Rugby à 7 - Antoine Dupont, les dessous d'une mutation

  • Antoine Dupont (France).
    Antoine Dupont (France). Abaca. - Icon Sport.
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Ce vendredi, Antoine Dupont va entamer, à 27 ans, sa carrière de septiste. Cette envie, présente depuis longtemps chez lui, s’est concrétisée par un projet mûrement pensé et par un travail spécifique. Explications. 

« Les jeux Olympiques représentent le Graal du sport tout simplement. Nous avons tous des souvenirs mythiques des Jeux devant notre télé. » Le rêve de gamin d’Antoine Dupont va commencer à devenir réalité ce vendredi. À 8 000 km de Paris et à cinq mois des JO, le Toulousain s’apprête à donner le coup d’envoi de sa conquête.

Par-delà le fantasme d’un gamin surdoué des Hautes-Pyrénées, c’est aussi et surtout un plan mûrement réfléchi par ce compétiteur d'un genre nouveau qui est sur le point de se concrétiser. Comme pour tout projet, tout est parti d’une envie : « Il a toujours fait part de son souhait de s’exposer sur le VII, confie un de ses proches. Ça l’a toujours attiré. Au-delà du fait qu’il y a les JO et qu’ils se déroulent à Paris, il était tenté par l’expérience. » Du côté de Toulouse, ce dessein était connu dès 2020 et avait été intégré à son nouveau contrat : « Mais il n’y a rien eu d’écrit, tout reposait sur une confiance mutuelle », nous avait-on alors précisé du côté d’Ernest-Wallon. Restait à voir dans quelles conditions cette parenthèse olympique pourrait s’ouvrir le moment venu : « Comme il y a beaucoup d’enjeux dans le rugby français, il a fallu être intelligent et bien articuler tout le dispositif, évoque Jérôme Daret. C’est un dossier qui a été soigneusement construit, avec tous les acteurs en jeu. » Une fois les considérations financières et logistiques réglées, la porte s’est ouverte. Pour Antoine Dupont mais pas seulement : « Quand il a été proposé à des internationaux à XV de tenter éventuellement l’aventure, l’envie d’Antoine est naturellement revenue au goût du jour, nous explique une partie prenante des discussions. Mais ce n’était pas un dispositif Dupont, c’était ouvert à d’autres. Il y avait d’autres potentiels candidats mais ça ne s’est pas fait pour certaines raisons, par rapport à leur club ou du fait que certains n’acceptaient pas la contrainte d’une vraie préparation à VII, avec tous les stages et les tournois. » Cette condition sine qua non pour briguer une place avait été posée d’entrée sur la table. Le Haut-Pyrénéen a voulu et a pu s'y conformer : « France 7 ne voulait pas reproduire les échecs connus par d’autres nations ni léser les membres actuels de l'effectif. Il n’était pas question d’accorder de passe-droit à qui que ce soit. C'est la performance qui serait le juge de paix. Ce qu’Antoine cherchait, de toute manière, ce n’était pas un coup médiatique mais relever un vrai challenge sportif. » Un des plus beaux, si ce n’est le plus beau. Jérôme Daret sait ce qu’il en coûte : « Pour tout passionné de sport, une médaille olympique change la vie. Mais pour prétendre au Graal, il faut se lever en pensant médaille olympique et se coucher en pensant médaille olympique. »

