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Libérez les cerveaux

Par Emmanuel Massicard
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SOS Champions. Le titre de notre dossier peut apparaître provocateur pour celui qui le découvre au gré d’une lecture désinvolte. Il dit pourtant quasiment tout de la situation du rugby français, en difficultés au plus haut de l’échelon international et qui se gargarise sans fin de rassembler la crème du rugby mondial dans ses clubs.

Nous touchons ici une nouvelle fois les limites du mode de direction bicéphale (d’un côté la Ligue, de l’autre la Fédération) de notre discipline, qui chasse sur tous les fronts et veut gagner sur tous les tableaux. Mais, faute de cadre et tout autant de logique, qui se prend régulièrement les pieds dans le tapis et passe à côté de ses principaux objectifs.

C’est notamment le cas avec ce Top 14 constellé d’étoiles mais qui ne parvient plus à fournir les champions, stratèges, talents purs et leaders de jeu dont aurait tant besoin le XV de France pour sortir du néant qui l’habite. Ces joueurs d’exception nous font aujourd’hui cruellement défaut, à l’image d’un Blanco, d’un Castaignède, d’un Michalak ou d’un Dusautoir qui ont débloqué tant de situations défavorables. Hélas, en confiant les postes clé à des stars étrangères le Top 14 a réduit le champ d’expression des internationaux français, trop souvent cantonnés dans l’ombre. Privés d’expérience et dès lors habitués à suivre le rythme d’une rencontre dicté par d’autres.

Ce n’est hélas pas la seule explication à cette perte de savoir-faire. L’organisation française centrée autour des principes du sport de masse ne conduit pas à l’épanouissement des individualités d’exception, même si d’autres sports ont su s’en accommoder. Citons pour l’exemple le hand qui a su accompagner avec précision et exigence l’accession de ses meilleurs jeunes vers le haut niveau. Claude Onesta parle alors de « manière dont on incorpore les jeunes » et regrette à propos du rugby : « Trop peu de joueurs sont responsabilisés en club ». Et trop peu d’entre eux sont préparés dans leurs jeunes années pour poser un regard critique sur la stratégie ou conduite des matchs.

Regardez ici combien notre approche de la compétition nous a menés dans l’impasse. À force de croire que les huis clos n’auraient pas d’incidence sur l’épanouissement personnel, l’échange et la confrontation des idées, personne n’a vu arriver l’isolement qui nous ronge. À force d’avoir des managers toujours plus directifs, c’est une part de la confiance indispensable à l’épanouissement des champions qui s’est évaporée. Résultat, bon nombre de joueurs sont robotisés, contraints à la récitation plus qu’ils ne sont incités à l’interprétation.

Le constat est cruel et il ne faudra pas attendre de miracle d’ici au Mondial même si Morgan Parra peut endosser sans avoir à rougir le costume du leader tant recherché. Dans son sillage, la génération des Bleuets pourra même avoir son mot à dire sur le chemin du Japon et plus vraisemblablement du Mondial 2023.

À plus long terme, il nous semble pourtant que le rugby français n’échappera pas à la remise en question. Pour aider ses joueurs à devenir plus grands, il devra libérer les énergies et les ambitions, ouvrir les cerveaux et nourrir en permanence la réflexion avant de passer à l’action. Nous pourrions jurer que c’est également à ce prix qu’il retrouvera le sens de son histoire, sa raison d’être, ses richesses et son pouvoir d’attraction.

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