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Brunel : «Tout le fonctionnement est faible»

Par Jérôme Prévot
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    Brunel : «Tout le fonctionnement est faible»
Publié le Mis à jour
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L'ancien sélectionneur de l’équipe d’Italie, Jacques Brunel nous explique ce qui ne marche pas dans le rugby élite italien. Notamment les relations entre la Fédération et les deux franchises.

Quels souvenirs gardez-vous des quatre années passées à la tête de la Squadra Azzura ?

Très très bons, en termes de découvertes d’un pays, d’un autre rugby même si, c’est vrai, je demeure insatisfait quant aux résultats et quant au fonctionnement de la sélection.

Que voulez-vous dire ?

J’avais imaginé les choses différemment. Quand j’étais dans le staff des Bleus, j’avais vécu les bisbilles entre la FFR et les clubs et quand je suis parti pour l’Italie, je me suis dit que ce serait peut-être différent. Dans un pays où la Fédération fonctionne avec des franchises et où elle pilote la formation des jeunes, je pensais que l’on pourrait créer une synergie et une cohérence. Ça, c’était l’idéal. Mais il était loin de la réalité.

Dans quelle mesure ?

Premièrement, le président qui m’avait recruté, Giancarlo Dondi est parti. Puis, je me suis vite aperçu qu’il y avait des gros différends entre la FIR et les franchises, même si elles sont censées être sous sa tutelle financière. D’abord, le président de Benetton Trevise s’était présenté contre Dondi, c’est quand même particulier. Et puis l’autre franchise, les Aironi, a fait carrément faillite. Il a fallu tout reconstruire et crééer les Zebres. À partir de là, tout a été plus compliqué que je l’avais imaginé.

Quel potentiel avez-vous découvert ?

Il restait assez costaud, mais j’ai vécu la fin d’une génération, Castrogiovanni, Perugini, Ongaro, Del Fava, Bortolami, des gars qui avaient pu percer à l’étranger… Il m’est vite apparu que le renouvellement serait difficile. Deux franchises, ça fait soixante joueurs, mais parmi lesquels, il y a quinze étrangers, une part de jeunes qui arrivent juste. Pour le sélectionneur, le choix est vite limité.

Le réservoir italien est-il faible structurellement ou limité par le fait qu’il n’y ait que deux équipes professionnelles ?

C’est tout le fonctionnement qui est faible. Il faut savoir qu’en Italie, il n’y a pas de compétitions de jeunes dignes de ce nom. Les joueurs arrivent à vingt ans sans avoir touché au haut niveau. Ils intègrent les académies nationales et régionales dans des conditions non optimales. Il leur faut encore travailler la technique de base ainsi que leur condition physique, car certains sont plus obèses qu’autre chose. J’ajoute aussi que le rugby n’est pas du tout pratiqué dans les écoles. Le sport en général y est presque absent. Pourtant, la FIR affiche un nombre de 80 000 licenciés. Ce n’est pas si mal… Je suis prudent. J’ai l’impression que dans les clubs les dirigeants comptent vraiment tout le monde pour atteindre les chiffres annoncés.

Avez-vous senti une culture du rugby assez forte dans le pays ?

Il y a des disparités. Dans le Nord, à Parme, Rovigo, Trévise, j’ai senti une vraie culture et une vraie histoire. Dans les autres régions, c’est plus compliqué, on trouve du rugby partout mais de manière très isolée. Dans le Sud, les clubs sont éloignés les uns des autres, et tout cela fait que les championnats sont difficiles à faire fonctionner au quotidien.

On pourrait penser que travailler avec deux franchises donne des avantages. Vous n’avez que deux équipes à surveiller, l’élite est concentrée...

A condition qu’il y ait une synergie. D’abord, il y a des problèmes politiques. La Benetton a toujours voulu montrer qu’elle était autonome par rapport à la Fédération et qu’elle ne suivait pas forcément ses consignes. Dans ces conditions, il est difficile de travailler au niveau technique. Par exemple à Trévise, il y avait un entraîneur sud-africain, Franco Smith, un gars remarquable qui entraîne désormais les Cheetahs mais il utilisait son demi d’ouverture comme verrouilleur en touche. Il était le seul au monde à faire ça... Donc l’ouvreur que je sélectionnais, quand il arrivait en sélection devait défendre d’une manière inhabituelle pour lui. Autre exemple, avec Giampiero De Carli (ancien pilier international et entraîneur des avants), nous voulions mettre en place des ateliers sur le jeu au sol avec les joueurs concernés dans chaque franchise. À la fin, nous y sommes arrivés mais je vous l’assure : ce fut très compliqué. Dans ce système, il y a toujours des réticences car les choses ne sont pas clairement actées : la fédération donne beaucoup d’argent, mais la contrepartie n’est pas claire. Les Zebre sont censés être plus proches de la FIR, mais j’ai entendu dire qu’il y avait des problèmes avec eux aussi.

Quid du championnat domestique ?

Il y a deux ou trois équipes costaudes, c’est tout : (NDLR: Calvisano, Rovigo, Padoue sont actuellement en tête du classement) . Les joueurs se préparent bien sur le plan physique, mais ils n’ont pas le rythme qui les prépare au niveau international.

Peut-être faudrait-il créer une troisième franchise ?

Peut-être, oui. Mais avec quels joueurs ? Regardez les résultats des équipes en Ligue Celte, même renforcées par des étrangers. C’est décevant.

Lors de votre mandat, y avait-il des joueurs italiens protégés à certains postes ?

Non. Nous aurions aimé pourvoir imposer un temps de jeu à ceux qui ne jouaient pas assez, comme à ceux qui auraient trop joué d’ailleurs.

De quoi êtes-vous le plus satisfait après votre passage en Italie ?

Je suis content d’avoir un peu bousculé la façon d’appréhender le rugby par la sélection. Je préférais un rugby qui s’impose à un rugby qui s’oppose. Mais je regrette que durant toutes ces années, nous n’ayons jamais connu le déclic qui nous aurait donné confiance aux joueurs.Nous avons perdu de trois points contre l’Australie, deux fois de quatre points contre l’Argentine. Nous avons failli gagner en France l’an passé.

Êtes-vous optimiste malgré tout pour le niveau du rugby italien ?

À court terme, je ne vois pas comment l’Italie pourrait changer l’ordre des choses. Il y aura bien des exploits isolés. Je crois qu’il y a plus d’unité dans le travail avec les franchises que quand je suis arrivé, mais les problèmes demeurent. Même avec deux franchises, on a recours à la main-d’œuvre étrangère. Quand je vois que les Zèbres jouent parfois avec six Sud-Africains… Je me dis que c’est terrible

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