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6 Nations féminin - L’art de se saborder pour un XV de France toujours malade face à l'Angleterre

  • 6 Nations féminin - Les coéquipières de Gabrielle Vernier sont encore tombées face à l'Angleterre.
    6 Nations féminin - Les coéquipières de Gabrielle Vernier sont encore tombées face à l'Angleterre. Icon Sport
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Malgré des progrès patents par rapport à l’année dernière et un projet de jeu qui laisse entrevoir de francs succès, le XV de France féminin s’est incliné pour la treizième fois de suite face aux Anglaises de l’exaspérante Marlie Packer. Et le pire, c’est que nos bleues leur ont facilité la tâche…

On les aime, ces Bleues. On les aime vraiment. Avec leur fraîcheur, leur spontanéité, leur sens du travail et du sacrifice, leur volonté de jouer debout, de faire vivre le ballon, de se faire des passes… On aime leur caractère aussi. Samedi, elles ont livré un vrai combat aux Red Roses mais n’ont rien pu faire pour empêcher les protégées du Néo-Zélandais John Mitchell de remporter un sixième grand chelem consécutif, d’enchaîner une quinzième victoire et de leur asséner une treizième foutue défaite de suite. Le public français les aime aussi, quand on voit l’ovation qu’ont réservée les 28 023 spectateurs de Chaban-Delmas à leur tour d’honneur, ou comment le public girondin a multiplié les Marseillaise pour les soutenir quand les Anglaises les mettaient en difficulté.

On les aime, ces Bleues. Mais bon sang qu’elles nous agacent aussi… Samedi, elles n’ont pas eu leur pareil pour se saborder. En clair, à chaque fois qu’elles concluaient une action positive comme un essai, une pénalité ou même un franchissement, elles commettaient aussitôt l’erreur qui venait tout gâcher.

Ortiz : "On a manqué de maîtrise"

Des exemples ? On en trouve à la pelle. Alors que le premier essai marqué par Gabrielle Venier permettait aux Bleues de sortir un peu la tête de l’eau à la dix-huitième minute, après en avoir encaissé deux, l’arrière Emilie Boulard tentait une relance suicidaire de ses 22 mètres, sans supériorité numérique ni espace avec, en prime, une passe après contact. Résultat ? Interception et essai de Megan Jones. Six minutes plus tard, alors qu’elles venaient de marquer un magnifique essai en première main où Pauline Bourdon-Sansus s’amusa avec toute la défense anglaise avant d’adresser une superbe passe sautée à Marine Ménager qui renversa trois défenseuses sur sa ligne de touche, Anne-Cécile Ciofani commettait un en-avant sur le renvoi… Deux minutes plus tard, l’insupportable capitaine Marlie Packer s’effondrait dans l’en-but bleu.

À la 57e minute, alors que Holly Aitchinson trouvait une touche directe et offrait un lancer aux Bleus, ces dernières captaient bien le ballon, initiaient un maul dominant lequel était prolongé par une charge d’Ambre Mwayembe, mais Nassira Kondé perdait le ballon au sol. Un dernier pour la route ? À la 69e minute, juste après le deuxième essai de Marine Ménager, le renvoi anglais échappait aux Bleues, trop attentistes. Une minute plus tard, Alex Matthews marquait son doublé…

Voilà pourquoi ces Bleues frustrent tant leurs supporters. Parce qu’on a vu leur potentiel, et qu’on a le sentiment qu’elles l’ont gâché par un nombre incalculable de scories. En clair, elles n’ont jamais "validé la marque". Un constat partagé par le staff : "Le haut niveau exige de la maîtrise et notamment dans son camp. Clairement, aujourd’hui, on a manqué de maîtrise dans ces moments importants, analysait à chaud le cosélectionneur David Ortiz. Ces points sont identifiés et on pense qu’on peut les régler facilement. Ce qui est important, c’est de voir le potentiel de cette équipe, voir le supplément d’âme des filles quand elles ont été réduites à quatorze. On perd en effet le match sur ces moments clés mais on fera en sorte qu’ils soient mieux gérés." On passera sur le carton rouge attribué à Assia Khalafoui, tant la Girondine s’est montrée brillante tout au long du Tournoi. Mais là encore, son geste malheureux (un déblayage trop haut) entre dans ce fameux manque de maîtrise qui a coûté le grand chelem aux Bleues.

