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Le Tournoi fête ses 140 ans : anecdotes et histoires sur la plus vieille compétition de rugby au monde

Par Jérôme PRÉVÔT
  • Le Tournoi fête en 2024 ses 140 ans d'histoire.
    Le Tournoi fête en 2024 ses 140 ans d'histoire. MB Media / Icon Sport - MB Media / Icon Sport
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Le premier Tournoi complet s’est déroulé en 1884. Que de chemin parcouru depuis, la compétiton amicale et informelle est devenue une vraie machine de guerre ou plutôt une poule aux œufs d’or. Mais les crises furents plus nombreuses qu’on ne le croit.

C’est en 1884 que tout a commencé. Cette année-là, pour la première fois, les nations majeures européennes se sont rencontrées dans une année civile entre le 5 janvier et 12 avril, trois matchs pour l’Angeterre, le pays de Galles, l’Irlande et l’Écosse. Ce fut un carton plein pour les Anglais vainqueurs d’un non-trophée, on ne l’appellera "Triple Couronne" que dix ans plus tard. Le dernier match accueillit 8 000 personnes à Blackheath. Une chose frappe avec le recul, le Tournoi est né comme ça, de façon empirique parce que les quatre fédérations avaient envie que leur équipe nationale joue des rencontres internationales. Il ne reposait que sur les relations bilatérales entre les pays, il n’y avait pas d’organisation spécifique. À quoi aurait-elle servi ? Il n’y avait pas de droits télévisés ou de droits commerciaux à partager. Chaque fédération empochait ses recettes, tout simplement. L’affaire couvait depuis deux ans, une première pré-édition avait eu lieu sur deux ans en 1882 et 1883, il avait manqué un match (Irlande-Galles) pour que le Tournoi soit "complet".

Plus de crises qu’on ne le croit

Contrairement à ce que l’on croit parfois, les premières années du Tournoi ne furent pas un long fleuve tranquille. Elles furent même émaillées de sérieuses crises. En 1884, justement, la victoire des Anglais sur les Écossais un essai à zéro se termine par une grosse embrouille. Y avait-il en-avant sur l’essai de Richard Kindersley ? L’affaire prit des proportions énormes car les pays n’étaient pas d’accord sur les règles. L’Écosse refusa de rencontrer les Anglais en 1885 et en 1886. Pour dénouer la crise, les pays eurent l’idée de créer une instance, l’International Rugby Board, chargée d’établir des règlements acceptés par tous. Mais les Anglais se firent prier pour les accepter, on les boycotta, ce qui explique que les Tournois 1885, 1886, 1888 et 1889 furent incomplets.

Dix ans plus tard, en 1897 et 1898, l’Écosse et l’Irlande refusèrent d’affronter les Gallois car un de leurs joueurs, Bobby Gould, était accusé de professionnalisme.

En 1914, l’Écosse refusa de recevoir la France en raison d’incidents graves l’année précédente. La plus grave crise survint en 1931 quand la France fut carrément exclue sine die pour des questions de violence et de professionnalisme. La punition dura jusqu’en 1947, mais elle aurait dû être interrompue dès 1940, mais la guerre en décida autrement. En 1972, deux matchs ne se sont pas joués à cause des troubles en Ulster, le pays de Galles et l’Écosse ne se sont pas déplacés à Dublin.

En 1976, lors d’une discussion informelle et feutrée, la France, par la voix de Marcel Martin, avait brandi la menace de quitter le Tournoi. Elle voulait intégrer l’International Board.

En 1997 et en 1999, l’Angleterre fut à deux doigts d’être exclue à la suite d’un litige sur les droits télévisés (la RFU avait signé seule un contrat avec Bsky B de Murdoch sans vouloir le partager avec les autres nations). Après d’âpres négociations on évita le pire au bout de quelques jours.

Le Tournoi a 140 ans. Ici Christophe Lamaison en 1995.
Le Tournoi a 140 ans. Ici Christophe Lamaison en 1995. Sports / Icon Sport

Une épreuve longtemps abstraite

Ça paraît fou, mais le Tournoi est resté pendant plus d’un siècle une compétition amicale. Elle n’avait pas de classement officiel et ne décernait aucun trophée. Seule la Calcutta Cup était matérialisée à l’issue des duels entre l’Angleterre et l’Écosse. La Coupe est apparue en 1993 en même temps qu’un classement en bonne et due forme.

