Abonnés

6 Nations 2024 - "En mission", le commentaire général de pays de Galles - France

  • Gael Fickou sera titulaire aux côtés de Nicolas Depoortere.
    Gael Fickou sera titulaire aux côtés de Nicolas Depoortere. Icon Sport - FEP
Publié le Mis à jour
Partager :

Méconnaissable et apathique depuis le début du Tournoi des 6 Nations, le XV de France a néanmoins promis une réaction d’orgueil à ses supporters, ce dimanche. L’heure du grand pardon a-t-elle enfin sonné ?

Il paraît que le XV de France est malade. Tous les toubibs que compte ce territoire déjà fort calé en « fracture du maxillo-zygomatique » lui trouvent d’ailleurs l’œil éteint, les jambes lourdes et le moral en friche. Les faits, eux, donnent plutôt raison aux blouses blanches de toute la Gaule et, après trois rounds de compétition, les « petits » squattent donc la première place de la deuxième division du Tournoi ; devant Galles et la Squadra Azzurra, certes, mais derrière toutes les autres nations qu’ils regardaient, naguère, au pire dans les yeux, au mieux habités d’un sentiment de supériorité qui pouvait alors s’entendre.

Dans le sillage de son porte-drapeau, c’est le rugby pro dans son entièreté qui se crispe, toussote et tombe le masque, rappelant dans ses multiples quintes de toux que la précellence qu’on lui prête généralement dans le grand public est bien souvent une chimère. Il y a trois jours, on apprenait par exemple dans L’Equipe que le centre de haute performance du Rct, fier pourvoyeur d’internationaux tricolores, logeait en son cœur... un « fumoir ». Un fumoir, fada ! Dans un « Campus » de 12 millions d’euros originellement bâti pour guider ses résidents vers « l’excellence », puisque c’est ainsi qu’il est dépeint sur le site internet du club varois ! Mais alors, une question nous taraude, les gars : vous l’aviez collé où, votre bar à chicha ? Entre les caissons de cryothérapie et la salle de muscu ? Ou pas loin de la baraque à frites et du bouge à hôtesses ? On se marre, on se moque mais comment voulez-vous, franchement, que l’on redevienne un jour une grande nation du rugby, dans un tel foutoir… Comment voulez-vous que l’on aborde ce voyage à Cardiff sans craindre que ces Gallois au bord du précipice et déjà battus trois fois en autant de rencontres ne s’acharnent sur ce XV de France à court de punch et exempt d’idées, depuis un mois… In fine, comment voulez-vous que l’on se fasse une joie de fouler ce week-end les pavés gluants de Saint-Mary Street, cette rue de la soif un rien sauvage où l’on eut parfois le malheur d’apercevoir, aux heures fourbes du petit matin, des jeunes femmes en robe courte faire pipi debout…

Les croque-mitaines de l’axe droit

C’est qu’on aurait tendance à oublier qu’avant que l’équipe de France ne refasse du Principality Stadium un endroit plutôt agréable (les Bleus y ont gagné deux fois lors du premier mandat de Fabien Galthié), la sélection tricolore n’y avait plus triomphé depuis dix ans et considérait la terre des Diables Rouges comme relativement hostile, pour ne pas dire totalement malaisante. À ce titre, on a par exemple jamais oublié ce que nous confia un jour Jules Plisson, demi d’ouverture international alors allergique aux emportements spasmodiques des cuivres du « Royal Welsh Band », la fanfare militaire indigène. « Ce jour-là, disait alors le bon Jules, j’avais été très impressionné. Il y avait d’abord eu cette entrée sur le terrain, dans le noir et avec, à fond, du rock and roll... Et lorsque les Gallois nous avaient rejoints sur la pelouse, vint le tour des flammes, des lasers et des cris… Je crois que nos adversaires étaient même escortés d’une bête, ce soir-là… Un bouc, à mon souvenir… Ce spectacle, c’était comme l’avant-scène d’un combat de boxe,… » Au vrai, on ne sait si le dandy versaillais Léo Barré et les autres bizuts du groupe France ont le cœur suffisamment accroché pour survivre à ce baptême du feu qui avait jadis eu la peau de l’émotif Jules Plisson. A contrario, on peut aussi se demander si la jeunesse galloise est vraiment prête à recevoir le feu que le pack français a prévu de déverser sur elle, cet axe droit d’ogres de conte où Uini Atonio et Emmanuel Meafou offrent au rugby international un visage aussi nouveau qu’effrayant.