Matthews : "Nous, on adore être huées"

Dans ce contexte, les Anglaises n’ont pas eu à forcer leur talent pour s’imposer. On a retrouvé une équipe des Red Roses fidèle à elle-même : performante en conquête malgré une bonne prestation des Bleues dans ce secteur, redoutable sur les mauls… Sûres de leurs armes, les coéquipières de Packer n’ont même pas été impressionnées par l’accueil hostile du public français. Mieux, elles l’attendaient avec impatience. Dans la semaine, la troisième ligne centre Alex Matthews, élue femme du match samedi, avait posé le décor : " Nous, on adore être huées. J’ai honoré ma cinquantième cape contre la France en entrant seule dans un stade qui m’a adressé une vraie bronca et j’ai adoré ce moment. Je ne voulais rien d’autre. Ce qu’on veut, c’est marquer d’entrée pour mettre un point d’honneur à réduire au silence tout le public." À leur entrée sur la pelouse, les Red Roses ont été copieusement sifflées par le public girondin et elles étaient mortes de rire. Dès la cinquième minute, la puissante droitière Maud Muir ouvrait la marque dans un style typique des Red Roses : après une touche et un pilonnage en règle de la ligne tricolore.

Les raisons d’y croire

Cette treizième défaite contre les Anglaises étant consommée, il faut peut-être maintenant se poser les bonnes questions. Par exemple, se demander ce que l’on peut faire pour rendre ce trop faible championnat d’élite 1 plus compétitif, plus indécis, plus visible et donc plus utile aux joueuses pour se préparer à des matchs de haut niveau. Les clubs dans lesquels évolue chaque Anglaise s’appuient grosso modo sur la structure professionnelle des équipes masculines (Gloucester, Harlequins, Saracens, etc.), le tout dans une élite resserrée à neuf clubs, quand le championnat français traîne encore douze clubs dont un quart n’a pas le niveau. Le passage à dix clubs en poule unique est prévu pour l’année prochaine, mais combien de temps avons-nous perdu ? Il faut aussi se tourner vers l’avenir : le prochain WXV se tiendra à Vancouver (Canada) dans quelques mois, et surtout la Coupe du monde 2025 en Angleterre. Les Bleues pourront-elles combler leur retard d’ici là ? Il y a des raisons d’y croire.

Au gré de ce Tournoi 2024, les coéquipières de Manae Feleu ont gagné en profondeur d’effectif. Plusieurs jeunes (voire très jeunes) joueuses ont montré que l’on pouvait compter sur elles. Samedi, la pilier Ambre Mwayembe et la troisième ligne Teani Feleu, vingt ans chacune, ont signé des entrées prometteuses, comme elles l’ont fait à chaque fois dans ce 6 Nations : "On a toujours voulu, avec David (Ortiz), compter sur un groupe le plus large possible, expliquait la cosélectionneuse Gaëlle Mignot. Aujourd’hui, des jeunes joueuses sont entrées et ont apporté à l’équipe. Ces joueuses ont encore un an et demi pour se développer mais on compte à fond sur elles." D’autres lignes manquent toutefois encore de concurrence, à l’image du poste d’arrière ou de demi d’ouverture, où Emilie Boulard et Lina Queyroi n’ont que peu de rivales. L’autre point positif, c’est l’évolution patente de ce groupe. On n’exagérera pas en disant que c’est le jour et la nuit entre aujourd’hui et le dernier WXV, où les Bleues étaient engoncées dans un jeu restrictif. Et l’on ne parle même pas du Mondial néo-zélandais, en 2022, où le groupe avait connu une crise sans précédent.

En interne, cette fois, l’ambiance est apaisée et l’humeur du groupe est positive. Staff et joueuses sont sur la même longueur d’onde, tant sur le jeu que sur l’humain. Fort de tout cela, il faudra au plus vite concrétiser et clouer le bec de Marlie Packer et consorts. Parce que là, ça commence à faire long…

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Les commentaires (2)
kyjrugby Il y a 13 jours Le 29/04/2024 à 11:12

Un manque de puissance certain, de maîtrise également ; certaines joueuses excellentes à 7 n'ont rien à faire à 15. Dommage car cette équipe en veut : continuez à bosser points forts et surtout points faibles.

Gaston007 Il y a 13 jours Le 29/04/2024 à 11:09

Où est le problème ? Voilà plus de 60 ans que les français commettent la même erreur et fanfaronnent régulièrement. Du lièvre de la fable à la chèvre de M. Seguin il n'y a qu'un pas