondial, on a déjà vu une équipe aux prises à autant de questionnements. Une chose nous a frappés en début de semaine, les débats qui faisaient rage au sujet du capitaine Owen Farrell. Un paquet de voix plus ou moins autorisées ont appelé à sa mise sur le banc des remplaçants. Transposons ça au pays organisateur. C’est comme si en France, certains demandaient le retrait d’un Antoine Dupont valide. Contre les Samoa, c’est vrai, Owen Farrell a livré l’une de ses pires prestations sous le maillot blanc. Matt Dawson, champion du monde 2003 a sorti la sulfateuse dans sa chronique de la BBC : "Je ne peux pas croire que quelqu’un dans le staff de l’Angleterre pense que Farrel est meilleur que George Ford en ce moment." Pour lui, l’entrée de Ford face aux Samoa (à la 51e minute) ne pouvait avoir pour objet que de préserver l’ouvreur de Sale avant les quarts : "Soyons réalistes, la victoire face aux Samoa n’a tenu qu’à ce fameux plaquage de Danny Care sur la dernière offensive adverse. Pour le reste nous n’avons pas été capables de lire le jeu et de prendre les bonnes décisions aux moments cruciaux. Dans le dernier quart d’heure, on l’a vu faire des passes qui ne s’imposaient pas et redonner le ballon aux Samoans alors qu’ils avaient le momentum. Il faut que les entraîneurs de l’Angleterre aient une vraie conversation sérieuse et qu’ils prennent leurs responsabilités. Nous entrons maintenant dans les matchs couperets, on doit prendre les décisions qui s’imposent pour ne pas avoir de regrets…"

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Certains esprits malins rappellent aussi que les meilleures performances de ces dernières années ont été réalisées sous l’autorité de Courney Lawes, la série victorieuse en Australie de 2022 et la victoire initiale de ce Mondial face aux Argentins. Mardi, il a fallu que Richard Wigglesworth, adjoint de Borthwick vienne à la rescousse de son pauvre capitaine en convoquant sa réputation de "compétiteur, meilleur à mesure que la difficulté augmente". Et mercredi, on aperçut en effet Farrell à l’entraînement dans le camp des titulaires, à l’ouverture, avec Marcus Smith à l’arrière et Marchant et Tuilagi au centre.

La stratégie du seul contre tous

À vrai dire, tout se passe comme si cette équipe d’Angleterre naviguait à vue sans grande certitude, dans une sorte de culture de l’improvisation. On n’ose pas dire comme un "bateau ivre". Ceci dit, en 2007 sous l’autorité supposée de l’éphémère Brian Aston, le XV de la Rose donnait la même impression et ça s’était terminé en finale (on avait su après que les joueurs avaient pris le pouvoir après un début de compétition loupé). À la charnière, personne ne se détache non plus en tant que demi de mêlée. Le néophyte Alex Mitchell n’a pas fait le match de sa vie face aux Samoa et l’entrée de Care, 36 ans en sauveur de la patrie a été célébrée comme une bénédiction. Dans cette équipe anglaise, on ne voit guère qu’un pôle de stabilité : le cinq de devant, le sextet Genge, George, Sinkler, Itoje, Chessum plus Cole et Marler en finisseurs d’expérience. Pour le reste, Steve Borthwick est ébullition permanente sous son calme apparent, visiblement prêt à faire des essais à chaque sortie y compris jusqu’à ne pas sélectionner des joueurs à leur poste.

Là réside son originalité à moins qu’il n’adhère vraiment à la fameuse phrase qui veuille qu’il faille prendre les matchs les uns après les autres et qu’il s’autorise à jouer les apprentis sorciers à chaque avant chaque rendez-vous. Après tout, peut-être que lui et son staff en ont les moyens et l’expertise ? Au travers des dernières prises de paroles, on a senti que les Anglais avaient actionné un levier bien connu, celui du "seul contre tous". Une recette qui rapproche deux personnalités aussi différentes que Steve Borthwick et Guy Novès.

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Les Anglais ont bien compris qu’à Marseille les spectateurs neutres seraient favorables aux Fidji, et que tout le monde attend l’exploit de leur part. Billy Vunipola s’est fait le porte-parole : "Je ne sais pas si les Fidjiens sont les seconds favoris du public de Marseille après les Bleus, mais je sais que les Anglais sont leur bête noire. Et ça nous convient très bien de nous sentir comme les ennemis publics numéro 1. On en a l’habitude. On l’avait vécu lors du premier match contre l’Argentine. L’équipe est sortie à l’échauffement sous les huées, mais ça nous a fait sourire."

Ceci dit, si l’Angleterre dispose d’un atout maître, c’est bien la ferveur de ses propres supporteurs qui vont se débrouiller pour investir le Stade Véolodrome. Mercredi, il restait encore plus de 4 000 places à vendre, on imagine bien des Rosbifs de Gloucester, Bath ou Leicester, plutôt à l’aise financièrement, se jeter sur leur ordinateur pour capter les billets quelques clicks et se précipiter en Provence, telle une armée de secours et chanter "Swing Low Sweet Chariots", décomplexés par quelques pintes, ou par des déguisements du Chevalier de Saint-George.

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