Une préparation adaptée

Une fois le cadre défini et la collaboration actée restait le plus important : réussir la transition afin que la promesse, si belle, puisse être tenue. Et, en l’occurrence, le talent, s'il est nécessaire, n'est en aucun cas suffisant. Julien Robineau, préparateur physique de la sélection depuis plus d’une décennie, a pu le constater de ses propres yeux : « On avait vu, en 2016, toutes les galères des quinzistes : Sonny Bill Williams s’était fait le tendon d’Achille sur le premier match tandis que Bryan Habana, Quade Cooper et Juan Imhoff avaient, eux, souffert sur l’adaptation. » L’encadrement a donc voulu ne rien laisser au hasard : « Depuis septembre-octobre, je suis en contacts avec le préparateur physique de Toulouse pour débroussailler le terrain. J’ai récupéré toutes les données de charges d’entraînement d’Antoine en club. J’avais ainsi un état des lieux de ce qu’il faisait depuis des mois. Comme pour tout quinziste, la grosse différence avec notre groupe venait de la part de distance sprintée. Nous avons donc orienté un peu sa préparation. Et là, il n’y a pas le choix : il faut des sprints sur 40 mètres, sur 50 mètres… C’est ce qu’il a fait à la fin des entraînements avec Toulouse, quand il se sentait bien et que c’était possible. » L’habituel capitaine du XV de France a été, sans surprise, un élève assidu de ses cours à distance : « Ce qu’on a pu voir, c’est que sa charge de sprint a augmenté sur les dernières semaines. C’était notre volonté. » Presque une nécessité. En l’espace de quelques semaines, Antoine Dupont est ainsi passé en mode septiste. Sans voir son corps se transformer pour autant : « On m’a déjà posé la question mais non, il est resté à son poids de forme à XV. » Qui est donc aussi le sien à VII : « On est dans les clous par rapport à ce que l’on recherchait, reprend Julien Robineau. Il atteint des « vitesses max » très régulièrement. Il avait les prédispositions physiques à la base pour évoluer à VII, d’autant plus qu’il joue 9 et que la répétition est un de ses points forts, mais il s’est aussi préparé comme il le fallait pour être en forme. Il savait que ça ne se ferait pas en un claquement de doigts. Aujourd’hui, il coche toutes les cases sur le plan physique. Il n'y a pas de secret. »

« Il note tout dans son carnet »

En toute logique, sa formation accélérée a comporté un volet tactico-technique : « Nous avons eu des points réguliers depuis la fin de la Coupe du monde pour lui faire passer le plus d’informations possibles afin qu'il comprenne le jeu et notre mode opératoire, explique Jérôme Daret. Ça lui a permis d’appréhender nos mécanismes avant de nous rejoindre. Il y a aussi eu toute la partie vidéo. Nous lui avons donné accès à nos matchs et entraînements pour qu’ils s’en nourrissent. Mais vous savez, comme c’est un passionné, il le regardait bien avant le rugby à 7. » Aussi averti et doté soit-il, le meilleur joueur du monde à XV 2021 a dû tout de même ajouter quelques atouts dans son jeu : « On a vu avec le Stade toulousain pour qu’il travaille, dans la mesure du possible, des skills et des petits programmes moteurs, à déclencher sous fatigue pour être le plus efficace possible le moment venu. En gros, cela portait avant tout sur les attitudes au plaquage et les contests. C’était très important pour nous. »

Quand Antoine Dupont a débarqué à Marcoussis le 3 janvier, son aventure avait déjà débuté. Un mois et demi après la première poignée de main, ses partenaires n'en disent que du bien : « C’est vraiment impressionnant : en un rien de temps, il est arrivé à se faire à ce jeu, hallucine Théo Forner. C’est avant tout parce qu’il travaille beaucoup et qu’il est très curieux : il est à fond dans l’analyse des équipes, dans la volonté de comprendre ce rugby. Il a un carnet sur lequel il écrit tout, il pose beaucoup de questions, même aux plus jeunes. Il se met au même niveau que nous, c’est appréciable. Il n’est pas venu en disant : « Je suis indiscutable. » » Ce statut, les champions savent qu'il ne se gagne pas ailleurs que sur le terrain. L’heure de prouver a justement sonné. Jérôme Daret attend ce moment depuis des mois voire plus encore : « Je pense que le VII va lui apporter des choses qu’il ne soupçonne pas, il va découvrir des trucs en plus. En tout cas, un joueur avec de tels standards, il me tarde de voir ce que ça va donner. »

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