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Antoine Dupont, la saga : du Gers au centre du monde ! (1/9)

Par Jérémy Fadat
  • Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France et du Stade toulousain.
    Antoine Dupont, demi de mêlée du XV de France et du Stade toulousain. Inpho/Icon Sport - Inpho/Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Antoine Dupont est devenu incontournable. Irrésistible sur le terrain, au point de s’imposer comme le meilleur joueur de la planète et d’empiler les distinctions individuelles dont les Oscars Midi Olympique, autant que les trophées collectifs depuis des années avec Toulouse et le XV de France. Le demi de mêlée est aussi un phénomène de société, lequel fascine petits et grands. L’enfant de Castelnau-Magnoac, passionné de rugby, a tant grandi…

Il est le personnage central du rugby français. Capitaine des Bleus, meilleur joueur du monde et icône qui a largement dépassé le cadre de son sport, Antoine Dupont est celui qui doit guider le XV de France jusqu’au trophée Webb-Ellis. Tout l’été, Midi Olympique vous emmène à sa découverte. Saga Dupont : épisode 1 sur 9. 

Fermez les yeux, puis imaginez Antoine Dupont, et son accent du Sud-Ouest, vous prononcer les mots suivants : "Le train va entrer en gare de Marseille Saint-Charles dans deux minutes." C’est ce qu’entendront les usagers de la SNCF quand ils arriveront dans la cité phocéenne, le 21 septembre prochain, au moment d’aller assister au match entre la France et la Namibie. Le capitaine des Bleus va prendre temporairement la succession de Simone Hérault, LA voix des chemins de fer français depuis 1981 puisqu’il a accepté de prêter la sienne à l’entreprise ferroviaire – dont il est l’ambassadeur depuis mars 2022 – pour faire les annonces des départs et arrivées des trains pendant la période de la Coupe du monde. Nul besoin d’énumérer ici tous les partenariats accumulés ces dernières années par Dupont, devenu égérie des marques françaises par son aura grandissante et son image positive, mais cette initiative revêt un symbole tout particulier. Elle montre la place prise par le joueur dans son sport, et globalement dans notre société.

Côté pile, le petit Antoine passionné de rugby, l’enfant de Castelnau-Magnoac au patronyme commun, le Pyrénéen pudique et discret. Côté face, l’immense Dupont, meilleur joueur de la planète et leader incontesté, dont l’exposition est actuellement sans limite. Qu’il le veuille ou non (et à vrai dire, cette question-là lui est totalement égale), il s’est imposé comme le personnage central du rugby hexagonal. Il est sa chance, à la veille d’un Mondial à domicile pour lequel le pays rêvait d’une tête d’affiche, après avoir misé sur la "gueule" barbue de Sébastien Chabal en 2007. Là, belle aubaine, il s’est trouvé un deux en un : une icône en dehors des pelouses, autant qu’un surdoué quand il les foule. L’inspiration ultime pour tous les mômes qui se retrouvent avec un ballon ovale entre les mains.

En Couverture de GQ et sur la scène des Enfoirés

Il suffit de se pointer à la fin d’un entraînement à Ernest-Wallon pour observer tous ces gamins qui n’ont d’yeux que pour lui. Il s’agit aussi de voir ces supporters de France, de Navarre et d’ailleurs, jeunes et beaucoup moins jeunes, s’amasser à la sortie des vestiaires ou du parking là où viennent de se produire le Stade toulousain ou les Bleus, dans le seul espoir de décrocher une photo, un autographe ou une simple marque d’affection de la part de celui qui les fascine tous. Antoine Dupont n’a plus rien d’une mode. Il est un phénomène qui a largement dépassé les frontières du milieu dans lequel il a grandi et s’est épanoui.
C’est ainsi qu‘on l’a vu poser en couverture du magazine GQ, chanter sur la scène des Enfoirés, survoler les Champs-élysées avec la patrouille de France lors du défilé du 14 juillet, se figer dans la cire du musée Grévin ou accueillir le président Emmanuel Macron chez lui, dans les Hautes-Pyrénées, en marge d’une étape du Tour de France. Le plus fort ? Malgré cette notoriété devenue vertigineuse, Dupont demeure un mordu de rugby, capable de vous décrire un essai datant des années 90 ou de vous donner le nombre exact de sélections d’un joueur dont il va croiser la route.
Après avoir reçu le premier de ses quatre Oscars d’or Midi Olympique, en décembre 2019, il avait posé au milieu de trois autres légendes de ce sport ayant évolué au même poste que lui : Gareth Edwards, George Gregan et Fabien Galthié. ému, il nous avait glissé, un peu plus tard : "Je me sentais comme un enfant qui demande une photo à de glorieux adultes. Je n’étais pas hyper à l’aise quand on voit le palmarès et le parcours qu’ont connu les trois. J’étais ravi mais je ne suis pas encore vraiment légitime." Il est pourtant sur leurs traces.

Telle est l’histoire de "Toto" (son surnom, N.D.L.R.), un mec à l’origine taiseux, jamais autant à son avantage que lorsqu’il est au cœur du rectangle vert. "J’entends les gens dire qu’il n’est pas ci, qu’il n’est pas ça, disait son manager Ugo Mola quand il avait été élu meilleur joueur du monde, en décembre 2021. Mais peut-être que le rugby a juste besoin d’un porte-drapeau comme lui, qui parle sur le terrain plus que dans les médias. D’un garçon qui n’est pas dans les frasques ni les grandes déclarations, mais qui est simplement un chouette mec de 24 ans, qui est passionné de rugby et donne envie aux autres de le suivre." Voilà sûrement son évolution la plus significative… Le génie brut, que certains ont parfois réduit à un diamant individualiste à la grâce d’actions d’éclat dont lui seul a le secret, s’est mué avec le temps en un leader hors normes et un modèle d’influence.

