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6 Nations 2024 - "Golgoths, mode d’emploi" : comment gérer les monstres physiques des Bleus

  • Uini Atonio et Emmanuel Meafou, de dos, à l'entraînement du XV de France
    Uini Atonio et Emmanuel Meafou, de dos, à l'entraînement du XV de France - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Avec un pack comptant des joueurs aux gabarits surdimensionnés comme Uini Atonio, Emmanuel Meafou, ou Sébastien Taofifenua, le XV de France a fait le pari de la puissance. Mais entretenir ces précieux briseurs de défenses demande une attention toute particulière, comme nous l’a expliqué Julien Deloire, ancien préparateur du XV de France de 2008 à 2018 et des Jaguares de 2019 à 2020...

Avec 10 années passées au plus près du XV de France où il était en charge de la préparation physique, Julien Deloire en connaît un rayon sur le rugby de haut niveau. Et plus spécialement sur l’apparition et l’émergence de joueurs disposant de gabarits XXXL… Il était même au premier rang, puisque ce fut en plein dans son mandat qui courut de 2008 à 2018 et cours duquel il a travaillé avec trois sélectionneurs : Marc Lièvremont, Philippe Saint-André, et Guy Novès : « C’est aux alentours de la Coupe du monde 2015 que le rugby français a vu ces gros gabarits se multiplier alors qu’ailleurs, le rugby mondial prenait la direction d’un rugby de mouvement. Je pense à des Uini Atonio, Louis Picamoles, Matthieu Bastareaud… Ce fut un moment marquant », rembobine celui qui est aujourd’hui en poste au Lou. "Paul Willemse est arrivé après, Romain Taofifenua était déjà là aussi. » Des armes lourdes aussi spéciales que nécessaire : « Tu as tellement besoin de ces gros porteurs… tu ne peux pas avoir une armée de mobylettes !" s’exclame le Lyonnais. Mais il faut aussi savoir les gérer, et surtout les utiliser.

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"La première chose à faire, c’est d’avoir une réflexion sur le jeu : avoir des mecs sans savoir les utiliser, c’est une erreur. C’est pour cette raison qu’il faut un travail étroit entre sélectionneur et préparateurs physiques. Si tu demandes à des gabarits comme ça de balayer le terrain, ils vont être brûlés après un quart d’heure. Sur son précédent mandat, Fabien Galthié a été très très bon là-dessus. Je me souviens par exemple qu’Uini Atonio était au même poids que quand j’étais en poste, mais je le trouvais beaucoup actif sur le terrain, beaucoup plus efficace. Et pareil en club".

Et la question se pose à toutes les équipes, qui comptent un plus ou moins grand nombre de ces bestiaux hors-norme : "On a eu cette réflexion avec Gonzalo Quesada à l’époque des Jaguares. Nous n’avions pas une équipe très lourde, mais on avait quelques joueurs très denses comme le pilier Joel Sclavi ou le talonneur Julian Montoya qu’il fallait utiliser différemment."

Deloire : "Ils ont besoin de travailler leur mobilité"

Entre les matchs, ces grosses cylindrées demandent aussi un entretien particulier : "Sur les semaines d’entraînement, tu sais que ces joueurs ne pas autant courir que d’autres. Un excès de course peut déclencher des problèmes aux genoux, aux articulations, des tendinopathies. Il faut donc trouver des alternatives comme du rameur, du vélo, du watt-bikes bref n’importe quel type de travail physique porté. On peut agrémenter les séances en ajoutant des modules pour avoir une activité cardiovasculaire intense sans avoir de traumatismes. Il faut aussi veiller à la charge de travail : si on a identifié que tel joueur est capable de courir 14 kilomètres par semaine sans avoir d’inflammation, il faut s’y tenir. On peut pousser un peu sur les semaines où l’on veut qu’il bosse, mais on ne passe pas de 14 à 20."

