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Top 14 - Travers - Labit : récit d'une histoire d'amour mal terminée

Par Clément LABONNE
  • Travers - Labit :  les feux de l’amour
    Travers - Labit : les feux de l’amour
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Laurent Travers et Laurent Labit vont s’affronter à distance ce week-end. Une première après avoir partagé quatorze ans de vie commune avec une douloureuse séparation.

Quel est le but d’un ami en commun ? Unir, d’amitié ou d’amour, deux inconnus avec une même connaissance mais dont les destins sont pour l’instant isolés. Deux cas se produisent alors : l’inimitié ou une nouvelle relation charnelle. Pour Laurent Labit et Laurent Travers, cet ami en commun a produit une véritable éruption. Les deux hommes ne se sont alors croisés que sur les terrains du championnat de France, sans que les effusions de la troisième mi-temps n’aient produit un quelconque effet sur l’attraction deux cerveaux.

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La rencontre se déroule en 2005, "Lolo" est en charge de Montauban et "Toto" sort de deux saisons passées à Clermont. Accompagné de leurs femmes, le futur tandem se conduit sur des bases heureuses, comme le rappelle Pascale Labit. "Quand nous sommes revenus de notre première rencontre, nous nous sommes dit que ça allait coller et eux pareil de leur côté", déclarait-elle dans les colonnes du Parisien, en 2019. Une rencontre qui tombe à pic, puisque Laurent Labit cherche une tête pensante pour les avants montalbanais. Classé en Pro D2, le MTG XV veut retrouver l’Élite une saison après l’avoir quitté. À l’instar de leur amitié naissante, le coup de foudre entre Montauban et les deux Laurent produit une étincelante saison 2005-2006. Matthias Rolland, taulier de Sapiac, se rappelle d’une association mêlant le feu et la glace. "C’était un peu good cop, bad cop. Selon la journée ou leur humeur, l’un était plus incisif quand l’autre arrondissait les angles, et inversement (rires). Je pense malgré tout que Travers était un peu plus le feu, il était dans le côté relationnel, et Labit la glace, il analysait les équipes adverses. Mais leur vision du rugby était très claire. En une phrase, c’était : "on ne se prend pas pour d’autres". C’était leur fond de commerce". Un leitmotiv qui projette Montauban vers les étoiles. Avec 117 points, les hommes de Sapiac terminent premiers de Pro D2 et possèdent toujours le record de cette domination avec le Lou. Un monde d’écart permis grâce à une féroce puissance en conquête. "Laurent Travers avait une énorme connaissance de la touche. À tel point qu’on connaissait parfois davantage les annonces des adversaires qu’eux-mêmes" relance Rolland. "Nous étions dans un rugby un peu moins physique qu’aujourd’hui donc notre stratégie était efficace et nous a vraiment permis de dominer les équipes adverses. On était sincèrement des joueurs un peu moyens à la relance (rires)."

La même recette à Castres

Yannick Caballero, Mathieu Bonello et autres Matthias Rolland sont les premiers bébés du jeune couple d’entraîneurs. L’USM est censée entrer en enfer dans le championnat des "grands". Mais Sapiac crée la sensation en terminant à une éclatante septième place. Au milieu d’un exercice 2006-2007 insolent de réussite, la fusion entre "Toto" et "Lolo" s’intensifie. L’ancien deuxième ligne se souvient de plusieurs moments forts dans la vie quotidienne du groupe vert et noir. "J’exagère, mais ils passaient leur vie ensemble. Quand ils mangeaient à la cantine ça rigolait davantage qu’à la table des joueurs. Laurent Labit avait un sens de l’humour incroyable et ça déconnait chaque semaine… sauf après des grosses défaites (rires). Que ce soit à Montauban ou Castres ensuite, leur grande force était d’être d’une extrême précision à l’entraînement et de nous lâcher la bride quand il le fallait."

Un souvenir vivement partagé par Marc Andreu, issu de la deuxième génération de "Toto" et "Lolo" à Castres, puis au Racing. En fin de contrat sur la Rade de Toulon, en 2009, la petite bombe de Fréjus raconte avoir été séduite par le tandem castrais. "Ce ne sont pas des entraîneurs, ce sont mes deuxième et troisième pères ! J’avais plusieurs possibilités lors de mon départ de Toulon mais le discours des deux Laurent m’a vite fait basculer avec un rugby de valeurs, de collectif et de partage. Ils ont toujours fonctionné en prenant le pouls du groupe et naviguaient entre performance et management. Sur des défaites où nous étions nuls on pouvait avoir trois jours de repos ensuite. Cela paraît insensé pour les supporters mais c’était le cas ! Parce qu’il fallait qu’on s’aère l’esprit d’une manière ou d’une autre. Et ensuite généralement on faisait des bons matchs (rires)." De Montauban à Castres, les Laurent basculent dans une autre dimension. Plus de moyens, plus d’ambitions et plus de pression pour des hommes que Pierre-Yves Revol a vite "sentis". L’emblématique président du CO retrace le fil de leur nomination seulement quelques semaines après leur brillant mandat montalbanais. "Naturellement j’ai eu envie de tenter l’aventure avec eux. Ils étaient à un stade de leur carrière où Castres était une promotion par rapport à Montauban et ça leur permettait de poursuivre leur aventure professionnelle avec un peu plus de potentiel. J’ai vraiment le souvenir d’une période sereine à gérer. J’ai très vite vu qu’ils donnaient le maximum, ils arrivaient très tôt au travail. C’étaient les hommes idéals pour tirer le maximum du potentiel de Castres, Laurent Travers arrivait à optimiser les moyens qu’il avait à disposition. Ils ont toujours cherché à optimiser sans réclamer de moyens supplémentaires et cela nous a réussi."