"Tu vois quand Toto est là et quand il n’est pas là…"

Capitaine du Stade toulousain, capitaine du XV de France, Dupont est un aimant. Pour le grand public, pour ses partenaires, comme pour les adversaires. "Je crois que je n’arrive pas vraiment à me rendre compte au quotidien de son aura parce que je suis avec lui tous les jours à Toulouse, nous confiait récemment le talonneur Peato Mauvaka. En fait, je mesure surtout le poids que peut avoir Antoine quand je pars en équipe de France. Après, que ce soit en club ou en sélection, tu vois quand Toto est là et quand il n’est pas là… Ça change vraiment, pas forcément par rapport à nous mais surtout par rapport à l’équipe d’en face. Quand il est là, il y a plus de joueurs adverses qui défendent sur lui et ça libère des espaces pour nous. Ça peut faire la différence dans un match." Ce qu’il a accepté et même revendiqué au fil des saisons. Longtemps, son jeu fut paradoxalement clivant : si ses exploits étaient salués par tous, les mêmes lui reprochaient une fois de ne pas avoir traversé le terrain, une autre de ne pas être assez gestionnaire… Parce qu’il n’a jamais laissé indifférent, parce que tout le monde aime avoir son avis sur lui. L’excès, toujours, celui propre aux choses du sport. Lui a appris à vivre avec cette intransigeance, qui touche les meilleurs. Toujours fin 2019, il nous déclarait : "On peut aussi voir le bon côté. Si tout le monde vous tombe dessus dès que vous faites un mauvais match, c’est peut-être que ça n’arrive pas si souvent... Mais le plus frustrant, c’est que si je fais un match lisse, sans fait marquant de ma part, on va dire que j’ai été moyen ou moins en forme que d’habitude. Cela a pu m’agacer mais j’essaye désormais de faire abstraction. Je sais faire mon autocritique et Ugo (Mola) sait avoir un jugement juste"
Ce recul naturel lui a permis de franchir chacune des étapes qui se sont présentées à lui. Aujourd’hui, Dupont s’appuie sur l’un des jeux au pied (droit et gauche) les plus efficaces du monde et excelle dans sa manière de mener ses troupes. Imaginez que, pour la première fois depuis 2018, il n’a pas inscrit le moindre essai lors du dernier Tournoi des 6 Nations sans que cela ne l’empêche de cumuler un troisième titre de meilleur joueur de la compétition (après 2020 et 2022). Une édition terminée comme meilleur passeur décisif. "Il me fallait avoir plus de variations dans mon jeu, de justesse dans mes choix. Il fallait aussi m’économiser des contacts inutiles. Contre l’Écosse, je n’ai pas pris un seul contact et je crois que cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Malgré cela, les prestations collectives étaient abouties. Moi, je me retrouve dans un rôle différent mais je parviens à être également performant ainsi. Je vieillis, je prends peut-être en maturité (rires)."

"L’armoire va devenir un peu trop petite"

En clair, Antoine Dupont est plus que jamais au sommet. De son sport et de son art, comme en sourit Mola : "Même quand il n’est qu’à 60 % de son niveau, Antoine reste le meilleur demi de mêlée du Top 14 et d’Europe." Au-delà, il assume son statut avec une authenticité parfois déconcertante. Quand on lui glisse que son emprise sur ce qui l’entoure est comparable à celle de Kylian Mbappe, autant que sa vitesse de course, lui se marre franchement : "Je ne suis pas invité face à lui ! Bon, je dois faire vingt kilos de plus, il n’y a pas match entre nous deux." Et quand on lui a demandé, voilà dix jours, où il allait placer son deuxième Oscar monde Midi Olympique, il a encore choisi l’ironie : "J’ai une armoire mais elle va devenir un peu trop petite à force !" Référence aux innombrables distinctions personnelles qu’il accumule saison après saison, sans oublier les titres en club et en sélection. "Le plus important, quand on a été élu meilleur joueur du championnat ou du monde, c’est soit de continuer à l’être, soit de permettre à d’autres de le devenir, expliquait Mola il y a deux ans. Antoine en est conscient. Si c’est juste de l’autosatisfaction pour se taper sur le ventre, bon… Mais si c’est pour remplir encore l’étagère à trophées collectifs, c’est parfait." Justement ceux qui comptent par-dessus tout pour Dupont, ce qui le pousse à se projeter : "J’espère surtout en avoir un de plus à ajouter à la fin de l’année." Cette Coupe du monde à domicile dont il rêvait quand il arpentait les prairies cabossées de Castelnau-Magnoac, au pied de ses montagnes. Rendez-vous d’une vie pour celui qui s’est depuis élevé au rang de guide suprême des Bleus.

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 9 mois Le 02/07/2023 à 22:31

Il y a tout du bon gars chez lui. Je pense qu'il est, sans l'avoir voulu, la personnification d'une certaine France. Celle qui n'est, ni celle bling-bling, du monde des affaires, de la politique, de l'économie mais non plus celle du béton, du bitume, de la burqa. Loin de la France des gros titres en fait ! Une majorité silencieuse, parce qu'étouffée, se reconnaît en lui et se met à rêver...