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Amateurs / Nationale 1 et 2 - Enquête sur les Nationales (1/2) : les finances sont dans le rouge

Par Quentin Put
  • Après le dépôt de bilan de Blagnac, quinze clubs seraient en grande difficulté financière.
    Après le dépôt de bilan de Blagnac, quinze clubs seraient en grande difficulté financière. DDM - Laurent Dard
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Après le dépôt de bilan de Blagnac, la situation des clubs de Nationale et Nationale 2 inquiète en plus haut lieu. L’occasion de se pencher sur un contexte récent et particulier.

Le dépôt de bilan de Blagnac, intervenu il y a deux semaines, a secoué tout un pan du championnat français. Sportivement, le forfait général a forcément dénaturé le classement de la Nationale. D’autre part, ces problèmes financiers font écho à d’autres situations comparables chez d’autres écuries de cette division et de la division inférieure. "On sent bien qu’il y a des inquiétudes en Nationale et Nationale 2, puisque plusieurs clubs m’ont sollicité pour m’en faire part", révèle Xavi Etcheverry, président de Nafarroa et vice-président de la FFR en charge des compétitions. On parle de quinze dossiers de clubs en difficulté (évoluant de la Nationale à la Fédérale 2) reçus dans les bureaux de l’autorité de régulation du rugby (A2R, ex-DNACG). Jean-Louis Caussinus est à la tête de la commission de contrôle de l’A2R concernée, à savoir la CRCF : "Il faut comprendre qu’on contrôle sur des éléments factuels, envoyés par les clubs au 30 juin 2023. Il est difficile de mesurer les difficultés rencontrées plus tard, liées à la conjoncture comme le retrait de sponsors", témoigne l’ancien patron de Narbonne.

Des droits TV qui n’ont pas duré

Même si la part de ce revenu hypothétique est relative, les droits TV, atouts pour les partenaires des clubs, brillent par leur absence dans ces championnats nationaux. « Ce manque de visibilité a une incidence au niveau du partenariat », constate Benoît Mestre, le président de Carcassonne. Pourtant, encore la saison dernière, le web diffuseur Sportall retransmettait les matchs. « Nous, les présidents des clubs, avions été consultés, explique celui de Suresnes, Olivier Pouligny. On avait opté pour un modèle gratuit, sans abonnement ni revenu pour les clubs. À la sortie, le modèle retenu était payant. Il y a eu peu d’abonnements, en tout cas pas assez pour que ça tienne. C’est pour ça que ça s’est arrêté. » Aujourd’hui, la plateforme en question RugbyZone propose une affiche par journée et des résumés vidéos. Prochainement, une réflexion sera menée pour faire évoluer cette offre, avec la volonté de séduire d’autres diffuseurs.

Dans le détail, on serait tenté de pointer du doigt tout particulièrement l’absence de droits TV dans le fonctionnement des clubs (voir ci-contre). Ou encore les frais de déplacement très importants, que quatre clubs proposent de réduire en regroupant et en régionalisant les deux niveaux (lire ci-dessous). "Certes, il n’y a pas de droits TV, mais on le savait. De même, quand on parle de frais de déplacements trop importants, ce n’est pas une surprise ! On s’y engage en montant en championnat national", rétorque Olivier Pouligny, président de Suresnes et chargé de mission au service compétitions de la "Fédé". Il recueille notamment les témoignages des clubs : "Les déplacements font partie d’une construction budgétaire, sachant que ça représente entre 5 et 10 % du budget des clubs. Ça n’est pas quelque chose qui doit les mettre en péril. Le vrai problème, c’est l’inflation des salaires qui a eu lieu." Pouligny parle même d’une "course à l’armement" qui a permis à la Nationale d’attirer dans ses filets des joueurs toujours plus expérimentés. Et le niveau global s’en ressent ces dernières saisons. Le revers de la médaille, ce sont des situations économiques fragilisées.

Une baisse des budgets "entre 10 et 15 %"

Concernant la "petite sœur" de Nationale 2, Pouligny temporise : "Cette division est jeune, il est difficile de tirer des conclusions. Mais sur la Nationale, tous les budgets n’ont fait qu’augmenter depuis la création de la poule. On arrive à un niveau où les clubs ne peuvent plus suivre […] Chacun devrait évoluer à un niveau correspondant à ses capacités sportives et économiques." Et le contexte macroéconomique n’incite guère à l’optimisme : "On n’est qu’à la deuxième saison de remboursement des PGE (prêts garantis par l’Etat) contractés lors du covid, rappelle Jean-Louis Caussinus. Non seulement les clubs sont concernés, mais leurs sponsors aussi… Aussi, le rugby est énormément financé par des entreprises dans le bâtiment et les promoteurs immobiliers. Et c’est un secteur en crise." Cela explique la réduction à venir des budgets des clubs en Nationale et Nationale 2. "Entre 10 et 15 %", chiffre Olivier Pouligny. Une réponse spontanée de la part des clubs qui ne verront sans doute pas de changement dans la pyramide des compétitions : "Il est hors de question de décider maintenant, en mars ou en avril, une modification du championnat pour septembre, balaye le dirigeant de Suresnes. C’est infaisable. Pour la saison à venir, il y aura un statu quo, mais il est urgent de réfléchir à ce qu’on peut faire pour la suite."