Laurent Labit (gauche) et Laurent Travers (droite) à Castres.
Laurent Labit (gauche) et Laurent Travers (droite) à Castres. Manuel Blondeau / Icon Sport

Sur ce point, Pierre-Yves Revol raconte d’ailleurs les coulisses croustillantes du transfert de Marc Andreu et le rôle majeur de Travers dans le processus. "On avait fini le recrutement de la saison 2009-2010 et "Toto" voulait absolument me faire signer un joueur. Sauf que je lui avais dit qu’on était au maximum au niveau salarial. Travers me dit "je t’assure ! Il a un salaire très modeste il faut absolument le prendre". Je réfléchis puis il revient vers moi quelques jours plus tard et me dit cette phrase ahurissante : "je prends la moitié de son salaire pour qu’on le signe". De ma vie de président je n’ai jamais vu cela." Un pari gagnant, et de quelle manière, avec un Bouclier de Brennus soulevé face aux Galactiques toulonnais, en 2013, après quatre saisons constantes en phase finale. Le pied de Rémi Talès et la malice de Rory Kockott envoient le Tarn au septième ciel à l’instant même où Travers et Labit montent ensemble au Racing.

La quatrième dimension avant la séparation

"Ils m’ont annoncé leur départ au Racing à l’automne 2012 mais dans la clarté et la transparence, ce qui est exceptionnel. J’étais un peu triste de les voir partir mais aussi très heureux parce qu’ils avaient donné le maximum. Je n’ai jamais connu une séparation plus heureuse", poursuit Revol. Comme en 2009, Travers et Labit montent en gamme. À Colombes, Jacky Lorenzetti déroule le tapis rouge au couple tarnais. De Jonathan Sexton à Jamie Roberts, "Toto" et "Lolo" débarquent dans une autre dimension, et embarquent avec Marc Andreu, toujours lui. "J’étais dans un petit confort à Castres et je voulais les suivre là-bas. Ils m’avaient demandé très tôt de les rejoindre, et il faut savoir que je gagnais moins au Racing qu’au CO ! Malgré ce changement de club, ils n’ont pas changé leurs méthodes en se basant sur un noyau de leaders. Un an après mon arrivée, Brice Dulin et Rémi Talès ont débarqué au Racing et ils étaient vraiment les relais des deux Laurent", se souvient l’ailier aux quatre-vingt-un essais. Après deux saisons sans finale, le Racing version Travers-Labit brise enfin le plafond de verre des Ciel et Blanc en rejoignant Toulon au Camp Nou de Barcelone, en 2016. Trois après avoir soulevé le Brennus avec Castres, les deux hommes ajoutent une nouvelle ligne à leur palmarès dans une finale épique. Une première case cochée, avant que la Coupe d’Europe ne se refuse au duo la même année ainsi qu’en 2018.

Laurent Travers (gauche) et Laurent Labit (droite) pendant leur période au Racing.
Laurent Travers (gauche) et Laurent Labit (droite) pendant leur période au Racing. Icon Sport

Malgré la blessure de ne pas ajouter une étoile à l’iconique maillot francilien, Labit et Travers qualifient chaque année les Ciel et Blanc en phase finale. Tout roule pour le plus vieux couple du Top 14 jusqu’à la séparation, en 2019. Les deux hommes partagent le doux rêve d’entraîner ensemble le XV de France en guise de stade final de leur progression. Mais lorsque Labit annonce à Travers sa décision de rejoindre le staff de Fabien Galthié, le coup de foudre laisse place à l’orage. Après quatorze ans de vie commune, le divorce est consommé. Encore aujourd’hui, les deux techniciens ne sont plus les meilleurs amis du monde, mais restent dignes. "Aujourd’hui, comme un couple, ils ont deux enfants ensemble, ce sont les Brennus de 2013 et 2016. On aimerait qu’ils se parlent un peu plus, c’est sûr… On a récemment fêté les dix ans du Bouclier à Castres et ils ont su faire la part des choses et c’est remarquable", philosophe Marc Andreu. Quelques semaines après avoir sabré le champagne du premier Brennus, "Toto" et "Lolo", les anciens meilleurs amis du monde se défieront indirectement en plein Paris. Au milieu du chic XVIe arrondissement de la capitale, le manager Labit portera son survêtement rose au moment d’affronter le Racing du président Travers, en costume. Les éclairs frapperont-ils Jean-Bouin ?

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Les commentaires (4)
LoupVert Il y a 5 mois Le 18/11/2023 à 09:43

PS : en toute cordialité et sans aucune agressivité pour le rédacteur, le paragraphe introductif est plutôt abscons...

Ninja31 Il y a 5 mois Le 18/11/2023 à 11:42

Je confirme.

LoupVert Il y a 5 mois Le 18/11/2023 à 09:38

Un Ami qui n'est plus un Ami n'était pas un Ami...

envoituresimone Il y a 5 mois Le 18/11/2023 à 07:17

J'imagine déjà le scénario des feux de l'amour !