Le Tournoi fut longtemps organisé par un Comité qui était une réunion à l’amiable entre les représentants des Fédérations. Pas de procédures, pas de règles écrites, on discutait essentiellement du calendrier et parfois d’autres dossiers. On votait à main levée, on se partageait les droits télés naissants entre potes. Les premiers emplois permanents dans les années 90 virent le jour sous ce régime. Il a fallu attendre 2004 pour que les 6 Nations se constituent en société à part entière avec des statuts et un fonctionnement précis.

La stabilité et la régularité

Par-delà les moments de crise évoqués plus haut, le Tournoi s’est imposé par sa stabilité et sa régularité. La formule sportive n’a pas changé, un seul match entre pays par an, chacun recevant l’autre une fois sur deux. En 140 ans finalement, le Tournoi n’a connu que deux changements fondamentaux, l’entrée de la France en 1910 et celle de l’Italie en 2000 qui ont augmenté le nombre de matchs. Mais n’ont pas altéré la limpidité de cette épreuve.

Les Écossais de Gregor Townsend (en bas à droite en 1993) ont aussi contribué à écrire de belles pages dans la grande histoire du Tournoi.
Les Écossais de Gregor Townsend (en bas à droite en 1993) ont aussi contribué à écrire de belles pages dans la grande histoire du Tournoi. ASP / Icon Sport

Ce Tournoi compétition fermée par excellence s’est imposé dans le subconscient de tous les amoureux du rugby, surtout des téléspectateurs. Cette fermeture fut parfois critiquée, mais elle a permis aux nations qui traversaient des moments difficiles d’être maintenue dans la "famille" pour se refaire. Mais certaines voix font remarquer qu’il existe un septième partenaire dans le tournoi, le fameux fonds d’investissement CVC qui est arrivé en 2021 en investissant 425 millions d’euros sur cinq ans. Mais il n’aligne pas d’équipe.

Une poule aux œufs d’or

Le Tournoi s’est affirmé comme le gros pourvoyeur financer des quatre, puis cinq, puis six fédérations. Tout simplement, parce qu’il offrait des recettes énormes aux guichets à une époque où les joueurs n’étaient pas payés. Et puis les droits télévisés et commerciaux sont arrivés et le professionnalisme avec. Le Tournoi est devenu une poule aux œufs d’or qui rapporte aux six pays chaque année davantage que la Coupe du monde tous les quatre ans. En 2014, les revenus globaux ont dépassé le cap des 100 millions d’euros à se partager entre les participants, ils se rapprochent désormais des 140 millions. Certains matchs attirent près de 10 millions de téléspectateurs. La France récolte 21 millions d’euros par édition. Le Tournoi est considéré comme la compétition sportive régulière qui affiche la meilleure moyenne de téléspectateurs (78 000 environs).

Les Irlandais, ici au moment de soulever le trophée en 2018, règnent en maître sur le Tournoi depuis plusieurs saisons.
Les Irlandais, ici au moment de soulever le trophée en 2018, règnent en maître sur le Tournoi depuis plusieurs saisons. SPI / Icon Sport - Icon Sport

Un quasi-équilibre préservé contre vents et marées

Vaille que vaille le Tournoi a maintenu un certain équilibre entre les nations, même si c’est vrai, l’Italie n’a jamais pu se hisser à la hauteur des cinq autres. Mais si l’on regarde bien, on s’aperçoit que la compétition a évité les longues hégémonies. On l’a craint dans les années 90 quand France et Angleterre, nations les plus peuplées, semblaient se détacher. Mais les nations Celtes ont redressé la barre. Le pays de Galles au trou dans les années 80-90 a gagné six éditions entre 2005 et 2 021. L’Irlande, en perdition dans les années 85-99, a signé cinq victoires depuis 2009. L’Écosse est un cran en dessous depuis 1999, mais si elle n’a plus gagné le trophée, elle n’est pas larguée pour autant. Elle a souvent gagné au moins deux matchs. Ce relatif équilibre est crucial pour la crédibilité de l’épreuve.

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