Hyères-Carqueiranne en grand danger, Bourg tente de tenir le cap

Le destin est parfois funeste. Le 27 janvier dernier, plusieurs joueurs de Blagnac s’étaient inquiétés auprès des Jaune et Vert de l’état financier du club varois. "Ils ont souhaité bon courage à plusieurs d’entre nous, explique un joueur de l’équipe fanion. Mais on est tombés des nues quand on a su pour eux, parce que personne n’était au courant."

Contrairement à Blagnac, le petit monde du rugby connaît les problèmes de trésorerie des pensionnaires d’André-Véran depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Finalement, dans ce triste tableau, ce sont bien les Caouecs qui ont tiré le rideau. Les premiers d’une longue série ? Il se pourrait bien. "Les signaux sont de plus en plus mauvais, nous avoue un cadre du groupe varois. Nous savions depuis le début de la saison que ça serait difficile d’aller au bout. On est impuissant, mais on s’arrache sur le terrain pour donner envie de nous aider."

Un gros trou à éponger

Selon nos informations, les salaires, bien que livrés en retard chaque mois, sont à jour du côté du RCHCC. En revanche, les comptes sont dans le rouge avec un trou de plusieurs centaines de milliers d’euros. Plusieurs sources évoquent le chiffre de 300 000 €.

Comment expliquer cette situation ? En juin dernier, le président-mécène Alain Brenguier, qui a assuré pendant dix-sept ans la bonne santé économique du club, a décidé de se retirer de manière abrupte. Venu avec l’envie de renouer avec son amour de jeunesse, Patrice Teisseire n’a pas la surface financière de son prédécesseur et doit ainsi trouver de nouveaux partenaires pour boucler la saison. Un dépôt de bilan n’est, pour l’heure, pas à exclure même si le flou demeure épais.

Pour se sortir de cette situation périlleuse, les dirigeants jaune et vert, ainsi que les joueurs de l’effectif, essayent de trouver des solutions et des investisseurs à même d’apporter rapidement des fonds. Des indiscrétions évoquent l’intérêt d’un entrepreneur varois, mais désormais, le temps presse plus que jamais.

Bourg-en-Bresse : tenir le cap au milieu des tempêtes

Sans l’arrivée de Dominique Louis comme président-actionnaire majoritaire à la tête de l’US Bressane l’été dernier, le monument violet aurait sûrement été en péril. L’homme, qui figure parmi les cinq cents plus grosses fortunes de France, venait pour aider à structurer le club et donner un coup de boost au projet violet. Mais il a d’abord fallu boucher les trous.

Espérant remonter au plus vite en Pro D2, l’USB avait pris un risque financier la saison précédente. L’échec fut sportif et économique. Depuis, Bourg essuie des tempêtes (changement de staff, départs) dont la dernière au sujet d’un contentieux avec son ancienne régie commerciale (USB condamnée en première instance à une somme qui dépasse les 510 000 €, dont 419 000 € concernant l’association). Là encore, Dominique Louis s’est montré rassurant. Le club a échangé avec la Fédération sur la situation actuelle. Les comptes consolidés (SASP et association) seront scrutés, si bien que, côté club, on reste confiant sur ce point. En se méfiant tout de même qu’une nouvelle tempête ne vienne pas contrarier les plans.

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Les commentaires (2)
PALOIS64 Il y a 2 mois Le 20/02/2024 à 09:59

Tout est dit dans le commentaire précédent. Je rajoute l'égo démesuré de quelques dirigeants qui mène droit à la faillite. Certains de ces messieurs jouent avec l'argent qu'ils n'ont pas et conduisent leurs équipes à la catastrophe

Aberwrach Il y a 2 mois Le 19/02/2024 à 14:19

Il ne faut pas faire les étonnés quand on voit la course à l'armement que réalise les clubs de National jusqu'en Fédéral. Tout le monde veut recruter des internationaux étrangers plutôt que de faire jouer des jeunes ou moins jeunes de chez nous.
Les étrangers coutent très chers : logement, voiture et salaires pour ces niveaux dits "non pro".
Tout est fait pour décourager les jeunes de venir à ce sport, qui comme le dit la pub : "les valeurs du rugby".
On ne voit pas autant cette afflux de joueurs étrangers, il n'y a qu'en France. Bien qu'en Angleterre certains clubs ont payé très chers leurs abus. Comme en France nous ne sommes pas novateurs, on va se planter comme eux avant de réagir.