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Antoine Dupont, la saga : Auch, le temps des copains (3/9)

Par Nicolas Augot
  • Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France et du Stade toulousain accompagné d'Anthony Jelonch.
    Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France et du Stade toulousain accompagné d'Anthony Jelonch. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Arrivé au lycée beaulieu à Auch, en seconde, Antoine Dupont a vécu une année exceptionnelle en junior crabos, avec une finale de championnat de France face au Racing. C’était la dernière saison du rugby des copains, avant de basculer dans le monde professionnel.

C’était le 2 mai dernier. Antoine Dupont enfilait le maillot de Auch. Les photos ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux.Le capitaine du XV de France était donc présent au stade Jacques-Fouroux pour se replonger dans son passé, dans ces derniers instants du rugby des copains avant de basculer dans une carrière professionnelle, de revivre cette dernière aventure vécue au FCAG qui avait mené les Crabos en finale du championnat de France. C’était aussi l’occasion d’exorciser une fin de match qui avait finalement souri à une équipe du Racing bienheureuse, rejouant une dernière action qui aurait dû envoyer Antoine Dupont derrière la ligne sans une faute grossière. C’était en 2014.

Six ans après, Antoine Dupont n’avait rien oublié : «C’est mon premier souvenir fort de rugby et c’était amplifié par le fait que je savais que j’allais quitter les copains et le monde amateur, quelques semaines plus tard, pour partir à Castres. Je savais que je ne jouerais plus avec ces mecs, donc c’était des sentiments mitigés. Nous avions vécu des moments incroyables jusqu’à cette finale perdue, où les Racingmen, notamment Boris Palu ou Camille Chat, pourront dire merci à l’arbitre pour ce titre. Mais ça avait été des moments forts en émotions. Pour nous, c’était comme un titre en Top 14. À notre niveau, c’était incroyable, quelque chose qu’on ne pensait jamais vivre. On avait l’impression d’être sur le toit du monde, alors que ce n’était qu’une finale Crabos.» Alors, Antoine Dupont et Anthony Jelonch ont répondu présents, le 2 mai dernier, pour enfiler une nouvelle fois le maillot d’Auch et réécrire l’Histoire. Le temps du tournage d’un docu-fiction, dans lequel le demi de mêlée aplatit cette fois l’essai de la victoire.

C’était surtout l’occasion de retrouver les copains, sous les yeux amusés des témoins de l’époque. à commencer par Jérôme, le papa d’Anthony Jelonch : « Ils sortaient de l’adolescence et quand on discute avec eux, on sent que c’est leur meilleur souvenir. Ils ont perdu un match qu’on leur a volé. On ne les attendait pas et ils ont gagné partout, grâce à cette amitié et cette camaraderie. Certains joueurs étaient moins forts mais ils allaient tous au bout de leurs forces et de ce qu’ils pouvaient faire. Ceux qui étaient moyens au début sont devenus de très bons joueurs, au cours de cette saison.Paul Pimienta traversait beaucoup, bien sûr Antoine était décisif et il y avait aussi Gauthier Doubrère à la mêlée. Mais ils avaient surtout un collectif fort car ils étaient tous très copains. On sentait cette volonté de toujours donner un bon ballon au copain. » Une aventure hors du commun qui a forgé des amitiés pour la vie. à commencer par celle avec Anthony Jelonch, son colocataire à l’internat du lycée agricole Beaulieu. « Ils se sont rencontrés en seconde et ils partageaient la même chambre, poursuit Jérôme Jelonch. Ils ont tout de suite été très proches, de par leur tempérament et leur caractère. Ce sont des gens très calmes, tranquilles. Ils habitaient ensemble à Castres puis Anthony était en coloc chez Antoine, quand il a rejoint Toulouse. Ce sont deux gamins qui ne parlent pas pour ne rien dire (rires). Ils peuvent passer deux heures côte à côte sans parler. C’est du bon temps ensemble sans se dire grand-chose. On le voit sur le terrain. Ils ne se parlent pas beaucoup. Ils ont toujours fait comme ça, mais ils se connaissent et savent quoi faire sans parler. Quand Antoine est parti de Castres, on savait qu’ils se retrouveraient. » Il faut dire que les ponts n’ont jamais été coupés, même quand Antoine Dupont et Anthony Jelonch ne défendaient plus le même maillot, comme le confiait le troisième ligne : « Je n’étais qu’à une heure et je venais de temps en temps à Toulouse faire une bouffe avec lui. Nous ne nous sommes jamais vraiment séparés et je savais qu’on rejouerait ensemble, un jour. […] C’était le sens de l’histoire. »

L’importance de la « meute »