Vous vouliez de la nouveauté, mon bon peuple ? Vous en aurez, nom de Zeus ! Et puisque Fabien Galthié a toujours dit que « les joueurs devaient venir prendre le maillot » et que le XV de France était globalement ouvert à tous les meilleurs éléments qu’on recense sous ce noble ciel, voici le sélectionneur, séduit par Barré et conquis par Meafou, Le Garrec ou Depoortère, enfin raccord avec un postulat de départ qu’il avait quelque peu négligé, depuis la fin de la Coupe du monde. A-t-il compris que le groupe France avait urgemment besoin de sang frais ? S’est-il persuadé qu’en fermant sa sélection à quatre ans du Mondial australien, il condamnait sans le vouloir ses cadres à un confort bourgeois inadapté au très haut niveau, quand les aspirants de tout horizon voyaient par ricochets leur foi en la Cocotte se réduire à peau de chagrin ? On est quelques-uns à le croire tant « Galette », plutôt conservateur dans ses compositions d’équipe depuis l’hiver 2020, semble aujourd’hui enclin à partiellement détruire son équipe, quitte à mieux la reconstruire.

Une victoire sinon rien !

Parce qu’après trois sorties douloureuses, pour ne pas dire totalement insupportables aux yeux de quiconque aime le XV de France, l’heure de l’émeute a désormais sonné, sacrebleu. Et à Cardiff, on attend déjà de la sélection tricolore, quatre pauvres essais aplatis depuis le début de la compétition, qu’elle donne un souffle nouveau à une animation offensive en souffrance, ces dernières semaines. Attention ! On ne vous demande pas le Pérou, les petits ! On veut juste vous voir attaquer autrement que la peur au ventre et les mains moites. On veut que vous fassiez, en cette noble terre, honneur à la folie de Barry John et aux farandoles de JPR Williams, princes de Galles dernièrement rappelés ad patres. On veut des libérations de balles rapides, un Ramos sécurisé par un pack qui concasse et, sur les extérieurs, le Penaud en passe de ringardiser le record de Serge Blanco ; pas celui, impatient et capricieux, qui lève les bras au ciel pour appeler l’arbitre de champ à reconsidérer ses positions. Mais on veut aussi apercevoir quelques lancements de jeu d’honnête facture, ceux-ci ayant ces dernières semaines totalement disparu du paysage. Et on veut, in fine, que vous donniez raison à ce rugby d’en-bas qui, en 2019, avait très justement fermé la porte de la sélection au marmoréen Warren Gatland, le patron d’en face.

Franchement ? Si une victoire à Cardiff ne suffirait pas à nous faire oublier que l’équipe de France doit à un essai litigieux (en Ecosse) et un autre invisible (contre l’Italie) le droit de ne pas se battre aujourd’hui pour éviter la cuillère de bois, elle nous conforterait au moins dans l’idée que nous n’avons pas vécu dans un mensonge, ces quatre dernières années. Elle nous donnerait surtout à croire qu’une équipe de France qui gagne n’est pas incompatible avec un championnat tout aussi passionnant qu’énergivore, avec un rugby historiquement centré sur ses clubs mais sachant aussi, en période internationale, s’affranchir de son essence intramurale pour faire exister l’ovale gaulois ailleurs que sur l’étroitesse d’une ligne partant de Bordeaux et se terminant à Nice. Chiche ?

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (3)
PRESIDENT Il y a 1 mois Le 10/03/2024 à 12:49

Quand je vois jouer les anglais , énergiques et manieurs de ballons , je me dis qu'on est loin de cette mentalité

CasimirLeYeti Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 10:39

J'aime bien cet article, bon il a fallu que j'aille quand même chercher "marmoréen" [= "de marbre"]... La nostalgie en embaumant le passé est une sacré illusionniste ; elle crée un Roman national fait d'exploits et de grand faits d'armes, elle crée une chanson de Geste fantasmée. J'ai regardé nos matchs contre les gallois de 2020 et 2021, à part le Test Match pour préparer la Coupe d'Automne des Nations gagné 38 - 21 même au début de l'aventure, qu'est-ce que ce fut dur... Ces descendants de paysans et de mineurs ont toujours eu du courage à revendre et ils sauront à coup sûr, nous faire descendre du piédestal que nous nous sommes fabriqués si, par malheur, nous avions encore oublié d'où nous venions...

Eusebius Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 08:00

« un confort bourgeois inadapté au très haut niveau » : c'est très bien senti, et il reste sans doute encore quelques ajustements à faire pour mettre à mal cet excès.