L’autre composante à prendre en compte est le travail de gainage : "Il n’y a pas de mystère, il faut aussi du maintien pour soutenir de telles carcasses. Si le corps s’affaisse, cela a des répercussions partout. Par exemple un bassin qui s’affaisse, c’est un genou qui s’écrase."

Mais la vraie surprise vient d’une autre composante à laquelle on ne penserait pas en voyant ces béhémoths bouger. "Ces gros porteurs sont généralement des avants, qui passent leur temps à tomber au sol et à se relever. Les articulations fléchissent avec des angulations importantes, et ça, ça les épuise. Ils ont donc besoin de travailler leur mobilité. En développant leur souplesse articulaire, ils se relèveront plus facilement, avec moins d’énergie. C’est valable pour n’importe quel rugbyman et même sportif, mais la souplesse articulaire peut faire une vraie différence sur ces gros gabarits".

Le poids, leur combat permanent

La dernière composante est bien évidemment le poids : "Qu’on le veuille ou non, l’optimisation de la masse corporelle est importante. La masse grasse, c’est du poids inutile. Un mec qui dit qu’il se sent mieux avec cinq kilos de gras en plus, j’ai du mal à l’entendre dans un sport de haut niveau qui devient de plus en plus exigeant. Peut-être que ces cinq kilos seront utiles à un pilier sur une mêlée. Mais derrière, il va se les traîner sur le dos tout au long du match. Après, il ne faut pas que le régime alimentaire soit punitif et il faut travailler avec le nutritionniste. Il faut avoir un poids cible, et ajuster sur une fourchette. Sur des gabarits comme ça, tu peux avoir un delta de deux kilos en un ou deux jours, sans que le joueur ait changé la moindre chose à son régime. C’est vraiment surprenant."

Encore une fois, il est impossible d’aller contre-nature. Ces poids lourds n’auront jamais la mobilité de joueurs plus légers. Mais on peut fixer des objectifs en relation avec le projet de jeu : « Le sélectionneur, en collaboration avec le préparateur physique : "J’attends de toi que tu bouges comme ça, sur le terrain. On peut fixer des objectifs en nombres de courses, de distance, d’accélérations, de ce que l’on veut. On ne peut pas lui demander de perdre cinq, six ou sept kilos. Il faut optimiser la masse en fonction des objectifs fixés par le coach." Et le Lyonnais de citer un exemple très récent : "Je me souviens d’une percée en plein centre du terrain de Semi Radradra en fin de match. Romain Taofifenua était entré en jeu plus tôt, mais il a été capable d’accélérer et de faire une très bonne course de soutien pour venir sécuriser seul le ruck de Semi après son franchissement, et offrir une libération rapide à Baptiste Couilloud. Si un autre joueur plus léger était venu dessus, on aurait peut-être perdu le ballon, ou la sortie aurait été ralentie. Quand on arrive à cela, c’est gagné."

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Les commentaires (7)
Jinfrinsoe Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 13:15

Napoléon savait gagner avec une armée de « mobylettes » au début, il exploitait juste les failles des autres mais bon ça s'applique peut-être pas à l'EDF

Chabalou Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 14:46

Je crois que ct le surnom de Jacques Foutoux un grand demi de melee et entraîneur

Chabalou Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 13:04

Et oui c bien dit. Les poids lourds ne font pas tout non plus, il faut savoir les utiliser
Regardons les Irlandais moins costauds mais terriblement efficaces et très mobiles
Atonio ne fait pas avancer de 15 m par match, certes la mêlée ne bouge pas, mais il ne gratte as non plus

FGJ31ST Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 11:18

Article effectivement très intéressant. En Top14, la possibilité de sortir puis de re-rentrer, facilite sûrement la gestion des très gros gabarits.

CasimirLeYeti Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 20:09

Oui, et cela se retourne contre nous dans les matchs internationaux quand ça commence à fond et après ça accélère