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6 Nations 2024 - De l'Afrique du Sud à l'Angleterre, chronique d’un réveil pour le XV de France (1/2)

Par Jérémy Fadat et Arnaud Beurdeley
  • Léo Barré et Yoram Moefana ont laissé exploser leur joie face aux Anglais.
    Léo Barré et Yoram Moefana ont laissé exploser leur joie face aux Anglais. PA Images / Icon Sport - Andrew Matthews
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Cinq mois après le traumatisant quart de finale de Coupe du monde perdu, lequel a laissé plus de traces que beaucoup ne voulaient le (faire) croire, les Bleus ont conclu leur Tournoi des 6 nations 2024 par un succès et une deuxième place inespérée mais ô combien précieuse, tant ils ont vécu un chemin de croix.

Du haut de la tribune du Groupama Stadium, samedi soir, certains observateurs étaient replongés cinq mois en arrière, du côté du Stade de France, avec cette phrase qui revenait inlassablement : "C’est fou comme le scénario nous rappelle le quart de finale de Coupe du monde…" Après des semaines à répéter et accepter enfin que le traumatisme sud-africain n’avait toujours pas été digéré à l’heure d’aborder ce "Tournoi d’après", les Bleus étaient placés face à leur réalité en clôture de la compétition. Celle de son passé, de son présent et forcément de son futur. Et quand la question fut posée à Fabien Galthié après le match, lui a répondu avec un large sourire : "Je n’en aurais pas parlé si vous ne l’aviez pas évoqué mais cela m’a aussi rappelé ce match. […] C’est la vie. Ce n’était pas la fin d’une compétition, c’était la suite de notre histoire. C’était un apprentissage de tout ce qu’il s’est passé il y a quelques mois."

Et il fallait sûrement en passer par là pour définitivement faire le deuil et laisser ce (trop) douloureux souvenir derrière. Tout comme il fallait peut-être manger son pain noir ces dernières semaines pour engendrer une (r) évolution que le sélectionneur n’avait pas évidemment imaginée si précoce. De l’aveu même de certains acteurs du groupe, l’état d’esprit des troupes n’était pas le bon au moment d’entamer ce Tournoi et les comportements furent coupables. Sur le terrain et jusque dans des semaines de préparation trop peu intenses… Les Bleus, pas épargnés par les absences et les blessures, l’ont payé au prix cher, surclassés par l’Irlande à Marseille et humiliés par l’Italie à Lille. Et si la réaction d’orgueil fut remarquable en Ecosse, ils étaient sur un fil, en manque d’enthousiasme et de confiance.

"Les joueurs se sont levés"

Certainement placés dans un confort meurtrier par la promesse du sélectionneur d’emmener "80 % à 90 % de l’effectif" jusqu’en 2027, les cadres du premier mandat ont – par la force des choses – été mis face à leurs responsabilités. Conscients que l’histoire était en train de leur échapper. Et, après l’Italie, Galthié – bien aidé par les circonstances – a décidé de rebattre les cartes et de remettre de l’émulation à tous les niveaux. Là, les jeunes ont poussé et les leaders ont rassemblé. Attention, rien ne fut évident et le XV de France n’est pas encore redevenu cette machine à broyer ses adversaires.

Mais, en deux semaines, il a retrouvé de l’appétence pour le combat, un brin d’allant offensif et surtout une volonté de maîtriser les événements. Autant que son destin. Bref, il a retrouvé un collectif, récompensé par deux succès et une deuxième place finale, presque inespérée mais hautement précieuse. " Il nous restait deux matchs importants en six jours. C’était majeur. Les joueurs se sont levés et ont dit : "C’est pour nous." […] C’est un super tournoi. Un tournoi d’enfer. Au sens propre comme au figuré. Il n’y avait pas de répit. On était parfois sur la brèche, parfois sur la cime, parfois sur la tranche… Mais on a été solides, joueurs comme staff." Loin d’être totalement sortis du bourbier, les Bleus sont au moins repartis de l’avant. Cinq mois, c’était long quand même.

Management : au milieu, changement de paradigme

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, paraît-il. Et si, comme pour tout un chacun, l’on peut trouver mille défauts au sélectionneur, Fabien Galthié n’a rien du stupide entraîneur obstiné prêt à mourir avec ses idées. Au contraire. Ce millésime 2024 du Tournoi témoigne. Le patron des Bleus a fait évoluer sa méthode au moins en deux points majeurs. Deux paramètres qui ont probablement permis aux Bleus d’inverser la tendance d’une compétition bien mal embarquée. L’opération s’est faite en douceur quand de nombreux observateurs l’auraient souhaité plus rapide, moins consensuelle. Elle se situe en amont de la rencontre face aux Gallois.

D’abord, durant cette semaine de travail, le staff a axé son travail autour d’une volonté commune portée par les joueurs. "On a changé notre fusil d’épaule, confesse dans ces colonnes le trois-quarts centre Gaël Fickou. On a choisi de tenir plus longtemps le ballon sur ces deux derniers matchs. Et ça a payé. Thomas (Ramos) l’a bien illustré. C’est lui qui a tout organisé d’une main de maître." Au Millennium, les Bleus ont tenu le ballon 56 % pour 66 % du temps passé dans le camp gallois. Durant les quarante premières minutes, ils l’ont même conservé 62 % du temps. Avec le résultat que l’on connaît. Rebelote contre l’Angleterre samedi à Lyon (59 %). Loin de la "dépossession" ayant fait les belles heures des Bleus.

L’autre changement de paradigme concerne le management des ressources humaines. Jusque-là, Galthié était encarté dans un parti ultra-conservateur. Toujours avant le match à Cardiff, il a joué la carte de l’ouverture. « L’objectif était de challenger les joueurs, d’aller chercher de l’énergie, de faire monter le niveau des entraînements, a-t-il commenté sur l’instant. On a expliqué aux joueurs qu’on allait les challenger pendant trois jours avant d’annoncer l’équipe. » Traduction : secouer les "sénateurs" et les mettre devant leur responsabilité. "Cette victoire montre aussi à quel point les choix qui ont été faits, notamment celui d’apporter du sang neuf dans la composition de l’équipe, ont été les bons, disait notre consultant Imanol Harinordoquy après la victoire à Cardiff. Léo Barré, Emmanuel Meafou, Thibaud Flament, Nicolas Depoortere ou encore Nolann Le Garrec ont apporté de l’oxygène à une équipe qui en avait besoin." Et ça s’est confirmé samedi lors du « crunch ».

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