Antoine Dupont n’a pas oublié les autres, ceux qui n’ont pas basculé dans le monde pro : les copains qui sont restés à Auch, enterrant le FCAG pour se lancer dans l’aventure du RC Auch contraint de repartir du plus bas échelon, jusqu’à lui permettre de retrouver la Fédérale 1 puis la Nationale 2. Théo Thierry, l’actuel capitaine du RCA, était de l’aventure Crabos en 2014 : « Nous sommes très fiers de ce que fait Antoine et de voir autant de joueurs d’Auch qui jouent en Top 14 et en équipe de France. Mais ils nous parlent aussi de ce que nous avons réussi à faire ces dernières saisons et je crois qu’ils sont fiers que l’on soit resté pour remonter le club. Ils aiment Auch. Quand Antoine est venu pour tourner ce documentaire, on a pu voir qu’il n’avait pas changé. Il est toujours aussi chambreur, même si ça ne transpire pas trop dans les médias.Je me souviens quand il est arrivé au lycée en seconde, il branchait tout le monde avec la gueule grande ouverte (rires). » Gauthier Doubrère, aujourd’hui demi de mêlée à Castres, formait la charnière avec Antoine Dupont lors de cette finale Crabos puisque le Toulousain évoluait alors à l’ouverture : « On avait un super groupe, avec de très bons joueurs mais surtout des compétiteurs qui détestaient perdre. Comme nous étions tous au lycée à Auch, une amitié profonde est rapidement née.Aujourd’hui, je suis toujours un peu le troisième colocataire de Paul Pimienta et Anthony Jelonch.Je me souviens qu’Antoine jouait surtout avec les Gaudermen au début car les entraîneurs trouvaient qu’il jouait un peu perso et ne lâchait pas beaucoup le ballon. Mais il s’est rapidement fait sa place car il était incroyable. C’était génial de former la charnière avec lui.» Jean-Marc Béderède, futur entraîneur du XV de France, était alors le manager de l’équipe. Il a vu naître ce collectif et les amitiés : «Antoine n’était pas un grand causeur. Il était réservé mais très bien avec ses copains, qu’il suivait partout, même pour des fêtes lors desquelles il était pourtant plus dans l’observation. Et c’est toujours le cas. Il a pris beaucoup de plaisir lors de ce tournage, en étant toujours à l’écoute sans se prendre la tête avec son nouveau statut.Antoine aime être avec ses copains même si ce n’est pas le plus expansif. Il aime vivre avec les autres. Ils ont d’ailleurs ce groupe «la meute» et elle compte vraiment pour lui. Ça apporte de l’équilibre et du recul, de côtoyer des personnes qui vivent des choses normales. D’ailleurs, Antoine est très investi pour trouver une date qui va nous permettre de se retrouver pour célébrer les dix ans de cette finale Crabos. »

La Meute, c’est un groupe d’une dizaine de copains, de la génération 1996, qui étaient alors présents au centre de formation d’Auch. Ce sont eux qui se sont surnommés comme ça et on y retrouve notamment Grégory Alldritt, Paul Graou et donc des anonymes, comme les joueurs d’Auch Rémy Huertas – qui a été colocataire d’Antoine Dupont à Toulouse – et Béranger Talbot.
Toutes ces amitiés sont nées sur le terrain de gamins qui ne rêvaient pas de rugby professionnel, précise Jérôme Jelonch : «Ils étaient à Auch, ils voulaient gagner avec leurs copains et rester à Auch. Ça a été terrible de quitter le club qui descendait. Je n’entendais aucun d’entre eux dire qu’il voulait devenir professionnel. » Jean-Marc Béderède garde aussi ce souvenir : « Nous ne parlions jamais réellement de carrière professionnelle. Il n’y avait que le rugby et le jeu dans les conversations. Dès que l’on s’arrêtait quelque part, ils n’étaient pas sur les portables. Un ballon sortait du bus et ils jouaient sur le parking. Je crois que c’est toujours la force d’Antoine aujourd’hui, d’être toujours focus sur le jeu et être le meilleur possible au rugby. »

De cette époque perdurent des liens en dehors du terrain, notamment avec Roger Bonaldo, qui accueillait AnthonyJelonch en stage à sa ferme. Sa femme, Raymonde, n’est autre que la sœur de Jacques Fouroux.Le couple était aussi présent le 2 mai dernier, pour assister au tournage. « Pour nous, c’était un plaisir de les accueillir et aujourd’hui, Antoine et Anthony nous le rendent comme on n’aurait jamais pu imaginer, confie du bout des lèvres l’ancien international B, soucieux de rester discret sur cette relation devenue intime. Ce sont des gosses extraordinaires et passionnés. Quand Antoine est venu pour la première fois, je me suis dit qu’il était hors du commun. Par hasard, nous avons eu la chance de les avoir à la maison mais j’ai tout de suite compris qu’ils seraient des joueurs exceptionnels. Ils sont humbles, respectueux des anciens, ils posent des questions et ils écoutent les anecdotes. Des liens se sont tissés mais c’est difficile d’en dire plus. » Pourtant, Roger et Raymonde, qui effectue avec les deux internationaux les mêmes rituels d’avant-match qu’avec son frère Jacques depuis le grand chelem 1977, ont compté plus qu’ils ne voudront l’avouer. Notamment parce que ce sont des amis de Serge Milhas.« Pour être un grand joueur, reprend le papa d’Anthony, il faut avoir la chance de rencontrer de belles personnes qui t’aident pour arriver au haut niveau. Des gamins comme Antoine ou Anthony, il y en a d’autres mais ils n’ont pas tous la chance d’être accompagnés. »

Milhas, l’ancien demi de mêlée d’Auch, alors manager de Castres, a été le dernier maillon pour faire le lien vers le professionnalisme : « Je connaissais surtout le papa d’Anthony mais aussi le papa d’Antoine, donc ça m’a permis d’établir des liens. Surtout, ils étaient hébergés chez Roger qui est un ami très proche. J’ai du mal à dissocier les deux. Quand je parle de Toto, je parle aussi d’Anthony. Mais je crois que c’est Toto qui a décidé qu’ils iraient à Castres. » Un premier contrat signé dans le salon de Roger et Raymonde, quasiment sous l’œil protecteur de Jacques Fouroux.Et rien n’a changé depuis, pour le plus grand bonheur de Jérôme Jelonch : « Je peux parler d’Antoine car j’étais copain avec son papa.Je peux dire qu’il est toujours le même. Anthony, c’est pareil. Ces gamins, ils arrêteront le rugby, on ne le verra pas. Ils sont arrivés discrètement. Aujourd’hui, ils se font remarquer sur le terrain et ils vont sortir du terrain tout doucement, quand d’autres arriveront. Sans faire de bruit. » Les copains d’abord.

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