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Toulouse : Joyeux bordel

  • Les Toulousains ont retrouvé du plaisir sur et en dehors du terrain et ne sont jamais aussi dangereux que dans le désordre, une sorte d’ADN ressuscité.
    Les Toulousains ont retrouvé du plaisir sur et en dehors du terrain et ne sont jamais aussi dangereux que dans le désordre, une sorte d’ADN ressuscité. Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Autant dans son organisation générale, dans son vécu au quotidien que dans son système de jeu sur le terrain, les Stadistes cultivent et revendiquent leur différence. Celle d’un club à part, qui ne s’épanouit jamais autant que dans la confusion, l’impertinence et l’audace. Ces derniers mois, les hommes d’Ugo Mola sont revenus aux sources de ce qui a fait le succès de l’institution. Et c’était encore prégnant dans les jours précédant cette finale...

Mardi, Ugo Mola évoquait le besoin de sentir la ferveur qui a gagné la cité toulousaine, portée par la réussite et l’enthousiasme de son équipe : « Je pense que les mecs doivent aller acheter leur pain, se faire brancher en ville. C’est la vraie vie, qui permet d’être au rendez-vous. L’énergie se transmet. » Peut-être la raison pour laquelle ses joueurs, fidèles à leurs habitudes, se sont retrouvés le soir-même dans une pizzeria pour partager des spécialités italiennes dans l’allégresse.

Vous connaissez beaucoup d’équipes agissant ainsi à quatre jours d’une finale ? Cela a de quoi faire sursauter les spécialistes de la diététique ou les apôtres du bon sens. Mais cela caractérise ce groupe. Ce que Mola a coutume de nommer la responsabilisation des hommes ou la volonté de garder les pieds sur terre. « Cette saison est plus incroyable par l’insouciance dont les garçons font preuve au quotidien que par les résultats, affirme-t-il. Mardi matin, c’était la même ambiance qu’au début, quand on jouait nos matchs amicaux. Une dizaine de blessés étaient là pour passer du temps avec nous. Ces mecs veulent vivre ensemble de chouettes moments de jeunes rugbymen. On ne peut pas les en priver, à condition qu’ils n’oublient de jouer un bon match samedi (sourires). » Les Stadistes sont aussi partis deux jours avant chaque rendez-vous européen en cet exercice, afin que les joueurs bénéficient d’une soirée libre sur place et en profitent pour « se faire un resto » entre amis.

Ce jeudi, ils ont encore agi de la même façon. à Toulouse, la différence se cultive et se diffuse : « On vit pour partager, générer de la passion et des émotions, souvent contraires. Sinon, on ne fait pas ce job. On est un club un peu à part, on se plaît ici et on se cintre (sic) parfois fort. » Ce qui rend l’institution, par sa culture, spécialiste en recadrage et en débordement. Sur et en dehors du terrain, jusque dans l’organisation. Loin des standards clermontois si l’on verse dans la parodie. « J’aimerais que deux ou trois trucs soient réglés avant (rires), poursuit Mola. Ce n’est pas un jugement de valeur mais vous avez à Clermont quelque chose de cadré, avec le poids d’une entreprise colossale, un club hyper structuré. Nous, c’est un peu la bohème. C’est comme ça, on a ce côté bordélique. Je caricature mais, au fond, on a besoin de s’identifier à ce qui compte le plus : on est un club de rugby, on parle de rugby et on a une belle équipe de rugby. Le reste est accessoire. »

Mola : « le désordre, ça nous va bien »

En évoquant le rugby, on entend Régis Sonnes répéter depuis son retour l’été dernier que « l’ADN du jeu toulousain, ce sont les ballons de récupération. » Ce qui impose la fameuse adaptation permanente à la situation. « Il me semble que Clermont maîtrise mieux son rugby que nous aujourd’hui mais, ne vous inquiétez pas, on va y aller, prévient Mola ça reste un match contre une équipe enthousiasmante, avec des premiers temps de jeu redoutables grâce à ses programmations. On n’en est pas à ce niveau sur ce plan mais quand il y a un ballon qui traîne, que c’est un peu le désordre sur le terrain, ça nous va bien. Comme au Leinster, sur le jeu ordonné, Clermont aura un petit temps d’avance mais… »

Il sera donc réclamé à ses hommes de rester naturels et décomplexés, tels qu’ils le sont depuis des mois. Cette forme d’impertinence, terme repris en chœur à Ernest-Wallon et tellement évidente lors des traditionnelles oppositions effectuées à haute intensité chaque semaine à l’entraînement, qui a mené ce groupe jusqu’au Stade de France. Le week-end passé, au moment d’analyser la décision d’insister en mêlée fermée plutôt que de prendre les points en fin de première période, l’entraîneur principal était à peine ironique : « Ce choix ne respecte pas le rugby. Et tant mieux. Je ne veux pas entraîner des mecs qui m’obéissent au doigt et à l’œil. Je veux des mecs audacieux. » Dans ce domaine, il est servi. Jusqu’à s’offrir régulièrement des sueurs froides : « La sérénité n’est pas forcément ce qui nous caractérise le mieux mais je n’ai pas la sensation que nos joueurs se sont reniés dans leur faculté à appréhender l’événement en demie. J’espère qu’on ne se reniera pas en finale, ne serait-ce que pour porter cet étendard d’équipe qui propose et ose. » Sorte de sympathique bazar pourtant harmonisé et revendiqué, qui se retrouve dans les compositions d’équipe. Est-ce un hasard si le Stade toulousain est la seule formation à se présenter au pied de la dernière marche sans ouvreur installé ? Si Romain Ntamack s’est fixé en 12 quand Cheslin Kolbe a été replacé à l’arrière ? Si Sofiane Guitoune a vécu une éclatante renaissance au centre, où personne ne l’attendait ? Si Richie

Arnold, un inconnu débarqué du Japon en janvier un temps après avoir arrêté le rugby plusieurs années, s’est révélé aussi fort que son Wallaby de jumeau ? Si Pita Ahki et Peato Mauvaka sont sortis de nulle part pour s’imposer incontournables ? Voilà comment les cartes ont été sans cesse rebattues, grâce également à une polyvalence omniprésente dans l’effectif. à l’image de l’incertitude que provoque toujours cette équipe. « Notre force est d’avoir des mecs qui évoluent à deux ou trois postes, un luxe pour le staff qui a permis de garder un niveau constant malgré le turnover, apprécie Mola. Mais ça peut être notre faiblesse. Quand un joueur passe à côté, il faut vite coacher pour reprendre le fil. Ce sont les qualités de nos défauts ou les défauts de nos qualités, comme vous voulez. » Un joyeux bordel finalement.

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